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Guerre Globale et Principe d'Hospitalité: une antithèse actuelle

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Translation by:

Carine Bouillery

Guerre, terrorisme et néonazisme : des phénomènes contemporains auxquels personne ne veut penser. Deux philosophes parlent du sens – ou du non-sens – de ces concepts et nous rappellent qu’un homme meilleur est possible.

« Guerre » est un mot auquel nous sommes habitués. Parler de guerre nous semble presque normal. Pourtant, dans cette normalité se cache une peur indéfinie… : « Et si c’était vraiment la guerre ? ». Aujourd’hui, le Pape François nous demande avec aplomb si l’on peut affirmer que la Troisième Guerre Mondiale a commencé et en disant cela, il fait écrouler tous les murs fragiles de nos illusions, aussi naïves que rassurantes.

Le Centre Culturel pour l’Art Contemporain « Luigi Pecci » de Prato (centropecci) tient une série de conférences intitulée « Hommes en guerre » afin d’aborder le thème de la guerre et ses nombreuses facettes. C’est dans ce contexte que sont intervenus deux philosophes contemporains : Sergio Givone, ancien professeur d’Esthétique à l’Université de Florence et Donatella Di Cesare, professeur de Théorie à l’Université La Sapienza de Rome. La conférence philosophique, suspendue sur le fil d’un débat à mi-chemin entre philosophie et histoire, fut vraiment captivante grâce à sa franchise et sa profondeur.

La confusion de la guerre

Le professeur Di Cesare soutient que depuis le 11 septembre nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle de la Guerre Globale. Il s’agit de l’autre face de la globalisation, son ombre inquiétante. Ses caractéristiques sont les suivantes : elle est endémique, elle se déroule par intermittence, elle n’a pas de frontières géopolitiques définies et il s’agit également d’une guerre civile, car elle est interne aux états. C’est pour ces raisons qu’il est possible de dire que notre époque est extrêmement compliquée. Cette complication étourdissante est la nature propre de la guerre qui étymologiquement signifie justement « confusion ». En effet, le scénario actuel est infiniment confus : nous ne savons pas faire la distinction entre ami et ennemi et même notre discret voisin pourrait être l’auteur d’un massacre. Il n’y a pas de fronts définis, mais plutôt des fronts qui se redéfinissent continuellement. De plus, on ne combat plus pour la terre, mais pour un idéal d’humanité absolu dont l'intransigeance est terrible. C’est pourquoi il est difficile de définir précisément le terrorisme. Nous utilisons ce terme pour indiquer de manière générale toutes les formes fuyantes de cette guerre globale et diffuse. Le professeur Sergio Givone affirme : « Le terrorisme est la forme extrême du globalisme guerrier. C’est un attentat gratuit destiné à détruire tout ce que je ne suis pas, car – dans cette pensée – moi seul suis digne d’exister ».

Le néonazisme actuel

Les deux philosophes ont parlé d’une résurgence actuelle des phénomènes nazis. Le mot « nazisme » nous impressionne et nous fait peur. On pense tout de suite à la Shoah, aux camps de concentration et à une volonté idiosyncrasique d’anéantissement de l’humanité. C’est une pensée insupportable, trop limitée, trop terrible pour la croire vraie et l’accepter comme le fruit d’un projet humain rationnel qui – en résumé – voulait la réorganisation biopolitique de toute l’humanité. C’est pourquoi elle est souvent qualifiée de « folie générale ». Ceci peut porter à une connaissance superficielle de ce que fut le nazisme et nous rendre désarmés et ignorants face à sa nouvelle manifestation. Comme le dit le professeur Donatella Di Cesare : « On ne peut pas reconnaître ce que l’on ne connaît pas. Le risque que nous courrons aujourd’hui est celui de la simplification, car il est difficile de supporter des choses aussi compliquées. » Il est facile de tracer une ligne et de dire : « Moi, je suis un citoyen européen qui vit dans son beau pays ; et toi, tu es un émigré, un exilé, un homme sans droits ». En raisonnant ainsi, on risque de schématiser l’homme et de ne plus laisser la place à une réflexion critique.

Comment se manifestent ces formes de néonazisme ? Dans l’idée de décider avec qui cohabiter. C’est le monstrueux (un concept de Gunter Anders) et c’est déjà un début de nazisme, car il contient l’idée germinale que l’on peut imposer un modèle d’humanité, qu’il existe un droit de terre et de sang pour habiter un endroit.

Le principe de l’hospitalité

Il n’existe pas un seul peuple sur Terre qui puisse revendiquer sa présence sur celle-ci depuis toujours. L’exil, la migration, l’errance… sont tous des phénomènes qui font partie de notre existence. Nous devrions penser que la Terre ne nous appartient pas et que nous sommes tous des résidents étrangers. C’est pourquoi, expliquent les deux philosophes, la Terre doit être considérée comme une épouse et non comme une mère. Il ne faut pas se reconnaître liés à cette dernière par le droit du sang et selon un principe d’identification, comme si nous en étions les patrons ; mais nous devrions plutôt la vivre comme un don et selon le principe de l’hospitalité, justement comme des invités. La conscience de vivre sur la Terre comme des invités est ce qui caractérise depuis toujours les Juifs, peuple du déracinement par excellence. Pourtant, dans cette profonde et humble vérité réside un incroyable principe d’innovation. Si en effet nous sommes tous des invités, nous sommes égaux et il est possible de penser à la Nation comme à une réalité qui accueille de nombreux peuples tout en conservant leurs différences : une confédération.

Quelle idée est la bonne ? L’homme-loup qui tue dans l’état de Nature ou l’idée fabuleuse de l’homme qui se retrouve dans « une forêt obscure » seulement à cause d'une chute et d'un dérapage ? Hobbes ou Vico ? L’idée d’un homme meilleur, d’un monde meilleur, de se savoir invités et non patrons… en définitive l’idée de paix est vraiment « l’autrement », un autre début qui s’oppose en tout à la guerre et qui n’a rien à voir avec elle.

Translated from Guerra Globale e Principio d'Ospitalità: un'antitesi attuale