G8 de Gênes : retour sur une nuit d'horreurs
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Cécile VergnatSorti en 2012, Diaz nous ramène à la nuit de l’irruption violente des agents de police dans l’école qui accueillait les manifestants du sommet du G8 de Gênes. Daniele Vicari, le réalisateur, décide de construire son récit en croisant des histoires différentes, le cinéma leur redonne vie dans toute leur cruauté.
Début avril, un chapitre extrêmement sombre de l’histoire italienne est revenu sous le feu des projecteurs. La Cour Européenne de Strasbourg a condamné l’Italie pour la violation de l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui impose l’interdiction de recourir à la torture et aux traitements inhumains et dégradants. La Cour a sanctionné l’Italie pour des faits qui se sont déroulés à l’école Diaz à l’occasion du G8 de 2001 et la nouvelle, reprise par les médias internationaux, a rouvert une plaie douloureuse, en provoquant un profond sentiment d’inadéquation et de honte. Une œuvre de fiction ne peut pas effacer ce qui a été édulcoré, en atténuant la brutalité mais un film comme Diaz, de Daniele Vicari, peut en revanche aider à ne pas oublier.
Scènes de tortures
Diaz – Don’t Clean Up This Blood (traduit par Diaz : un crime d’État, nda), est sorti en 2012 et a été écrit et dirigé par Daniele Vicari, réalisateur et scénariste italien apprécié pour ses nombreux documentaires et longs métrages comme Velocita Massima (2002), ou Il passato è una terra straniera (2007). Réalisé par une production internationale (italienne, française et roumaine) et distribué par Fandango, Diaz a gagné, ex aequo avec deux autres films, le Prix du public au 62ème Festival de Berlin, puis a obtenu 4 David de Donatello (l’équivalent des Césars du cinéma français).
Bande-annonce de 'Diaz - un crime d'État' de Daniele Vicari (2012)
Diaz raconte un des épisodes de fait divers les plus graves de ces dernières années. La nuit du 21 juin 2001, en plein milieu du G8 organisé à Gênes, 300 agents de police font irruption dans l’école Diaz, transformée en dortoir pour les participants – principalement des citoyens étrangers – aux manifestations contre le sommet des chefs de l’État. Après leur arrestation et leur « déportation » dans la caserne de Bolzaneto, les manifestants seront torturés, physiquement et psychologiquement, jusqu’au matin du 23 juillet.
Passion et côtes cassées
À travers une composition continue, différents points de vue reconstruisent les faits historiques. Les histoires narrées sont multiples et différentes mais elles aboutissent toutes à cette nuit effroyable, où personne n’est le protagoniste absolu. Il s’agit d’actions entremêlées concernant des policiers, certains imperturbables, d’autres repentis, les dénommés « black block » et d'une flopée de jeunes gens venus à Gênes pour faire entendre leurs voix. Le réalisateur a intégré ces histoires dans un récit cinématographique unitaire après avoir longuement étudié les actes du procès, visionné des centaines d’heures de rush et rencontré de nombreuses personnes présentes à Gênes la nuit du 21 juillet 2001. Les évènements racontés se fondent sur des témoignages directs, comme celui du journaliste anglais Mark Covell ou celui de Armaldo Cestaro, sexagénaire à l'époque et inscrit au Parti Communiste, qui avait décidé de passer la nuit à l’école Diaz après les manifestations de la matinée et qui en est sorti avec dix côtes cassées ainsi qu'un bras et une jambe en écharpe.
Dans le film, rien n’épargne le spectateur : les évènements y sont décrits de façon crue, sans aucune médiation ni scrupule à montrer les actes les plus féroces commis à l’encontre de personnes sans défense. La perplexité de ceux qui regardent est encore plus grande, puisque chacun est bien conscient de se trouver face à des histoires vraies.
À travers un récit à multiples facettes, Vicari alie la passion du documentaire avec l’objectif de rappeler ce qui s’est passé. Un travail profond et viscéral, fait d’histoires qu’on ne voudrait pas connaître, d’images difficiles à voir tellement elles sont directes. Le film évite les ambigüités et a horreur de procéder avec prudence, il se démarque d’autres œuvres qui sont beaucoup plus prudentes à propos de ce sujet, en assumant une puissance nouvelle.
12 ans après les faits de Gênes, une institution internationale comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme sanctionne l’Italie avec une des accusations les plus infamantes qui soit : celle d’avoir permis que certains agents aient torturé des citoyens inoffensifs au sein même de l'appareil d’État. C’est important de proposer à nouveau la vision de Diaz. Il s’agit non seulement de rappeler, mais de faire en sorte qu’un récit aussi profond et bouleversant suscite chez le spectateur ces sensations et ces réflexions que seul le cinéma, lorsqu’il est bien fait, est capable de produire. Pour ne pas oublier ce qui s’est passé et pour permettre que cela ne se produise plus jamais dans le futur.
Translated from Diaz, un film per capire la sentenza della Corte europea dei diritti umani