Grèce : start-me up
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Il n'y a pas que les néo-nazis, la pauvreté et les grèves générales en Grèce. Comme George Spanoudakis, toute une jeune génération d'entrepreneurs prend les choses en main.
Lorsque George Spanoudakis, 25 ans, évoque « l'âge d'or de la Grèce », il ne pense pas à l'Antiquité. Mais à l'époque des JO d'Athènes en 2004. Adolescent à l'époque, il n'en a, « hélas pas vraiment profité ». Mais il se souvient très bien de l'ambiance : « les gens sortaient tous les soirs pour faire la fête. Les banques faisaient des prêts pour partir en vacances et je me souviens de mon père avec ses 14 cartes de crédit dans le portefeuille. »
Et puis la crise financière est arrivée. Avec le krach économique, le cash disparaît. Les lendemains qui chantent aussi. George comprend très vite que la fonction publique et ses emplois « tranquilles », privilégiés par toutes les générations qui l'ont précédé dans sa famille, n'est plus vraiment porteur. « L'esprit d'entreprise n'a jamais été dans la culture nationale », explique t-il. « Mais avec un taux de chômage à 65%, tu n'as plus vraiment le choix si tu veux travailler. » Avec son jean, son Iphone, sa chemise à gros carreaux et sa barbe de trois jours, George a tous les attributs du hipster. Cela ne l'empêche pas d'être un véritable entrepreneur.
En 2008, au début de la crise, le deal est simple : « soit émigrer, soit monter ma propre boîte. » Georges fait les deux. Après des études d'informatique et un séjour dans la Silicon Valley américaine, il rentre à Athènes. C'est en juin 2011, au plus fort de la crise et avec deux associés, qu'il lance sa start-up, comme une bouteille à la mer.
Pinnatta, son application pour smartphone doit « révolutionner » l'usage des SMS en permettant à ses utilisateurs d'envoyer des messages interactifs. Son credo : « Bring your message to life ! » Si le QG reste à Sunny Valley, en Oregon, Pinnatta est actuellement développée en Grèce. « Marketing, développeurs, design : les Grecs excellent dans les nouvelles technologies où ils occupent souvent des postes-clés », explique son fondateur, qui se voit un peu comme le Mark Zuckerberg hellène. En plein effondrement du système, George parvient à convaincre des investisseurs aux Etats-Unis, en Russie et en Corée, déniche un local au dernier étage d'une ancienne usine dans le quartier branché de Ghazi, lève des fonds et embauche 16 salariés.
Converse et bonne humeur
L'aménagement intérieur de sa start-up rappelle davantage Google que les faubourgs pauvres et les clandestins affamés autour de la station de métro Omonia. Outre les murs fraîchement repeints, il y a un grand tableau noir avec des inscriptions dans différentes langues, inscrites à la craie. Autres marqueurs de tendance : un jeu de fléchettes, des poufs en sky rouge et une « salle de jeu ». Ce n'est pourtant pas un divertissement : Pinnatta doit être rentable d'ici la fin 2013. George a appris à se montrer confiant : « la crise est positive car elle pousse les gens à trouver des alternatives ».
À Athènes, malgré ou en raison de la crise, les start-up poussent comme des champignons. La sucess story de TaxiBeat - une application lancée en 2010 qui permet de trouver rapidement un taxi et de choisir sa voiture et son chauffeur - a depuis conquis Bucarest, Rio de Janeiro, Paris ou Oslo. Un centre d'incubation national de 10 000 mètres carrés devrait bientôt ouvrir pour accueillir les jeunes pousses du numérique, plusieurs espaces de co-working comme le co-Lab ou Synergie ont d’ores et déjà été lancés et les évènements de networking ou les services de consulting digital se multiplient.
« 70% des entreprises grecques sont des PME familiales, c'est un peu le même esprit que les start- up. » Sauf que les start-up, elles, n'ont pas de limites. Avec son sourire à l'américaine, George a l'habitude de répéter son mantra : « Sky is the limit ! ». Le ciel mais surtout l'État. Car dans une société réputée plutôt anticapitaliste - dernier vestige des années 70 de la post-dictature - faire du 'business' est encore considéré comme un gros mot ou une activité « sale ». La bureaucratie et les taxes imposées par le gouvernement découragent nombre d'entrepreneurs. « Tout ce que nous demandons, c'est que les autorités ne nous mettent pas de bâtons dans les roues avec de la paperasse, la TVA ou des lois absurdes. »
Révolution de valeurs
Vis-à-vis des hommes politiques, la méfiance de George ne s'arrange pas : « je ne vote pas car je ne vois personne susceptible de me représenter. » Selon lui, l'une des priorités actuelles du gouvernement est de travailler l'image du pays pour la vendre à l'étranger. « Avec la crise, le tourisme a perdu 30% l'an passé. » Ce processus de nation branding est pour l'instant, loin d'être gagné. Grèves, pauvreté ou essor du parti néo-nazi font toujours les gros titres des médias internationaux. « Contrairement à ce que disent les Allemands, nous faisons les plus longues journées de travail en Europe, avec 10 heures : de 09h à 21h. Evidemment, notre productivité est plus "faible" ». Car « les Grecs aiment le café ». S'il rit, George se montre néanmoins lucide : « nous avons compris nos erreurs et sommes aujourd'hui prêts à changer. Si nous n'avons pas choisi d'être Grec, nous pouvons décider de mieux faire à l'avenir ». Et si son Greek way of dream s'effondre sous les oliviers, il repartira en Amérique. Dans la Valley.