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Gare à ton 4 X 4

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Société

Pour dénoncer un style de vie qu’ils trouvent scandaleux, des « éco-guérillas » dégonflent les pneus des 4x4 une fois la nuit tombée, dans plusieurs villes d'Europe. Comme ici, à Lyon.

Le citadin de ces dernières décennies voulant en finir avec la trinité grisâtre du « métro-boulot-dodo » affronte désormais la « jungle urbaine » en vrai aventurier, au volant de son 4x4 rutilant… Signes particuliers de ce genre d’engin : son moteur puissant et ses quatre roues motrices qui offrent une meilleure adhérence au sol, notamment sur sol accidenté. Seulement voilà, ils polluent plus.

Selon l’Ademe, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, un 4x4 consomme 33 % plus qu’une voiture classique. Or, la France bénéficie de l’un des meilleurs réseaux routiers au monde. Quelques nids de poule font-ils de la voirie urbaine un sol accidenté ? Suffisent-ils à légitimer la surconsommation énergétique des 4x4 ? Face à de tels paradoxes, depuis le début des années 2000, la révolte gronde en Europe. Des groupes d’action, armés de leur conscience écologique, ont ainsi vu le jour.

Les pneus font « pschitt » en Europe

Les Dégonflés en France(chris_lori/flickr)

Ils s’appellent Les dégonflés en France, Les Flagadas en Belgique, The Indians of the Concrete Jungle en Suède… Tous sont mus par le même objectif : faire prendre conscience du non-sens écologique du 4x4 en ville. Pour ce faire, ils attendent que la nuit soit tombée sur les beaux quartiers – bizarrement, on y trouve plus de 4x4 et les rues y sont plus calmes – pour attaquer. Ce Cherokee n’échappera pas aux justiciers masqués. Ni ce Land Rover et ses compagnes, sur lesquelles ils posent leur griffe : un message caustique à l’attention du propriétaire qui, au matin, retrouvera ses pneus à sec.

Jérémie a bien connu les Dégonfleurs lyonnais, il explique la démarche de ces commandos de la dégonfle : « Le 4x4 n’est qu’un substitut de pénis ! C’est une voiture qui consomme beaucoup mais ce n’est qu’un produit de luxe, un accessoire, un privilège pour population aisée qui n’apporte rien de plus en ville. On pourrait se contenter d’une voiture plus petite et plus écologique…, explique Jérémie. Pour les Dégonfleurs, le 4x4 est avant tout le symbole d’un certain style de vie à dénoncer. »

Comment s’organisent ces groupes d’action underground ? « Tout est oral, on se donne rendez-vous comme on le fait pour aller au ciné. Il faut ensuite choisir une rue longue où il n’y a pas trop de passage où certains font le gué tandis que les autres dévissent les valves… » L’objectif est de provoquer, au final, le débat sur la place de ces voitures en ville : « Grâce ces actions marquantes, on tend à introduire le sujet de l’écologie dans les discussions familiales… Il a suffi d’une dizaine de 4x4 dégonflés sur Lyon pour que les médias en parlent ! », poursuit Jérémie.

Légende urbaine et écolo

Action des Dégonflés dans les rues de Paris (chris_lori/flickr)

D’ailleurs, une surmédiatisation a même engendré la mythification de ces « éco-guérillas ». Du côté des propriétaires de 4x4, une vraie paranoïa s’est créée. Et du côté des écolos, les dégonflages sauvages, par sympathie au mouvement, se propagent ça et là. Même si le mouvement n’est plus vraiment actif à Lyon, son esprit survit à travers une espèce de « légende urbaine » et un souci écologique toujours aussi vivace.

Si au début, le dégonflage n’était pas répréhensible par la loi (puisqu’il n’y avait pas déflagration), après l’émotion générée par les actions de « libération d’oxygène », la justice a changé son fusil d’épaule et distribue désormais des amendes aux Dégonfleurs. Une réalité qui a freiné le mouvement lyonnais. Jérémie se montre plus nuancé : « De toutes manières, le mouvement se serait freiné tout seul. Ce genre de mouvement écolo ne s’arrête jamais, mais change souvent de modes d’action. » Le jeune écolo souligne ainsi le lien entre toutes les actions de désobéissance civile : Les Déboulonneurs(contre publicités géantes dans les villes), Les Eteigneurs de néon ou encore Les Repeigneurs de pistes cyclables (10 % des pistes cyclables lyonnaises seraient leur œuvre !) Des cibles différentes pour un message commun : la dénonciation d’une société qui surconsomme et pollue sans s’en soucier…

Les propriétaires de 4x4 affirment quant à eux, qu’ils ne polluent pas plus qu’une vieille voiture et nient, de ce fait, toute la pollution engendrée par la fabrication elle-même de leur voiture. La lutte contre leur mauvaise foi n’est pas finie ! Mais le principe de la décroissance est dur à accepter dans notre société : peser les conséquences de nos acquisitions – 4x4 ou autre – et diminuer nos besoins… Une nouvelle idée du progrès à méditer.

L'auteur est membre de la rédaction de Cafebabel.com à Lyon