'Glocal' Europa!
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a. faranoNouvelles institutions pour une culture nouvelle
Asphyxie. L'Europe de Nice, de l'euro et de la vache folle est atteinte d'asphyxie. Une asphyxie chronique, dont souffrent tous les projets pour une réelle intégration européenne. Qui ne réussissent vraiment pas à décoller, simplement parce qu'ils demeurent enfermés dans les vieux containers étanches des frontières nationales. Nice en particulier, en a été la démonstration la plus clownesque : dirigeants en veston croisé bleu "europe", négociations, compromis et intérêts. Intérêts, bien sûr nationaux. L'européanisme diplomatique, à Nice, s'est réduit à une triste valse de carcasses. De vache folle, évidemment.
La fait c'est que nous ne pouvons vraiment pas prétendre à une culture européenne, quand les institutions qui comptent sont encore les Etats. Une culture - n'importe quelle culture - ne peut guère progresser sans un système institutionnel qui lui soit fonctionnel. Et le système étatique non seulement ne permet pas l'intégration (culturelle et donc institutionnelle) européenne, mais entrave de surcroît la consolidation de ses cultures particulières. Une Europe intégrée ne peut pas être une union d'Etats comme on les connaît aujord'hui.
C'est pour cela que nous devons enterrer l'expérience de la formule institutionnelle étatique. Derrière l'état il y a son histoire. L'histoire d'une institution assez étendue territorialement pour soutenir avec son appareil normatif un nouveau schéma économique et son expression sociale. Ce n'est pas nouveau. " Donnez-moi " une économie fondée sur le troc et une hiérarchie sociale féodale et " je vous donnerai " l'empire médiéval. " Donnez-moi " le capitalisme et la bourgeoisie et " je vous donnerai ", justement, l'Etat moderne.
Le problème c'est qu'aujourd'hui cette conjoncture est bouleversée par deux tendances : mondialisation et fuite de la politique. D'un côté, en effet, la nouvelle dimension technologique engendre l'intégration des économies et la circulation des cultures ; de l'autre, au contraire, on constate une perte métaphysique du 'sens politique' de la part du citoyen. Les Etats sont incapables de relever ces défis. Ils sont incapables de mettre en place un appareil normatif et décisionnel assez 'global' et, dans le même temps, de rétablir un niveau de participation satisfaisant pour des masses dénationalisées.
A cette double déficience on doit ajouter l'incapacité fonctionnelle, pour les Etats, d'engendrer une réelle intégration politique en Europe. Et l'histoire, d'ailleurs, de Rome à Nice, le prouve assez. C'est une question de taille : les Etats européens représentent des espaces territoriaux trop étendus, donc des entités démographiques excessivement hautes et, par conséquent, des puissances économiques trop importantes. Prenez les Etats-Unis : c'est une fédération qui marche également parce que la population moyenne de chaque état est de 5-6 millions d'habitants. Dans l'UE d'aujourd'hui, en revanche, il faut quintupler ces chiffres : la population moyenne de chaque état membre est d'environ 25 millions d'habitants, en tenant compte aussi du tout petit Luxembourg. Le fait c'est qu'en Europe les Etats représentent des puissances au poids trop élevé, pour qu'elles puissent y renoncer au profit d'une intégration qui les priverait ce cette ample souveraineté dont ils disposent maintenant.
Il faut ajouter que l'Etat est un fait historique : une expérience récente et, peut-être, temporaire. Une construction artificielle : un système d'institutions souvent nées en contraste sanglant avec les cultures locales (c'est le cas de l'Italie) ou qu'après avoir franchi des 'frontières' culturelles naturelles, parce que forgées par le temps et les usages (c'est le cas de la France et de l'Espagne).
Ce qui est le plus important, dans ces cas-là, c'est d'être intellectuellement hérétiques c'est à dire de chercher des solutions nouvelles à des problèmes historiques. Voici pourquoi une Europe integrée est importante : parce qu'il est nécessaire de créer une entité politique assez puissante, pour que l'on puisse résoudre avec succès le défi de la mondialisation, tout en favorisant une action présente sur la scène internationale: avec l'objectif de soutenir des intérêts économiques européens (qui vont être, eux, sensiblement consolidés par la monnaie unique), véhiculer un modèle culturel européen multiforme (parce que fondé, lui, sur une culture des cultures), de défendre une position stratégique et géopolitique (conséquence directe des consolidations économiques et culturelles).
Or, il faut également répondre à un deuxième défi : celui de la fuite de la politique. Bien sûr, ce phénomène ne constitue pas une tendence irréversible ; mais il représente quand même le résultat d'une perte de sens que les institutions démocratiques ont été contraintes d'accepter. En effet, dans une Europe 'globalisée', la crise postmoderne de la politique risquerait dramatiquement de s'aviver et d'isoler l'individu encore plus qu'à l'heure actuelle. C'est pour ça qu'il apparait nécessaire d'avoir, outres les institutions européennes, des institutions plus proches du citoyen : autrement la globalisation sera 'apolitique' et n'arrivera même pas à répondre à ces tendances de redécouverte des racines nationales, qui pourraient dégénérer en terrorisme.
La solution c'est qu'il faut donner dignité politique - et par conséquant institutionnelle - à l'Europe comme à ses 'nations'. Il faut une Europe des macrorégions : entités territoriales ni trop grandes (comme les Etats), ni assez petites pour se faire absorber par la dimension européenne. Macrorégions qui soient parfois même transfrontalières, parce que les répressions exercées par les Etats n'ont jamais pu déraciner les origines culturelles d'un peuple.
Macrorégions basées sur une communication, dont le niveau se révèlera sûrement renforcé par une dimension territoriale plus fonctionnelle, parce que capable, dans un premier temps, de stimuler le développement culturel: aussi bien au niveau local, car le but c'est d'engendrer des communautés - même bilingues - à haute compatibilité ; qu' au niveau européen, parce que si les frontières fusionnent, il y a davantage de communication entre les parties et le système entier en ressort plus fluide. Cette dernière, en effet, est censée être la clef de mon modèle, la bidimensionalité - la consolidation de zones territoriales homogènes entrainant une force exponentielle de tout le système. Tout cela, grâce à une communication plus étroite dans le domaine de la culture.
Or, les mêmes effets positifs pourraient être produits au niveau du développemet économique avec davantage de communication voire d'échanges: aussi bien de connaissances ou de savoir-faire, que de services et de marchandises. En effet les macrorégions pourraient vraisemblablement jouer le rôle de sujets actifs de la 'zone euro' à venir et mettre en place, ainsi, non seulement une amélioration des structures de transport et des infrastructures, mais aussi des stratégies de politique économique - voire sociale - qui soient le plus possible cohérentes avec le contexte où l'on intervient. Car il arrive trop souvent, en effet que les priorités d'une zone déterminée, notamment les moins équipées, ne coincide pas avec celle des états. Tandis que l'ensemble de ces relations se développe, grandit parallèlement cette conscience collective que les Etats n'ont pas été capables de donner, simplement parce qu'ils ne le pouvaient pas. Cette conscience collective qui, lors de la constitution d'institutions communes, engendre aussi une conscience civique, voire une participation. Les macrorégions pourraient devenir les nouvelles poleis et développer ainsi une fonction politique nouvelle sur le territoire. La transition européenne est l'opportunité décisive, le véritable kairós pour l'amélioration du système. Mais ce n'est qu'avec la survie des cultures locales, que la dimension globale de l'Europe culturelle et - par conséquent - politique peut décoller. Un système n'est vif que lorsque le sont ses parties.
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