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Gordon Brown, 100% eurosceptique ?

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Politique

Bouleversement au pays de Sa Majesté : c'est l’écossais Gordon Brown, 56 ans, qui remplace Tony Blair à la tête du gouvernement britannique, après 10 ans de bons et loyaux services.

27 juin 2007: après trois élections et dix ans à la tête du gouvernement britannique, Tony Blair passe la main. C'est le Chancelier de l'Echiquier [équivalent du ministre des Finances et du Trésor outre-Manche], Gordon Brown, qui le remplace. Un moment attendu depuis des années par cet Ecossais, ancien journaliste, universitaire et allié de Tony Blair lors de son accession au pouvoir. Mais à Bruxelles et dans les autres capitales européennes, l'inquiétude pointe. Alors que son prédécesseur s'est particulièrement distingué par son europhilie, quelle va être l'attitude de Gordon Brown quant à l'intégration européenne?

« Si les acteurs européens s'inquiètent, c'est que Gordon Brown ne donne pas l'image d'un homme politique diplomatique et pro-Européen », souligne Richard G. Whitman, expert au think tank britannique de Chatham House. « Il veut plus parler qu'écouter, et son attitude en tant que ministre de l'Economie a souligné sa distance vis-à-vis de l'Union européenne.»

Et pourtant, avant d’entrer au gouvernement, Brown était consideré comme un fervent défenseur de la construction européenne. Son revirement est plus dû à des « questions de politique intérieure », comme l'analyse John Palmer, membre du think tank European Policy Centre (EPC). Ancien correspondant du Guardian à Bruxelles, Palmer évoque notamment le compromis passé en 1994 entre les deux hommes, à la mort de John Smith, leader du Labour.

Avec cet 'accord de Granita', Tony Blair prenait la tête du parti mais jurait de laisser la place à Gordon Brown au bout de quelques années. Pendant ce temps, ce dernier se chargeait de l'économie. « Or, Tony Blair a mis dix ans avant de quitter son poste », explique Palmer. « Gordon Brown, en tant que Chancelier, était en position pour frustrer son rival

Blair devenu un Européen enthousiaste, Gordon Brown a pris donc le contrepied, décidant de privilégier les intérêts du Royaume-Uni : « il n'a par exemple rien fait pour faire avancer le dossier de l’euro. »

Convergences et divergences

Mais quelle position le futur Premier ministre britannique va-t-il adopter sur les points chauds de l'intégration européenne ? Beaucoup s’attendent déjà à ce qu’il marque sa différence sur certains sujets. Le traité constitutionnel tout d'abord ; si Brown n'a jamais explicitement exprimé son opinion à l’égard du texte, il n’est probablement pas prêt à accepter des modifications susceptibles d'accentuer le caractère supranational de l'Union européenne.

Brown entend également prendre ses distances avec le gouvernement Bush, « pour ce qui concerne l'Irak, et peut-être même l'Afghanistan », avance John Palmer. Pourtant jugé peu diplomatique, l’ancien ministre des Finances n'a certainement aucune envie de répéter l'erreur de Tony Blair, qui a vassalisé Londres à la nation américaine.

Sur d'autres sujets néanmoins, Brown rejoint son prédécesseur : les deux se disent favorables à l'accession de la Turquie à l'Union européenne, à partir du moment où elle remplit les critères d'adhésion. Tous les deux sont ainsi opposés à la Politique agricole commune (PAC) qu'ils souhaitent réformer afin de développer d'autres politiques européennes plus urgentes à leurs yeux, comme les sciences, l’éducation ou les infrastructures. Pour Brown, le protectionnisme dont fait preuve Bruxelles avec la PAC se fait au détriment des consommateurs, des fermiers, de l'environnement et des pays les plus pauvres.

Une position qui explique largement son profond désaccord affiché avec le budget de l'Union. « L'échec de la réforme du budget empêche les grands changements économiques dont nous avons besoin pour faire face aux défis compétitifs de la mondialisation », a-t-il ainsi déclaré dans un discours en 2005.

Une politique européenne pragmatique

Faut-il donc s'inquiéter de l'euroscepticisme affiché de Gordon Brown ? Il semblerait que non : le Premier ministre ne mènera pas forcément la même politique que le Chancelier de l'Echiquier. « La différence avec Tony Blair concernant la politique européenne réside surtout dans le style et la présentation », estime encore Richard Whitman. « Brown va rester dans la même ligne, en étant néanmoins plus pragmatique. »

En clair : une fois au 10, Downing Street, il ne manquera pas de continuer à critiquer la politique sociale et économique européenne actuelle. Il est peu probable que le Royaume-Uni adopte la monnaie unique sous son mandat. Mais sur d’autres politiques qui remplissent ses propres objectifs, comme la protection de l’environnement ou l’aide au développement en Afrique, il attend une Europe forte, et espère même faire du Royaume-Uni un pays leader.