Genève : un Rapporteur spécial pour les droits de l'homme en Iran
Published on
Mercredi 23 mars, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté la prolongation pour un an du mandat d’Ahmed Shaheed, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Iran.
Un Rapporteur Spécial est chargé d’enquêter sur les violations et d’intervenir dans des situations d’urgences, jouant ainsi un rôle fondamental dans la protection des droits humains. Le mandat de M. Shaheed avait débuté en 2011 et son extension a été adoptée à 20 voix contre 15 (dont celle de la Russie, de la Chine, de Cuba et de l’Afrique du Sud), avec 11 abstentions.
En plus d’attendre de M. Shaheed qu’il délivre un rapport lors de la 34ème session du Conseil des Droits de l’Homme et de la 71ème session de l’Assemblée Générale, la résolution demande également expressément au régime iranien de coopérer pleinement avec le Rapporteur Spécial et de lui autoriser l’accès au pays et à toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
Ce vote est le résultat d’intenses négociations et a connu une issue positive malgré le lobbying du régime iranien, qui après avoir interdit l’accès du pays à M. Shaheed, n’a pas hésité à attaquer personnellement le Rapporteur Spécial pour le décrédibiliser.
Selon la théocratie au pouvoir en Iran, ses rapports étaient « partiaux et motivés politiquement. » Javad Larijani, secrétaire du Conseil iranien des Droits de l’Homme, a sévèrement critiqué les doléances contre l’usage par le régime iranien de la peine de mort, justifiant l’utilisation de celle-ci pour les crimes liés au terrorisme et au trafic de drogue. Selon M. Larijani, « le monde devrait nous récompenser pour lutter contre ces criminels, parce que nous payons largement ce prix pour le compte de l’Occident. »
Pour soutenir M. Shaheed, des prisonniers politiques iraniens ainsi que les membres du principal groupe d’opposition au régime l’Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran (OMPI) avaient écrit aux membres du Conseil. Dans sa résolution, le Conseil déclare « apprécier » le dernier rapport en date du 10 mars dernier et les recommandations apportées par M. Shaheed, mettant ainsi en échec les opérations de la théocratie iranienne. Dans une déclaration, UN Watch, ONG basée à Genève surveillant le respect par l’ONU de sa propre Charte, a qualifié l’adoption de la résolution de « signe concret indiquant que la communauté internationale reconnaît les violations des droits de l’homme qui ont cours dans le pays et fait preuve de solidarité envers les nombreuses victimes en Iran. »
La prolongation de la mission de M. Shaheed ne fait que rappeler combien la situation des droits de l’homme en Iran est inquiétante, ce qui ne rend l’enquête que plus nécessaire. Le rapport de M. Shaheed est fondé sur des informations, rapports, et déclarations fournis d’un côté par le régime iranien, des sites internet et agences gouvernemental(e)s, et de l’autre par des organisations de défense des droits de l’homme. Il est également basé sur des interviews avec des centaines de citoyens iraniens dans le pays et hors d’Iran.
La résolution votée par le Conseil signale les « sérieuses préoccupations » suscitées par les détails de ce rapport -que le régime iranien, de son côté, a qualifié d’ « injustifié »-, ainsi que par l’entrave faite au Rapporteur Spécial pour voyager en République Islamique d’Iran. Parmi les violations systématiques des droits de l’homme et du droit international, M. Shaheed souligne un taux d’exécutions record (966 prisonniers exécutés en 2015, le taux le plus élevé en deux décennies), comprenant de nombreuses exécutions de mineurs, faisant de l’Iran le premier exécuteur d’enfants dans le monde.
Il rappelle l’absence d’une justice équitable, à cause de lois iniques ou de défauts d’applications de lois conformes au droit international. Le Rapporteur Spécial pointe du doigt la privation d’avocat, les détentions illicites, l’usage de la torture, des mauvais traitements et des aveux forcés.
Il dénonce également la continuation depuis octobre 2015, entre autres, de graves atteintes aux droits civils et politiques ; qu’il s’agisse d’atteintes à la liberté d’expression et d’association, au principe d’élections libres et justes, et de violations des droits des femmes et des minorités religieuses et ethniques, qui font l’objet de discriminations et d’une persécution continuelle.
Il est rappelé dans le résumé du rapport qu’un « certain nombre de questions importantes, non traitées dans le présent rapport, seront examinées dans les futurs rapports du Rapporteur Spécial à l’Assemblée Générale et au Conseil des Droits de l’Homme », signalant ainsi qu’aussi éloquent que soit ce document, la mission du rapporteur est loin d’être terminée.