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Frontière franco-belge : le grand retour du chacun pour soi 

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Bruxelles

A l'heure où de nombreux membres de l'espace Schengen décident de fermer leurs frontières, la décision de la Belgique de rétablir provisoirement ses contrôles avec la France en a surpris plus d'un. Bernard Cazeneuve le premier. Le ministre français de l'Intérieur a qualifié ce geste d'« étrange » et avoué ne pas avoir été mis au parfum. Petite leçon de communication.

Suite au démantèlement de la « Jungle » de Calais, camp de migrants devenu le plus grand bidonville de l’Hexagone, le gouvernement belge a retroussé ses manches, avec pour mot d’ordre : pas de camp de fortune, ni de zones de non-droit en Belgique. Aux grands maux les grands remèdes, déplore-t-on côté français : Bruxelles décide de fermer ses frontières.

Toutes ? Non ! Seule une zone « résiste encore et toujours à l’envahisseur » : le littoral belge et le port de Zeebruges, rétorque-t-on côté belge. 

Le ministre belge de l’Intérieur, Jan Jambon, se justifie en avançant qu’une fois expulsés de Calais, les « illégaux » - c’est-à-dire, pour reprendre la formule de Jambon, les réfugiés qui ne souhaitent ni demander l’asile en Belgique, ni en France - mettent le cap vers la côte belge, d’où ils espèrent rejoindre plus facilement le Royaume-Uni. Une crainte partagée par le gouverneur de Flandre occidentale, qui a d’ailleurs appelé mercredi la population à ne « pas nourrir les réfugiés ». Depuis quelques jours, cette province, située non loin de Calais et Dunkerque et bordant la Manche, est effectivement le témoin d’un déploiement de près de 300 policiers pour assurer des contrôles systématiques, qui devraient « être limités dans le temps ». Une précaution nécessaire, martèle Jan Jambon, puisque selon des chiffres communiqués par la police, plus de 300 personnes ont déjà été refoulées vers la France et plusieurs passeurs présumés ont été interpellés.

Un manque de solidarité et de coopération entre la Belgique et la France 

Reste qu’en apprenant la décision de Bruxelles de déroger à Schengen, Paris s’est retrouvé devant le fait accompli. Lors d’une réunion portant sur la crise migratoire à Bruxelles, Bernard Cazeneuve a d’ailleurs déploré n’avoir pas été prévenu. Un reproche démenti en Belgique, où l’on estime avoir informé la France en temps et en heure, tant entre polices et qu’au niveau ministériel. De plus, Jambon et Cazeneuve semblent adopter des approches différentes pour aborder cette crise : d’un côté, la France met en avant une « opération humanitaire », stipulant que « la volonté du gouvernement est de procéder à la mise à l’abri de tous ceux qui relèvent du statut de demandeur d’asile en France ». De l’autre, la Belgique exige « le maintien de l’ordre » et n’hésite pas à soit refouler les « illégaux » à la frontière française s’ils ne font que transiter par le pays, soit à les diriger vers des centres de l’Office des Etrangers à Bruxelles s’ils souhaitent établir leurs quartiers sur le sol belge. 

Un coup de communication politique ? 

La fermeture de la frontière franco-belge pose d’autant plus question que samedi dernier, le Premier ministre belge, Charles Michel, avouait au quotidien Le Soir vouloir relancer un projet européen, « réenchanter » l’Union Européenne et revenir « dans l’Europe des Lumières »… Tout en assumant le contrôle à la frontière. « J’assume mon engagement européen, mais cela ne me conduit pas à la naïvité, et à rester les bras ballants, avant de nous réveiller dans trois mois avec un camp de 3 000 personnes dans une situation humanitaire dramatique », a-t-il soutenu. Certains pourraient voir dans la décision du gouvernement belge un message politique dissuasif, avec pour cible principale, les réfugiés qui auraient l’audace de s’aventurer vers les rivages belges. D’autres, un coup de com’ à l’intention de ses concitoyens : « ne vous inquiétez pas, on ne va pas se laisser envahir ». Dans les deux cas, la France reste bredouille et ne sait sur quel pied danser. 

Alors, couac de communication entre les deux pays ou non ? Malgré les déclarations de Jan Jambon, selon lequel une collaboration étroite entre la Belgique et la France est nécessaire pour résoudre cette problématique, il semblerait que l’une et l’autre soient plus décidés à se renvoyer la patate chaude que d’œuvrer main dans la main pour trouver une solution.