Grand Blanc : le grand bouleversement
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En tournée pour la sortie de leur premier album Mémoires Vives, Grand Blanc, le quatuor originaire de Metz, a donné le 9 mars une performance à la fois électrique et hypnotisante. Rencontre avec Camille, Vincent, Luc et Benoit quelques heures avant le début du concert.
cafébabel : C’est la deuxième fois que vous jouez à la Rotonde du jardin botanique, et commencez à bien connaître Bruxelles. Des impressions ?
Luc : On adore Bruxelles. On a tous eu des amis qui y ont fait des passages pour études et on a tous été régulièrement les voir, on a fait un peu la fête à Bruxelles, comme à l'Atelier 210.
cafébabel : Et vous ça vous fait quoi de passer de l'autre côté ? La musique de la passion au gagne-pain ?
Luc : C’est tout neuf encore de pouvoir en vivre mais c’est cool!
Camille : C’est marrant parce que cette année tous nos potes commencent à travailler. Sauf que pour nous, la semaine de boulot commence véritablement le mercredi. Donc le lundi on est les seuls à être sur-chauds, parce que c’est un peu notre vendredi à nous ! Du coup, on fait trois fois plus la fête parce que le samedi ou le dimanche quand t’as fini ta journée à 21h, et que tes potes sont là, à aller faire la teuf je ne sais où, tu les rejoins. T’arrives avec des cernes comme ça en répétition mais c’est pas grave, on repart.
Benoît : Au-delà de ça, on a découvert un métier. À la fin de ta journée, t’as même du mal à dire à ton pote qui est à La Défense : « Ouais dur, on n’a pas arrêté de jouer de la guitare aujourd’hui » mais c’est vraiment ça. On a appris plein de choses en chemin et dormir un peu, ça en fait partie.
Luc : Il y a aussi la rigueur, l’organisation, la gestion des plannings...
Camille : On envoie quand même beaucoup de mails dans notre métier de musicien, je dirais.
Luc : Ouais, on connait hyper bien les cc, les signatures avec des GIFs et tout. (rires)
Camille : Le reste du temps, on boit des bières et on joue de la guitare. On est quand même des petits rockeurs. (rires)
cafébabel : Et la cuisine et les bières belges alors ?
Vincent : Elle est pas mal la Maes (parlant de la bière qu’il boit).
Luc : Ouais je dirais que c’est un peu comme la H (Heineken) en France et la Kro (Kronembourg ) c’est la Jupiler.
Vincent : Mec, moi je trouve que c’est un peu comme de la 16 (1664).
Luc : Sinon, j’ai mangé une carbonnade flamande la dernière fois, c’est un truc de dingue.
Vincent : Ce qui est bien c’est que ce n’est pas gras. Tout ça avec des frites...
cafébabel : Nous sommes ici dans la capitale de l'Union européenne, au bord de l'implosion avec le potentiel Brexit et la crise migratoire. Vous interessez-vous à la politique de l'UE ? Vous sentez vous européens ?
Benoît : Je dirais que la politique européenne j’y connais rien même si je me sens assez concerné pour me dire que je suis un gros con de ne pas m’y intéresser. Et pour ce qui est du sentiment européen, oui je l’ai, mais pas activement. J’ai l’impression de vivre assez libre. J’ai l’impression qu’il y a un truc « à la cool » et libéré dans les pays européens, notamment comparé aux États-Unis et ça, ça me rend heureux et très fier.
cafébabel : Ce qui te plaît, c’est ce côté sans barrières et, si j’extrapole un peu, sans frontières ?
Luc : Oui c'est un peu le projet à la base : pas de frontières entre États européens. Je ne suis pas très calé mais la montée du fascisme en Europe fait vraiment peur. Après ce qui est génial c’est qu’on est libre de voyager en Europe et même si chaque pays conserve ses particularités, on y retrouve des traits communs. Je me sens européen plutôt sur l’aspect de communauté et de culture.
Vincent : Mais je pense qu’on reste une somme d’États disparates. Et l’inverse serait très dangereux. Ce serait génial qu’économiquement on puisse trouver un équilibre mais culturellement on ne sera jamais pareils et il ne faut pas qu’on le devienne !
Camille : Déjà qu’en France quand on essaye de redessiner les régions tout le monde s’excite en mode « et les bretzels alors ! ». Ça serait compliqué à mettre en place.
Benoît : Typiquement y a des choses qui ne passent pas. Les États scandinaves par exemple essayent d’introduire leurs normes sanitaires hyper strictes et voudraient, paraît-il, interdire les fromages au lait cru parce que, soi-disant, c’est dangereux pour la santé. Mais moi quelqu’un qui m’interdit de manger mon camembert, c’est mort !
cafébabel : Parlons de votre musique. En plongeant dans votre univers, j'ai l'impression que vous capturez un état entre deux âges: d'un côté, les obligations du travail et de l'autre le lâcher-prise, la frénésie. Parlez-vous à travers votre esthétique du passage d'un âge à un autre, d'une certaine jeunesse ?
Benoît : L’écriture poétique est censée être plus ouverte, dans le sens où elle troque l’identification contre du sentiment esthétique. Nous, c’est ça qu’on cherche. On essaye de parler du monde avec notre vocabulaire à nous. Si ça peut parler aux gens de notre âge, génial. Si ça peut continuer à parler plus tard, c’est encore mieux.
Camille : Les thèmes abordés sont très larges même si on a tourné beaucoup de l’adolescence et ça se retrouve encore un peu sur l’album. Il y a une personne qui a réussi à parler de l’adolescence sur le temps long, même en vieillissant, c’est Gus Van Sant. Et moi je trouve ça magnifique, encore aujourd’hui à 25 ans.
Vincent : On est aussi une génération où le passage à l’âge adulte est très flou. On a des amis qui ont eu des enfants à 17 ans. C’est un schéma auquel on n’adhère plus tellement. À 25 ans avec du poil au menton, je ne me sens pas encore comme un homme dans mon appréhension du monde et c’est un peu notre questionnement dans Grand Blanc.
cafébabel : Une dernière question. Une salle de concert iconique dans laquelle vous aimeriez jouer ?
Luc : L’Olympia, c’est un vieux rêve. C’est idiot ce que je dis mais la salle est superbe et avoir son nom en grandes lettres rouges…
Benoît : Y en a une aussi qu’on a dans notre cœur c’est les Trinitaires à Metz, on y a joué plein de fois mais c’est une superbe salle. Et c’est chez nous.