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Groenland : la fenêtre arctique de l’Europe se referme

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N. T.

SociétéPolitique

Le 21 juin prochain, le Groenland prendra encore un peu plus d’indépendance vis-à-vis du Danemark : un nouveau régime voté par référendum accorde aux habitants le droit à leurs propres ressources énergétiques parmi une trentaine de compétences.

Depuis l’Europe, quelle image a-t-on du Groenland ? Celle d’un désert de glace. Et ce n’est pas là qu’un cliché car un froid polaire règne sur ce territoire à la densité ridicule (0,03 habitant par km² en moyenne), géographiquement Nord-américain, mais politiquement Européen. Le 25 novembre 2008, 75 % des Groenlandais ont voté par référendum pour un projet d’autonomie renforcée qui sera officialisé le 21 juin 2009, jour de la fête nationale. En fait, il s’agit là d’une indépendance masquée : le rôle du Danemark s’effacera au profit d’une gestion complètement locale. La question de l’avenir de la plus grande île du monde, vaste comme six fois l’Allemagne, est posée.

« Un territoire stratégique grand comme quatre fois la France, peuplé d’environ 57 000 habitants, au cœur de l’Arctique, ne pourra qu’attirer les convoitises », prévoie Damien Degeorges, spécialiste du Groenland. Quand on connaît l’intérêt manifeste des chercheurs et des firmes internationales, nord-américaines pour la plupart, à l’égard du formidable potentiel énergétique de la région, nul ne doute que le Groenland se libèrera d’une manière ou d’une autre de la proximité historique du Vieux continent européen…

(Rita Willaert/flickr)

Comté d’outre-mer

Les vikings sont les premiers Européens a y accoster dès le Moyen-âge, empiétant sur les terres des autochtones, appelés Inuits. Ensuite, des Portugais se seraient installés sur la côte orientale de l’île au 16e siècle. Alors qu’on refuse à la Norvège le droit de s’approprier la partie Est de l’inlandsis, le Danemark, lui, tient sa colonie isolée et ainsi protégée jusqu’en 1940. Mais la seconde guerre mondiale change la donne : les Groenlandais se rapprochent du voisin états-unien. Après avoir installé une base militaire à Thulé (côte Ouest), les Américains tentent, au sortir du conflit, d’acheter la « Green land » pour la bagatelle de 100 000 000 de dollars. Refusé.

« Un territoire stratégique au cœur de l’Arctique ne pourra qu’attirer les convoitises »

En 1953, le Groenland obtient le statut de « comté d’outre-mer », et s’émancipe un peu plus en 1979 en tant que « territoire autonome ». Mais c’est en 1982 qu’a lieu l’évènement majeur : par référendum, les Groenlandais décident de sortir de la Communauté économique européenne (CEE), afin de garder le contrôle de leurs immenses zones de pêche. Et bien que le Danemark demeure dans l’Europe, leur choix entre en vigueur en 1985. On pourrait donc croire à un éloignement du Groenland par rapport au continent tutélaire. Que nenni !

L’île, qui possède ses propres législations et institutions, maintient le souverain danois comme chef de l’Etat. De plus, la diplomatie reste gérée par le Danemark (via les ambassades et consuls), même si les insulaires se présentent indépendamment dans certaines instances comme le Conseil arctique. En outre, deux élus groenlandais siègent au parlement de Copenhague. Surtout, les relations économiques sont encore très étroites entre les anciennes colonies et la métropole (deux tiers des échanges commerciaux), et la monnaie nationale est toujours la couronne danoise. D’ailleurs, les subsides de la maison mère sont essentiels à la pérennité du pays. Ils s’élèvent à plus de 500 millions de dollars annuels.

Le traité du Greenland

Les destinées s’éloignent, mais le Groenland et la Communauté européenne ont tenu dès 1985 à affermir leurs liens grâce au « Greenland treaty ». Ce paradoxe prend une forme plus aboutie en 2006 avec la signature d’un partenariat qui insiste avant tout sur les « liens historiques, politiques, économiques et culturels » entre les deux parties. Le contenu de l’accord prévoit une aide financière conséquente de l’Union européenne (38 millions d’euros en 2008) destinée au développement de plusieurs secteurs groenlandais : recherche scientifique, éducation, industrie, pêche. En contrepartie, l’UE obtient une extension de ses droits de pêche sur les eaux territoriales de l’île.

Après des siècles d’échanges entre Europe et Groenland, l’héritage traditionnel perpétué par 50 000 Esquimaux (85 % de la population totale), la pêche sur la glace, la chasse aux phoques, les courses de traîneaux ou la musique, a été fortement imprégné par les habitudes occidentales. On peut citer la musique (genres pop, rock, hip hop), les sports dont le football et le handball sont les plus prisés, et la religion (le luthéranisme s’est imposé via des missionnaires dès 1721). Mais il existe aussi des revers sociaux pour les Groenlandais : alcoolisme, violences conjugales, viol, suicide… sont clairement identifiés. Enfin, c’est la langue qui illustre le mieux le mélange culturel. Après que le danois ait longtemps primé, l’inuit (kalaallisut) s’est s’imposé en tant qu’unique locution. Le nouveau régime qui prendra forme en juin prochain, prévoit d’ailleurs de faire du groenlandais, une langue Inuit, la langue officielle…

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