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Giovanni di Lorenzo : « Un mariage européen au bord du gouffre »

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Les belles valeurs originelles de l’Europe ! Seraient-elles désormais un brin « pathétiques » ? La passion est-elle éteinte ? Dans la vie, on ne reste pas ensemble pour des raisons économiques. Giovanni di Lorenzo, le rédacteur en chef de Die Zeit, nous parle de la « crise de ménage » des 27, à la veille du scrutin européen.

Né en Suède, de nationalité italienne, Giovanni di Lorenzo a grandi à Rome et est arrivé à l’âge de onze ans à Hanovre. Le petit garçon qui parlait très mal l’allemand est devenu, à 50 ans, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Die Zeit, et collaborateur du quotidien Der Tagesspiegel. Il a accepté de répondre à nos questions.

Selon vous, une identité européenne existe-elle ?

« Moi, je suis contre la disparition des ampoules à filament, que dois-je voter ? »

Les valeurs portées par nos ancêtres lors de la création d’une première communauté européenne ont toujours été le fondement d’une identité commune : liberté de mouvements, bien-être et paix. Trois piliers qui sont bien sûr importants, mais pour les gens d’aujourd’hui, ils sont un peu pathétiques et ne suffisent plus à insuffler un sentiment identitaire. L’erreur initiale, selon moi, a été d’élargir cette communauté trop rapidement. Si on ne connait pas la culture des autres pays, comment s’identifier eux ? Naturellement, en réaction à cela, ce sont les institutions qui vont devoir faire face, immédiatement à un taux d’abstention record lors de ces élections européennes. Le problème, c’est que personne ne sait répondre aux questions concrètes, comme « Moi, je suis contre la disparition des ampoules à filament, que dois-je voter ? » Là, on a un gros problème.

Quelles valeurs pourraient permettre de réunir les Européens ?

Déjà se connaître soi-même, en tant qu'Europe. Le fait de savoir que le monde est parti dans une mauvaise direction, aussi. Le fait de savoir qu’aucun pays européen, seul, ne pourrait être un contrepoids aux grandes puissances, telles que les Etats-Unis et la Chine. Je ne pense pas à la « Machtpolitik » (« la politique du pouvoir ») mais aux problèmes fondamentaux de l’humanité, comme le réchauffement climatique. Imaginez sans Europe, avec des problèmes comme ceux là, quel bazar ! Je crois que pour rebâtir l’Europe, il ne faut pas se baser sur les passions mais sur des rapports rationnels comme l’amitié. Ce sont des rapports plus durables. C’est pour moi ce qui fait la différence entre un amour passionnel et un mariage réussi !

Alors si on parle de mariage, c’est admettre que l’Europe puisse « divorcer », se désintégrer ?

Oui, ce risque existe si l’on reste ensemble pour des motivations économiques. Comme pour un mariage. S’il n’y a que l’intérêt économique, le mariage ne peut pas marcher. A cela, il faut avoir connaissance de ce que nous sommes vraiment : une force politique, une identité culturelle et, je suis désolé d’utiliser un mot si vieux jeu, une morale.

Translated from Giovanni di Lorenzo: «L’Europa unita rischia il divorzio»