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Gesù : histoire d'un squat à Bruxelles

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Bruxelles

Le squat devient pour une part croissante de la population une solution de vie face aux prix élevés de l'immobilier, et s'intègre ainsi de plus en plus dans des initiatives de lutte citoyenne pour le logement. Dimitri Petrovic avait 19 ans lorsque, sa caméra à la main, il a pénétré dans la vie du squat Gesù et de ses occupants. Voici son histoire.

L’histoire commence en 1856. Un groupe de Jésuites s’installe dans une maison située rue Royale, dans la commune bruxelloise de Saint-Josse-ten-Noode. En 1860, un architecte construit une église gothique à l’arrière de cette maison : c'est le Gesù, qui sera agrandi par la suite. Au milieu du siècle dernier, l’église a été désacralisée, et le bâtiment mis en vente. Il est resté sur le marché immobilier durant plus de trente ans et a finalement été vendu à un groupe hôtelier suisse en 2007.

Le 7 février 2010, l’occupation du Gesù commence. Environ 140 personnes décident d’investir illégalement le lieu. Dimitri arrive sur place le 14 février 2010, sa caméra à la main, une semaine après l’ouverture du squat. Une fois l'autorisation accordée, il est libre d'observer, filmer, décrypter cet endroit insolite et les différentes personnes qui y vivent. Le tournage durera 20 mois.

Un élément déclencheur va donner un fil conducteur à son documentaire. Un conflit interne va opposer les artistes aux militants habitant le squat. Ils ne partagent pas la même vision sur le sens à donner à cette occupation, et leurs attentes diffèrent : les uns sont là pour soutenir une démarche artistique, les autres pour des revendications politiques. Entre ces deux pôles, il y a la valeur sociale du lieu : les sans-papiers et les personnes les plus démunies n’ont pas forcément choisi de vivre là, ils subissent pour la plupart leur situation et considèrent Gesù comme un toit provisoire.

Ce documentaire retrace donc 20 mois de vie au sein du squat, et livre les observations et réflexions de Dimitri sur sa construction. Le tournage s’arrête le jour où un accord est trouvé avec le propriétaire pour signer un bail précaire et légaliser l'occupation. Cependant le nouveau bourgmestre de la commune, Emir Kir, élu quelques mois plus tôt, en a décidé autrement. Jugeant le squat insalubre et portant atteinte à la sécurité et la tranquillité du quartier, il demande le 31 octobre 2013 la fermeture du squat. Le 4 novembre à 5h30 du matin, 220 personnes dont 90 enfants sont expulsées et mises à la rue à l’approche de l’hiver.

Selon Dimitri, les politiques ont un rôle d’accompagnement à jouer dans le développement de ces squats. Ces zones alternatives font du bien et pourraient alléger le travail de certaines institutions pleines à craquer. C’est une question d’ouverture d’esprit des uns et des autres, explique-t-il. Le squat permettrait de créer du lien social dans le quartier, mais le manque d’information et de reconnaissance de la part des pouvoirs publics nourrit les préjugés qui l'emportent sur la réalité du terrain. Le squat a tendance à fonctionner comme une bulle. Or, si le squat était envisagé aujourd’hui d’une manière plus pérenne, il serait plus facile de développer des actions favorables à la création d'un tissu social et de mettre en place des projets sur le long terme.

Il explique aussi que outre le manque de soutien des pouvoirs publics, si le Gésu n’a pas su évoluer vers la construction d'une vraie communauté, c'est du fait du nombre important de squatteurs et de l'hétérogénéité de leurs profils : aux différences de religion, de culture et d'éducation, se sont ajoutés les désaccords sur la façon de concevoir le squat et l'avenir de son développement. Certains n’ont pas envisagé l'occupation sur le long terme, ou bien vivaient dans un état de précarité propice à un mode de vie renfermé et individualiste. Le Gesù s’est donc progressivement délité au lieu de se construire.

Un an après la fermeture du Gesù,  Projection le 4 novembre - 19h @ Pianofabriek ​35 rue du fort - 1060 St Gilles.