Helmut Schmidt, mort d'une grande figure de l'amitié franco-allemande
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léa l.Ex-chancelier de la République fédérale d'Allemagne, Helmut Schmidt fut, avec son ami français Valéry Giscard d’Estaing, un artisan inlassable des relations franco-allemandes. Toujours la cigarette au bec, le politicien fort en gueule était aussi une figure emblématique du monde politique allemand.
Hommage à Helmut 'Smoky' Schmidt, décédé le 10 novembre à Hambourg.
Helmut Schmidt, qui fut chancelier fédéral de 1974 à 1982, appartenait depuis longtemps au paysage de la vie politique allemande. De même qu'en Pologne toute une génération a vécu avec le pape polonais Karol Wojtyla, Jean-Paul II, Helmut Schmidt semblait pour les Allemands être tout simplement « schon immer da », depuis toujours là. Intelligence aiguë et rhétorique prégnante faisaient de lui un monolithe contre lequel les opposants politiques venaient se casser les dents. Souvent, ces opposants se trouvaient d'ailleurs au sein même du parti de Schmidt, le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD).
L'attention qu'on lui portait - ce qu'il adorait - reposait sur cette forme bizarre de partialité extrême. En Allemagne, pourtant carrée sur les règles, Helmut Schmidt, fumeur acharné connu, était le seul à se dérober à l'interdiction de fumer au Parlement. Il y consommait du tabac à priser et commentait le déroulement des débats, sans mot dire mais avec des expressions fortes. Helmut Schmidt avait un ton franc et se passionnait pour le compositeur Bach.
« Dass Menschen so leben müssen! » - Que des gens doivent vivre de cette manière !
Helmut Schmidt est né le 23 décembre 1918 à Hambourg, une ville portuaire à l'ambiance cosmopolite. Ce fils de commerçant fréquente une école réformiste mixte et rencontre en 1929 Hannelore 'Loki' Glaser, sa compagne de toujours qu'il épousera en 1942. Son engagement politique date de ses premiers hochements de tête face aux conditions de vie de sa petite amie (5 personnes dans 28 m²).
Helmut Schmidt était immunisé contre l'idéologie raciste national-socialiste. La révélation de l'existence d'un grand-père juif, dont l'origine avait été dissimulé avant par falsification de documents, le suivit toute sa vie.
Il revient de la Seconde Guerre mondiale avec le rang de lieutenant et devient membre du parti SPD en 1945. Ses origines, son éducation, sa vie sans fioritures lui valent plus tard souvent des reproches ; il aurait « appris le socialisme à la table des officiers ».
« Ich bitte, nur intelligente Fragen zu stellen » - Merci de ne poser que des questions intelligentes
Helmut Schmidt se fait connaître dans toute l'Allemagne à l'occasion d'un raz-de-marée à Hambourg en 1962. Il coordonne de manière compétente, et grognonne, les mesures de sauvetage, ignore sans gêne les autorités et ordonne sans autorisation une aide militaire nationale et même celle d'autres pays. Ce genre de répliques typiques lui valurent le surnom de « Schmidt Schnauze », Schmidt la grande gueule. Sautant des étapes, il prend ensuite des fonctions politiques et fut Ministre de la Défense de 1969 à 1972 puis, à partir de 1972, Ministre des Finances.
Documentaire Helmut Schmidt - Mein Leben, sur la vie de l'ex-chancelier (4:42)
« Wer Visionen hat, sollte zum Arzt gehen » - Celui qui a des visions devrait consulter un médecin
Helmut Schmidt gagne puis perd la chancellerie de manière peu orthodoxe. Son prédécesseur, Willy Brandt, démissionne en 1974 à la suite de l'affaire d'espionnage d'un de ses conseillers et Helmut Schmidt devient chancelier. En 1982, Schmidt perd cette fonction contre Helmut Kohl lorsque le parti libéral FDP arrête sa coalition avec le SPD et s'associe avec les conservateurs CDU/CSU.
Au niveau de la politique étrangère, Willy Brandt avait avant tout travaillé à la Ostpolitik, une politique vers l'Est ; il reste donc l'Ouest. Pour Schmidt, la toute première priorité est inlassablement la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Il trouve un pendant empli de la même volonté en la personne du Président français Valéry Giscard d'Estaing qui devient un ami personnel.
