Helsinki : Arctic Parties
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La nuit est souvent une histoire de surprises qui surviennent généralement là où ne sait rien. Et force est de constater qu’en matière de bringue, on ne connaît pas grand-chose de la Finlande. Direction Helsinki donc, pour voir si la fête a vraiment perdu le nord.
C’est bien connu, l’exercice qui consiste à comparer la vie nocturne des capitales européennes est aussi célèbre que celui qui se propose d’examiner la taille du sexe de son voisin. Léger, générationnel et pratique, le sujet reflète parfaitement la soif de référentiels de l’étudiant qui, tout en se mesurant la teub, se complait à sonder la teuf. Seulement voilà, comme bien souvent, le hobby se savoure entre amis et les pays qui n’ont pas la bénédiction des Erasmus se retrouvent bien souvent exclus du concours de beats.
Concours de beats
C’est moins connu, mais l’époque ne bégaye plus. Drainée par une sorte de refus de tout ce qui est ordinaire, la hype s’exporte. Au nord, à l’est, des villes jadis délaissées deviennent les temples de la night underground. Même à Berlin, l’ennui est palpable. Rencontré sur un chemin qui ne menait pas à Rome, Lukas - un Allemand qui voyage - me disait : « tout le monde à Berlin me dit que le nouveau spot pour faire la fête, c’est Riga (en Lettonie, ndlr). Bon, j’ai étudié un an là-bas. C’est cool mais de là à dire qu’il se passe énormément de choses… » Qu'importe, le constat est sans appel : plus c’est loin, plus c’est bon. Ça tombe bien, nous revenons d’un séjour de 4 jours à Helsinki, ville que peu d’entre nous savent placer sur un globe.
La capitale de la Finlande fait partie de ces endroits étranges que seul Arte nous propose d’explorer à raison d’une comédie dramatique par an. L’alcoolisme ou le taux de suicide chez les jeunes participent à la relative augmentation de la population qui affiche 5,4 millions d’habitants. Je pensais comme vous avant de venir. Que trop occupés à étudier dans les meilleures universités d’Europe, les jeunes d’Helsinki n’auraient pas le temps de boire. Remarque, c’est un peu vrai puisque la plupart des étudiants (journalistes) que j’ai rencontrés bossent, étudient et sont engagés dans une ONG. Comme l’éducation n’attend pas, le Finlandais se lève tôt. Ce qui - logique nordique - laisse les artères de la ville désertes et aussi excitantes qu’un verre de sirop d'orgeat.
Daft Punk on Radio Helsinki
Cela dit, la vie reprend ses droits lorsqu’il s’agit d’oublier de faire ses devoirs. Le weekend, certaines parties d’Helsinki se transforment alors en véritables traquenards. C’est le cas du quartier de Kallio où deux clubs se partagent le bon quart des fêtards de la ville. L’un d’entre eux, le Kuudes Linja (du nom d'une célèbre car inexistante rue du quartier, ndlr) accueille une clientèle plutôt branchée, capable de se rincer à 10 euros le gin-tonic. Mais le véritable attrait du lieu, c’est sa programmation musicale. « C’est un Dj de Radio Helsinki qui passe le son, m’explique Soili - une jeune russo-finlandaise qui habite le quartier. Et Radio Helsinki c’est surtout une radio connue pour ses goûts musicaux. » Au menu : Daft Punk, les Strokes des années 2000, Joy Division, New Order, Justice ou la bonne période de Franz Ferdinand.
Dehors, les gens fument un peu pendant que le videur tatoué s’épuise à demander aux moustachus de déposer leurs verres à l’entrée. En face des bennes d’un entrepôt et coincé entre deux bâtiments industriels, la terrasse grouille de gens qui s’enjaillent. A quelques kilomètres de là, les rues du quartier de Punavuori sont beaucoup plus calmes. Sur un banc, quelques skateurs éclusent des cannettes des bières tandis qu’un groupe de bonnes femmes s’accordent une cigarette, un plaid sur les épaules. Nous sommes censés être dans l’épicentre de la fête et pourtant le coin est aussi animé qu’une rue d’ambassades. « A Helsinki les gens sont habitués à rester dans les bars. Pas grand-monde qui fume et l’hiver il fait -15 dehors. Disons que c’est une sorte d’habitude », rassure Iiris, une cigarette entre les doigts. Deux bars sont essentiellement squattés par les jeunes. D’un côté le Como te llamas - ambiance minimale avec fauteuils d’époque et balançoires. La bière est accessible (5,50 euros les 0,40L) et la serveuse sourit easy. De l’autre, le We Got Beef qui a décidé de se brancher sur tous les courants alternatifs de la hipstermania. Un espace de dingue affiche autant de déco qu’une galerie d’art contemporain à travers laquelle glisse une jeunesse décontractée, tatouée et habillée comme dans un clip de Mac Miller. On se croirait au vernissage d’une boutique de fringue éphémère : des gens incroyablement immobiles vous scannent sans la moindre émotion puis repartent assister - seuls - à une partie de babyfoot.
Bref, la vie nocturne à Helsinki s’apprécie comme ailleurs. En plus chère. Le billet de 20 euros ne suffit plus mais les prix vous permettront au moins d’être surpris. L’étonnante rapidité à laquelle la ville change de forme en un instant vous fera flipper, un peu, comme un timide qui a trop bu.