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Ghaleb Jaber Martínez : Amal au coeur

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BrunchCulture

Voilà l'un des plus grands défenseurs du ciné arabe en Espagne. Il est également directeur du festival Amal, célébré chaque année à Saint Jacques de Compostelle. C'est précisément dans cette ville que nous avons pu partager réflexions et points de vue durant un long brunch aux saveurs de cinématographie et de gastronomie berbère.

Un rendez-vous avec le progrès audiovisuel et la découverte des techniques de tournage des voisins de l'Europe.

Un café au lait et une boisson peu gazéifiée laissent place à la conversation, la capitale galicienne comme témoin de cette rencontre. Ghaleb Jaber Martínez est de ces personnes qui aiment leur travail et dans son regard on perçoit ses amples connaissances et son assurance lorsqu'il parle de la sphère audiovisuelle : cela fait déjà dix ans qu'il est à la tête du Festival International de Cinéma Euro-arabe Amal. Soit depuis le début en fait. Et il espère continuer encore longtemps car le germe de cet événement c'est précisément cela : piquer la curiosité du public et oser parler avec le monde arabe pour effacer les clichés, car ils n'apportent que de la peur, alimentée par la persistance de l'ignorance.

« Nous devons parler avec le monde arabe, pas du monde arabe »

« Je crois que nous avons en partie atteint notre objectif : montrer à la société espagnole la réalité du cinéma arabe. Nous avons dépassé les frontières de la Galice et nous sommes devenus un festival pour toute l'Espagne. Le futur est incertain à cause de la situation que nous vivons dans notre pays, où on a l'impression que la culture est un produit de luxe. » Il est habillé de couleurs sombres et ses arguments cinématographiques, de poids, deviennent de plus en plus forts au fur et à mesure de la conversation. Ardent défenseur du développement culturel et de l'union des peuples au travers des sentiments : « Tout ce qui est culturel brise les frontières parce qu'il s'agit d'émotions humaines qui survolent les barrières géographiques pour rencontrer d'autres êtres humains. Finalement, ce qui unit les gens ce sont les émotions, pas les relations diplomatiques ni les accords commerciaux. »

Hétérogénéité audiovisuelle

« Je ne suis pas contre le cinéma d'Hollywood, mais je ne suis pas non plus pour ce qui est monothématique, pour le fait d’avoir une seule offre cinématographique. Le cinéma éduque et transmet des valeurs et plus la culture audiovisuelle dont nous bénéficions est diverse, plus notre esprit sera ouvert. » Le cinéma arabe est pleinement préparé pour arriver en Europe au travers d'initiatives comme ce festival, à condition que les administrations publiques et privées montrent un certain intérêt. En théorie ça marche, en pratique de moins en moins : « C'est un cinéma plus nécessaire que ce qu'on est accoutumés à voir dans les salles, en marge de ce qui est habituel. »

Le directeur du festival Amal avec le collaborateur d'"El Pais" et expert en Relations internationales.

Le Teatro Principal de Saint Jacques de Compostelle met en marche son vieux projecteur pour montrer le message de lutte et d'espoir des réalisateurs arabes. Ghaleb maintient fermement son idée selon laquelle tous les récits qui composent ce rendez-vous sont dotés d'une grande pureté, loin de tout objectif de propagande. C'est un cinéma très social, qui essaie de réfléchir à la société elle-même. Une lutte constante entre les stéréotypes véhiculés par les médias et l'expérience véritable du peuple, reflétée dans ces films.

Lire aussi sur cafebabel.com : « Les femmes et l’islam : le ballon optimiste de Lorentzen »

Les thèmes qu'ils traitent sont prétextes à un autre débat. Certains, trop constants, d'autres, excessivement novateurs. « Le cinéma arabe aborde la thématique de la guerre et la défense de la femme car c'est une réalité qu'ils vivent et à laquelle ils ne peuvent pas échapper. C'est quelque chose qui ne peut pas être ignoré. La diversité du cinéma arabe répond à la diversité de ce peuple. Souvent on range tout ce qui est arabe dans une case, comme si c'était quelque chose d'homogène et les cinémas des différents pays n'ont rien à voir les uns avec les autres. »

Courageux, original, de qualité

« L'attitude que doit adopter le spectateur face ce cinéma est la même que celle qu'on adopte quand on s'attend à voir un bon film, parce que quand on parle de cinéma arabe, on ne parle pas d'un cinéma de mauvais qualité, bien au contraire. Le public ne doit pas rester ancré dans les modèles qui ont marqué les médias, surtout depuis le 11 septembre. Nous devons parler avec le monde arabe, pas du monde arabe. »

Cela fait 10 ans que Ghaleb Jaber Martínez est directeur du festival.

« Le cinéma aide à ouvrir les esprits, les frontières et c'est peut-être pour ça que ça n'intéresse pas la communauté européenne »

C'est précisément une question d'attitude qui oppose le public européen et les films qui s'éloignent de l’environnement commercial des grands distributeurs. Critique, une fois de plus, avec les stéréotypes et les images préconçues, Martínez commente : « J'étais surpris l'année dernière, lorsque le régime de Tunis est tombé, que beaucoup de gens en sortant du ciné disent qu'ils étaient allés en vacances dans ce pays et qu'ils ne savaient pas qu'il y avait une dictature là-bas. Le cinéma aide à ouvrir les esprits, les frontières et c'est peut-être pour ça que ça n'intéresse pas la communauté européenne de connaître l'authentique réalité de ce qui est en train de se passer dans ces pays. »

Le chemin de Saint-Jacques : un pont de culture

Il n'y a pas de place pour le doute: le cinéma qui arrive à Saint Jacques après un pèlerinage complète le multiculturalisme de la ville. Un centre-ville historique cosmopolite, la fin d'un chemin qui apparaît comme la colonne vertébrale de l'Europe. « On a toujours à l'esprit le fait de partir dans une autre ville. Si on devait changer le festival de ville, il faudrait que ce soit justement à cause du manque de soutien des institutions locales. Même comme ça, nous ne cesserons de faire de la culture notre étendard et de démontrer aux citoyens que nous progresserons par elle, parce que c'est la seule richesse que personne ne peut saisir ou réduire. » Catégorique et concis. Le futur ? On ne peut plus clair. Le cinéma arabe en Espagne et en Europe a devant lui un long chemin à condition que la persévérance et la constance de figures comme celle de Ghaleb Jader Martínez restent intactes.

Photos : Une et Texte © Festival Internacional de Cine Euroárabe Amal.

Translated from Ghaleb Jaber Martínez: “Debemos hablar con el mundo árabe, no del mundo árabe”