La première crise pétrolière, en 1973, l'échec du système Bretton Woods pour des taux de change plus fixes... La réponse de Schmidt, diplômé en économie, à tout ça est la quête d'une interdépendance économique et politique plus étroite avec des grandes nations industrielles. Avec la création du Conseil européen en 1974, un comité de consultation composé de chefs de gouvernements européens voit le jour. En 1975, le Président français invite les chefs d'État et de gouvernement d'Allemagne, du Royaume-Uni, d'Italie, du Japon et des États-Unis à une rencontre informelle au château de Rambouillet, ce qui mène à la création du G6. Au fil des ans, le cercle s'agrandit avec l'arrivée du Canada puis de la Russie, formant ainsi le G8 actuel. Depuis, tous les domaines de la politique sont débattus et il y a une coopération permanente au niveau des hauts fonctionnaires gouvernementaux. Avec une grande coordination de leurs politiques, Helmut Schmidt et Giscard d’Estaing défendent la mise en place d'un système monétaire européen, ce qui participe à la création plus tard de l'euro.
« Mit diesem NATO-Doppelbeschluss stehe oder falle ich » - Avec cette double décision de l'OTAN, je reste ou je tombe
A partir de 1976, l'Union soviétique se dote de missiles à moyenne portée SS-20 et Schmidt y voit une menace exclusive pour l'Europe centrale. Il bataille véhément à partir de 1979 pour que l'OTAN installe des missiles en Europe occidentale pour riposter et engage parallèlement des négociations pour obtenir le retrait des missiles soviétiques. Après l'échec des négociations pour le désarmement, un déploiement des euromissiles américains en Allemagne est approuvé. En faisant du chantage, Helmut Schmidt force son parti à agir et le SPD, traditionnellement plutôt pacifiste, le suit en grinçant des dents.
« Diese Leute bestreiten alles, nur nicht ihren Lebensunterhalt » - Ces gens contestent tout sauf leurs salaires
Pendant l'ère Schmidt, l'utilisation civile de l'énergie atomique s'intensifie pour remédier aux effets de la crise économique due au choc pétrolier de 1973. Des centaines d'opposants manifestent contre cette utilisation excessive du nucléaire ainsi que contre la mise en place des euromissiles de l'OTAN. Alors qu'Helmut Schmidt ne nourrit que peu de sensibilité pour les idées soixante-huitardes, sa politique contribue malgré lui à la montée d'une conscience écologiste qui mènera plus tard à la création du parti Die Grünen, le parti politique vert allemand.
« Wie auch immer Sie entscheiden, kann es schlecht ausgehen » - Quelle que soit votre décision, ça ne peut que mal tourner
La politique intérieure de cette époque est marquée par la confrontation à la terreur due à la Fraction armée rouge (RAF), aussi connu sous le nom de la bande à Baader. Leurs attaques de banque, attentats et prises d'otages occupent quotidiennement l'actualité comme le sont actuellement les récits autour des attentats de Paris. Ces événements culminent en 1977 avec ce que les Allemands connaissent sous le Deutscher Herbst, l'automne allemand. Afin de négocier la libération de membres emprisonnés, la RAF prend le représentant du patronat allemand Hanns-Martin Schleyer en otage. Pour exercer encore plus de pression, des terroristes palestiniens alliés au RAF détournent un avion de la Lufthansa. Mais ces terroristes à la recherche d'une altercation avec l'Allemagne se heurtent à des politiciens aguerris avec l'expérience de la guerre. Au lieu de se prêter aux revendications des terroristes, l'unité spéciale allemande GSG-9 prend d'assaut l'avion qui avait été détourné vers Mogadiscio, en Somalie, et libère tous les kidnappés. A la suite de ça, trois terroristes incarcérés en Allemagne se donnent la mort et Hanns-Martin Schleyer est assassiné par la RAF.
Le couple Schmidt est mis à l'honneur dans le programme télévisé Loki & Smoky.
« Politik ist pragmatisches Handeln zu sittlichen Zwecken » - La politique, c'est du commerce pragmatique pour des buts moraux
Après sa défaite en tant que chancelier, Helmut Schmidt reste député SPD au Bundestag jusqu'en 1987. Plus tard, il cofonde le InterAction Council, un club d'anciens chefs d'État, et il est l'un des premiers signataires de la « Universal Declaration of Human Responsibilities », la Déclaration universelle des responsabilités de l'Homme.
En 1983, il devient un des éditeurs du journal hebdomadaire allemand Die Zeit pour lequel il écrivait encore. Le titre de sa chronique, Auf eine Zigarette mit Helmut Schmidt, Le temps d'une cigarette avec Helmut Schmidt, montrait sa popularité. Le fumeur acharné Schmidt était une figure notoire.
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Auteure : Anke Wagner-Wolff
Translated from Helmut Schmidt: der schlecht-temperierte Kanzler