Gene Kelly et Fred Astaire, la fin de l'innocence
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Georgia Diaz CarrascoL'âge d'or des comédies musicales est passé et ce n'est pas le spectateur moderne habitué aux effets spéciaux et au nouveau réalisme cinématographique qui va le regretter.
« Qu’est devenue cette habitude de se mettre à chanter sans raison aucune ? Cela ne se fait plus. Cela semblait absurde… ». De quel film sont tirées ces bribes de dialogue ? Aucune idée...
Le cinéma doit, déjà depuis longtemps, faire face à un spectateur d’âge mur, sans mémoire, une sorte d’individu passif qui entre lentement dans un troisième âge interprétatif. Il est probable que la récente tendance du 7ème art européen de ressusciter les grandes comédies musicales soit une réponse aletrnative et iconoclaste aux blockbusters hollywoodiens.
Une génération de spectateurs à la retraite
On a l’habitude de dire qu’il n’y a plus de bonnes histoires, que la créativité est en crise. Ce qui se passe en réalité, c’est que le public cherche des moyens divers et variés pour oublier la médiocrité actuelle de l’offre cinématographique. En outre, le spectateur d’aujourd’hui ne se souvient pas des premiers pas du cinéma ni de l’âge d’or des années 50. Plus personne ne prend le temps de profiter… pas même des références cinématographiques de ce qui, aujourd’hui, le distrait dans une salle de ciné.
Peu de gens connaissent l’histoire du cinéma, la naissance de ses genres et son évolution jusqu’à nos jours. Peu de gens savent apprécier un bon dialogue ou une technique simple qui va parfaitement épouser l’histoire projetée sur l’écran. C’est qu’une chorégraphie précise ou un écho mélodique n’attire plus l’attention de ce vieux voyeur. Les couleurs et les chansons sont aujourd’hui comme réservées aux enfants. Le spectaculaire et la magie qu’offraient les grandes comédies musicales, dans lesquelles les artistes parlaient, chantaient et dansaient, sont aujourd’hui remplacés par de multiples effets spéciaux.
Qui impressionnent certes, mais n’émeuvent pas comme le faisaient autrefois ces hommes-orchestres capables de chanter, danser, absorbés par leur personnages. Personne n’avait besoin de programmes animés ou de simulations 3D. Le spectateur de comédies musicales part à la retraite et avec lui s’en vont la capacité à être surpris et l’innocence.
Education sentimentale
Au début du vingtième siècle, le cinéphile nouveau-né éclatait en sanglots avec ‘Le chanteur de jazz’, dorloté par une industrie qui découvrait la possibilité de devenir une mère modèle pour ce rejeton. Très vite s’ensuivit la mise à mort du ‘star-system’ du cinéma muet, victime des premiers mots d’un petit monstre qui allait bientôt mettre à profit cette nouvelle formule. Baptisé Oscar, babillant au rythme des premières ‘Mélodies de Broadway’, il engendra l’intrusion du dollar dans l’art et la recherche de bénéfices à tout prix.
Tante Ginger Roger et Oncle Fred Astaire accompagnèrent ce petit garçon vers la postérité, pour son premier ‘Jour à New-York’. Et c’est sous l’aile d’amis bien placés de la ‘Haute Société’ que le petit américain se rendit à Paris, ‘chantant sous la pluie’, comme sous le soleil. Ado, Oscar fut rapidement captivé par le sexe et la violence. Son premier amour : ‘Romeo et Juliette’ !
Bien qu’il ne comprit qu’un seul pan de l’histoire avec ‘West Side Story’. Il découvrit ensuite le bagne au rythme du rock [‘Jailhouse Rock’], puis le ‘Cabaret’ new yorkais. Une fois entré sur le chemin de la maturité et du bonheur [‘La mélodie du bonheur]’, il fit définitivement ses adieux à son ancienne nourrice ‘Mary Poppins’.
Les grandes majors américaines n’ont pas mélangé les genres et très vite, ont modelé les goûts du public américain, séduit et submergé par une avalanche de progrès techniques. Aors que la volonté de distraire s’appuyait toujours plus sur les progrès techniques, la volonté de faire réfléchir les plus jeunes perdait du terrain.
Las : la comédie musicale cédait aux sirènes du capitalisme universel, son art s’éteignait à petit feu et les jeunes, eux, dansaient dans des ‘Rocky Horror Show’, se laissant gagner par la ‘fièvre du samedi soir’... banane gominée, et nonchalance affirmée.
Du spectacle au simple passe-temps
Aujourd’hui, cet enfant a bien vieilli. Il lui arrive de fredonner un requiem pendant qu’il danse dans l’obscurité, avec l’espoir de trouver en tâtonnant un fauteuil vermoulu -celui de ‘Chicago’ ou de ‘Bollywood’- dans lequel reposer son corps lourd et gauche. Il est devenu plus lucide à propos de la célébrité, la ‘Fame’.
Oui, les comédies musicales n’amuse plus aujourd’hui que les enfants. Et leurs airs qui, autrefois étaient de véritables hymnes, ne sont aujourd’hui que des sonneries polyphoniques éphémères pour téléphones portables.
Notre oeil éduqué réclame dorénavant un genre plus en phase avec la vraie vie et beaucoup moins naïf. Le concept même du spectaculaire a changé. Et quand nous parlons de société du spectacle, nous faisons référence en fait à une société du ‘passe-temps’. Pas de temps à perdre pour des applaudissements, nous contentons de nous abrutir devant l'écran. Emotions, effusions... tout cela est désormais de trop !
Walter Benjamin, le philosophe allemand disait que « la société était devenue un spectacle d'elle-même ». Et dans nos sociétés, on ne chante plus. Et cela va sans dire, plus personne ou presque ne siffle dans la rue. Nous appartenons au genre du drame et de la comédie médiocre.
Translated from Cine de musicales, los restos de la inocencia