Grippe porcine : le Mexique tremble encore
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Philippe-Alexandre Saulnier« Regarde comme je tremble ! » C’est la blague du moment à Mexico. Regard ironique sur la situation d’un pays confronté au virus de la grippe porcine, aux secousses d’un tremblement de terre et à la crise économique ! Heureusement, l'humour se propage aussi.
La grippe porcine se transmet essentiellement par les pores de la peau. Afin d’éviter tout risque de transmission du virus responsable de la mort de plusieurs personnes, il est donc fortement recommandé aujourd’hui aux Mexicains de se laver les mains et de bien les frotter durant cinq bonnes minutes. L’unique décès à l’extérieur du pays, en l’occurrence celui d’un ressortissant de nationalité mexicaine, a été enregistré aux Etats-Unis. Pourquoi ? Voilà une question que personne n’aime trop se poser à l’heure actuelle et à laquelle aucune réponse claire ne peut être encore apportée.
«Si l’humour est en pleine croissance, il n’en va pas de même pour l’économie locale»
L’origine de cette pathologie n’est même pas très nette. Raison de plus pour qu’un grand nombre de Mexicains lèvent les yeux au ciel quand on leur parle de « grippe mexicaine » et qu’un nombre plus important encore s’étonnent quand ils apprennent que la Chine a fermé ses frontières au cochon aztèque. L’hypothèse qui semble pourtant la plus probable de ce côté-ci de l’Atlantique reste que le virus proviendrait d’Asie d’où il serait arrivé jusqu’en Californie pour finalement atterrir dans l’Etat d’Oaxaca.
Métropole masquée
Ces derniers jours, le visage de la métropole a considérablement changé. Son pouls ne bat plus tout à fait au même rythme. Toutes les écoles et une grande partie des restaurants de la ville sont fermés. Peu de gens se risquent à sortir sans masque. L’armée, qui a été réquisitionnée, arpentait les rues de la capitale dès le premier jour de l’épidémie. De leur côté, les pharmacies se sont retrouvées pour ainsi dire « dévalisées ». A certains endroits, les masques tant convoités se sont vendus jusqu’à dix fois leur prix habituel qui se situe entre 0,50 et 1,50 pesos mexicains.
Les autorités conseillent à la population de ne point pratiquer l’automédication et de se précipiter chez le médecin dès l’apparition des premiers symptômes étant donné que la maladie n’est pas incurable. Malgré ces avertissements, le stock de médicaments, tels que les vitamines et les antiviraux, a été vite épuisé. Pourtant, la population a seulement besoin de rester tranquille à la maison. Et, pour ne pas créer de panique supplémentaire, il a été annoncé que les supermarchés ne fermeraient pas leurs portes.
Le plus difficile est de joindre sa famille. Alarmés, les miens m’ont aussitôt appelé : « Ils ont fermé les écoles ! » Je tente de leur expliquer que c’est l’une des principales mesures pour enrayer la propagation de la « grippe ». En effet, des milliers d’enfants qui se mangent les doigts ou sucent leurs pouces ont des contacts entre eux. « Mais ils ont aussi fermé les restaurants ! » Je continue là aussi de les rassurer : « L’idée est d’empêcher le plus possible le rapprochement dans un endroit clos avec d’autres personnes susceptibles d’être infectées.» Les établissements qui ne sont pas conformes à la nouvelle ordonnance (et où il existe un service à table) ne peuvent servir que des plats à emporter.
Un malheur n’arrive jamais seul
« Tu sais ce que dit le District fédéral au sujet de la grippe porcine ? Regarde comme je tremble ! »
Par comble de malchance, en plus d’une alerte sanitaire, le pays a connu dans le même temps, un tremblement de terre de magnitude 5,8 sur l’échelle de Richter. (D’ordinaire, on considère qu’un tremblement de terre est important quand il est supérieur à 7, m’informe l’un de mes compagnons de travail.) La secousse tellurique a fourni l’occasion à la blague de la semaine de voir le jour : « Tu sais ce que dit le District fédéral au sujet de la grippe porcine ? Regarde comme je tremble ! » Il est à noter que si l’humour est en pleine croissance, il n’en va pas de même pour l’économie locale qui accuse une chute très nette. Rien que pour la capitale, les pertes s’élèvent déjà à plus de 100 000 dollars (75 000 euros) chaque jour. Ce déficit associé aux effets de la crise en cours fait figure de bombe à retardement. Un grand nombre de gens craignent plus de perdre leur emploi que d’attraper le virus.
Au Mexique, il est courant de se saluer d’une poignée de main tout en se donnant un baiser. Cela se produit sans cesse, à l’entrée comme à la sortie du bureau et même si tu rencontres pour la énième fois un ami que tu croises plusieurs fois par jour. A l’heure où les contacts physiques sont déconseillés à la population, le moins qu’on puisse dire, c’est que les gestes d’affection se sont subitement raréfiés.
L’auteur est originaire de Cordoba en Espagne et vit au Mexique depuis deux ans.
Translated from Testimonio desde México D.F.: La 'gripe mexicana' que llegó de Asia