Grève des scénaristes et service public
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Youpiii ! Ils ont enfin trouvé un accord ! Enfin… Non parce que ça fait depuis novembre dernier que ça dure et là y’en avait vraiment marre ! Non mais, c’est vrai, tout le monde est ou va être touché dans son quotidien, on est pris en otage ! Y’en a vraiment qui n’ont aucune considération pour les autres !
Sérieusement, quand on est en charge d’un service aussi important, on essaye d’avoir un peu le sens des responsabilités… Quoi ? De quoi je parle ? Bah, de la grève des scénaristes américains, quoi d’autre ? Le 9 février, la Writers Guild of America a enfin signé un accord avec les producteurs. Ouf !
Vous vous rendez compte ! Lost, Desperate Housewives, Jericho et même Heroes, elles ont toutes été touchées nos séries américaines à nous qu’on a. Tellement que les chaînes de télévisions prévoient déjà de diffuser des séries allemandes, voire même françaises ! J’en frémis d’angoisse… Alors, vite, vite, les gars, on se remet au travail et on va tourner les épisodes ! Une fois de plus il va falloir compter sur les américains pour nous sauver du pire.
Et là je me dis, et si on donnait aux séries américaines le statut de service public ? Non, sérieusement ! Ah bon, vous rigolez ? Ok, je vais vous prouver que c’est pas si débile !
Commençons par le début, c’est quoi un service public ? En droit communautaire, on utilise souvent l’appellation de Service d’Intérêt Economique Général (SIEG). Les SIEG, ce sont des « services de nature économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d'un critère d'intérêt général ». En gros, ça veut dire que tout peut être un SIEG si on considère qu’il s’agit d’un service essentiel à la collectivité. Et franchement, qui dira que les séries américaines ne sont pas essentielles à la collectivité ? Qui se voit vivre sans la prochaine saison de sa fiction préférée ? Personne… Imaginez le nombre de discussion, de débats qui n’auraient pas lieu sans elles. Ce serait tout bonnement la catastrophe !
Bon, et puis après ? C’est quoi les conséquences d’être un SIEG ? Toujours en droit communautaire, ça permet d’avoir des aides supplémentaires de la part des Etats et donc d’échapper (très) partiellement aux règles habituelles de concurrence. On pourrait y penser le jour où la France se décidera enfin à arrêter de subventionner Plus belle la vie… Ce qui est intéressant, c’est qu’un service peut être considéré comme SIEG aussi par la Communauté dans son ensemble. Des séries européennes dignes de ce nom subventionnées par la Commission européenne ? Je n’ose l’espérer…
Mais le statut de SIEG ça impose aussi des choses. En gros, ce sont les critères habituels du service public : disponibilité, qualité, tarification uniforme et accessibilité. Ca veut dire que le service doit être disponible partout, de bonne qualité, et à un prix uniforme et abordable. L’Union européenne a repris cela dans un concept propre, la notion de service universel. Ce concept est maintenant présent partout, les télécoms, la poste ou encore l’énergie, et permet donc d’avoir des standards minimums de service partout en Europe. Un service minimum pour les séries, avec des nouvelles saisons garanties chaque année, le pied non ?
Il est temps de conclure. Les séries américaines sont elles disponible partout ? Ont-elle un bon niveau de qualité, et en tous cas largement supérieur à leurs équivalentes européennes ? Sont elles fournies à un prix abordable (surtout pour ceux qui téléchargent…) ? Enfin, sont-elles nécessaires à la cohésion de notre tissu social ? Je vous laisse seuls juges, mais je ne doute pas de votre réponse.
Donc, chers amis, n’hésitons plus, érigeons les séries américaines en véritable service public européen ! Bon, le problème, c’est qu’il faudrait avoir les Etats-Unis comme Etat membre… Mmm… Euh, et sinon, on pourrait pas juste avoir la Californie ? Allez, soyez sympas !