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Helene Fischer : ma lettre à la star préférée des Allemands

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BerlinCulture

Impossible, en Allemagne, d’échapper au « phénomène » Helene Fischer. La chanteuse blonde, d’origine russe-allemande, a su convaincre les charts et les cœurs des Allemands. Son domaine de prédilection : le Schlager, un genre bien à lui, mélange de folklore national, de mélodies faciles et de bons sentiments. Les sentiments justement, c'est ce que met notre auteur dans sa déclaraiton à la pop-star.

Outre ses tubes à succès comme « Atemlos durch die Nacht », Helene Fischer sait tout faire : danser, présenter des cérémonies et même jouer une Russe brune (eh ouais, rôle de composition) dans le célèbre téléfilm policier Tatort. Selon un sondage récent, elle serait même la fiancée idéale des Allemands. Et moi et moi et moi, je l’ai presque rencontrée.

Acte 1 : La toute première rencontre

Je m’en souviens comme si c’était hier. Et toi, t’en souviens-tu, ô Helene ? Tu veux raconter, non, allez, c’est moi qui raconte. C’était à Munich. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je ne te connaissais pas. Aussi croyable que cela puisse paraître, tu ne me connaissais pas non plus. J’errais joyeusement dans les rues bavaroises, sirotant avec insouciance une boisson non-alcoolisée avec de jeunes étudiants qui voulaient refaire le monde. À m’asseoir sur un banc, cinq minutes avec eux et regarder les gens tant qu’y en a, nous nous sommes vite aperçus que le flot de passants était bien épais pour une heure aussi tardive. Il était au moins, ouhlà, 22h30. Ces passants allaient tous dans la même direction et semblaient de tous âges. Sortie de cinéma ? Trop de monde. Théâtre ? Trop de monde. Intrigué, n’écoutant que mon cœur hardi de journaliste, je me dirigeais vers cette foule en mouvement : « Grüss Gott, Monsieur le Bavarois, quelle pourrait bien être la raison de cet intriguant attroupement ? » - « Helene Fischer ». Et voilà, c’est ce moment-là. Exactement ce moment-là où nous nous sommes rencontrés. Ton nom dans la bouche moustachue de ce Bavarois.

Acte 2 : L’aventure estivale

Tout est allé très vite ensuite. Enfin surtout pour toi. Tes chansons passaient en boucle à la radio, mais bizarrement pas les radios que j’écoute. Tes spectacles faisaient salle comble mais bizarrement pas les salles où je vais. Tu étais dans toutes les conversations… ah si, aussi les conversations où je participais. Statistiquement, dans un groupe de quatre, il y en avait toujours un pour dire : « Eh ben moi, j’ai le CD d’Helene Fischer. Attends, je l’ai pas acheté évidemment, t’imagine. C’est un cadeau de ma belle-mère. Pfff, ma belle-mère, j’te jure. Bon, mais finalement ça s’écoute bien. Tous les matins. En boucle. 20 fois ». Je ne sais pas ce que tu as fait aux belles-mères, ô Helene, mais c’est elles, apparemment, qui dictent les lois du marché allemand du disque. Mon seul apport à ce genre de conversation se résumait souvent à : « Tu te rends compte, on a le même âge ! ». Ah oui, parce que Helene et moi, on a le même âge, forcément, ça rapproche. Scarlett Johansson aussi, cela dit. Une génération dorée, quoi.

Helene Fischer avec l'équipe d'Allemagne de foot. Gros spectacle.

Bref, en cet été 2014, nous nous sommes revus, toi et moi. C’était une matinée comme une autre. Je flânais tranquillement avec 500 000 autres personnes près de la Porte de Brandebourg. Un avion traversa le ciel. À son bord, 22 jeunes hommes qui venaient de remporter un tournoi de foot au Brésil. Apparemment, ces garçons étaient bien fatigués car ils ont mis bien du temps à faire le trajet entre l’aéroport de Tegel et la Porte de Brandebourg alors que, pourtant, c’est simple, il suffit de prendre le bus 128 jusqu’à Kurt-Schumacher-Platz puis le U6 direction Alt-Mariendorf. Mais bon, ils sont pas du coin, je leur en veux pas. Moi et mes 499 999 potes, on a un peu poireauté quand même en les attendant. Mais là, tu m’es réapparue. Un maillot de la Mannschaft découpé juste au-dessus du ventre comme une Jennifer Aniston dans Friends. Ton nombril apparent, un maillot de foot et ta chanson, ô Helene, tu as poussé toute une nation dans l’extase collectif.

Acte 3 : La demande

Il n’y en avait plus que pour toi, tu étais devenue un « Phénomène », la fiancée de l’Allemagne. Tu étais devenu l’égérie des DJs berlinois qui, on les connaît, ont une manière bien à eux de déclarer leur flamme pour ton œuvre musicale : « Qui me demande du passer du Helene Fischer, mourra dans d’atroces souffrances », pouvait-on lire dans certains clubs de la capitale. Quels chafouins !  Il me fallait donc agir vite avant que tu ne sois engagée pour de bon (de fiancée à Mutti de l’Allemagne, il n’y a qu’un pas, ô Helene). Je l’avoue donc ici et maintenant : je t’ai fait ma demande. Je vous livre quelques détails intimes et exclusives de cette missive : cela ressemblait à « Chère Madame Fischer, je suis correspondant, blablabla… rédiger un portrait pour un grand journal… blablabla… je serais ravi que nous puissions convenir d’un rendez-vous pour une interview… blabla… mes salutations distinguées ». Voilà, j’avais tout donné. Tout, pour toi. Mon adresse mail, mon numéro de téléphone, le nom de mon employeur. Et toi ?

« Désolée, j’ai pas le temps. »

Le vent polaire. Le râteau brutal en pleine tronche. La veste bien carabinée.

J’en suis resté sans souffle toute la nuit.

Ô Helene, le temps a fait son œuvre désormais, de l’eau a coulé sous les ponts de la Spree. Mais la cicatrice reste là et à chaque fois que je lis une de tes rares interviews dans un journal, mes pensées ne peuvent s’empêcher de s’envoler et je me dis : ça aurait pu être moi.

Ô Helene, si tu m’entends, si tu me vois, sache qu’il n’est pas trop tard. Si tu souhaites une deuxième chance pour une interview, je suis prêt à pardonner et te croire quand tu diras que notre première tentative manquée n’était qu’un accident et nous pourrions continuer à écrire ensemble notre relation très spéciale.

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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Berlin. Toute appellation d'origine contrôlée.