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Fredo Viola: «Télécharger en masse annule la passion pour la musique»

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Cet Américain de 39 ans a trouvé sa musique, un mélange de pop, d’électro et de chants liturgiques. Et avec elle, le succès. Tout du moins en France. Rencontre avec cet artiste new-yorkais bienheureux aux origines siciliennes.

Il doit son ascension musicale à Internet et à un petit appareil photo digital. Pour Fredo Viola, né à Londres, tout a commencé il y a cinq ans sur un site de partage de musique, EM411.com (Electronic Music411.com), sur lequel il est possible de mettre en ligne des morceaux et avoir l’avis des internautes. Résultat, après plusieurs tentatives, quelques-unes de ces compositions ont été utilisées pour des bandes originales de films (notamment The Manchurian Candidate de Jonathan Demme). Et c’est sans compter le groupe Massive Attack – excusez-le du peu ! – qui le contacte pour une collaboration. The Sad Song, son premier « extended play », rencontre un beau succès.

La musique, comme Fellini

Fredo, diminutif d’Alfred (en hommage au Parrain et à ses origines siciliennes ? J’ai oublié de le lui demander…) affirme, trop modestement, n’avoir aucune formation musicale. Pourtant sur Internet, ses biographies indiquent qu’il a été soprano. Cette information est démentie par l’intéressé qui ne parle que d’une chorale dont il a fait partie : « Une expérience horrible. Mes parents m’ont retiré de là après que je me sois fait tabasser. C’est dur d’être dans un groupe avec autant de gamins, qui plus est, subissant les mauvais traitements du prof. Tu imagines l’ambiance entre nous. Pendant 20 ans je n’ai plus chanté : j’avais honte de ma voix car elle me rappelait de mauvais souvenirs. » De cette période, il ne lui reste en tête que le souvenir d’un « papier peint de velours violet et une odeur de lavande ».

« J’aurais voulu être le nouveau Fellini, mais ce n’est pas vraiment évident (rires)»

Fredo a une formation cinématographique qu’il dit avoir « appliquée à la musique » : « J’aurais voulu être le nouveau Fellini, mais vu que ce n’est pas vraiment évident (rires), j’ai travaillé pendant longtemps comme 'image editor 'et 'animation designer' ». C’est à lui que l’on doit, apparemment, l’une des campagnes publicitaires de l’Oréal. Et à la base de son inspiration musicale, l’on retrouve Fellini, « qui a utilisé la musique de façon symbolique et cyclique ». Le cinéma reste donc une composante fondamentale de son art : beaucoup de ses chansons sont filmées en « cluster » vidéos, réalisées avec un téléphone portable ou un appareil digital – et on le voit chanter en direct, ou en différé, entouré des musiciens français et anglais avec lesquels il collabore (rencontrés via Myspace). Dans son album, on trouve un CD musical et un DVD, dans lequel il y a toutes les vidéos.

Boulimie de téléchargement

Interviewé après un concert au Café de la Danse à Paris, dans un bar de Bastille au faux air cubain et à la musique bien trop forte, Fredo est crevé mais particulièrement heureux. Et il y a de quoi : le concert s’est soldé par un franc succès et d’innombrables bis pour satisfaire un public affamé. Pour quelqu’un qui est « né » grâce à Internet, sa prise de position à propos du téléchargement est particulière : « Je ne pense pas que l’on doive punir les personnes qui téléchargent. A mon avis, c’est le téléchargement qui porte préjudice à la musique. Tout est stocké en blocs : tout Radiohead, tout Nina Simone... et l’on n’apprécie plus l’album comme un tout organique. Je pense que partager entièrement son disque dur à un impact négatif : cela annule la passion. C’est un comportement qui fait mourir la musique. » 

« Je suis extrêmement émotif et spirituel, et je crois au mystère qu’est la vie »

En France, « c’est génial ». Son premier album, The Turn, est sorti en décembre 2008, avec le label Because Music, une des étiquettes indés les plus importantes en France (Manu Chao, Pascale Comelade, Faithless) et la presse française l’a porté aux nues. Pour ne citer que quelques critiques : pour les Inrocks il est « l’homme à la voix d’or » et son album est « un plaisir pour les oreilles » ; Télérama parle du meilleur album pop de l’année, « séduisant, euphorique, reposant. On l’attendait depuis longtemps ». Le Monde le décrit comme « magique, harmonieux, unique ». En effet, la musique de Fredo Viola est difficile à définir : il rappelle un peu les Sigur Ros, les Beach Boys, les canadiens Silver Mount Zion, et même Simon et Garfunkel avec une touche de gospel. Sa voix est quasiment liturgique. Religieux ? « Je suis extrêmement émotif et spirituel, et je crois au mystère qu’est la vie. Mais ses aspects les plus profonds sont difficiles à retranscrire et il est impossible de dicter des règles. Je ne pense pas que la religion soit faite pour moi. »

Comment explique-t-il son succès en France (en dehors de l’excellent travail de communication de la Because Music) ? « Je ne sais pas. Si la France est là (Fredo lève la main au-dessus de la tête), l’Angleterre se situe ici (et il met la main à hauteur d’épaule) ». Et les Etats-Unis? « Peu ou presque. Peut-être que c’est parce que ce pays bouge à mon rythme. Honnêtement, je ne pense pas être célèbre : j’ai juste des échos positifs sur Internet. J’ai commencé il y a cinq ans, et maintenant j’ai des fans, même si je devrais plutôt les appeler des amis, tout autour du monde. Est-ce que ce que je raconte a un sens ? »

Fredo Viola en condensé

Film préféré – The night of the Hunter (1955) – Charles Laughton

Livre – Lechâteau de Kafka. A l’objection : « Mais c’est un livre qui n'est pas terminé ! », il répond : « Et alors, ça ne m’empêche pas de l’aimer pour autant. »

Plat préféré« Là pour le coup, il faut que je te donne la recette ! Artichauts cuits à l’ail, sel, deux tasses de vin blanc et une d’huile. Tu fais cuire les artichauts au four, ensuite tu les retires, et tu fais cuire les tiges jusqu’à en faire une sauce. Dans cette sauce tu rajoutes une tranche de jambon, les « lumache » (escargots, en italien dans le texte, ndr) et les artichauts. C’est délicieux, c’est mon plat préféré ! »

Dans son lecteur Mp3 : « de la vieille musique. Tu connais Irma Thomas ? C’est une chanteuse de la Nouvelle-Orléans qui a un répertoire dans lequel on retrouve des influences « pré R’n’B » et de gospel. Superbe. Sinon, plus actuelle, Juana Molina. Tu la connais ? Elle est argentine. Je m’inspire énormément de sa façon de chanter. Et puis, j’écoute aussi beaucoup les musiciens avec lesquels je joue. Et beaucoup de musique classique. »

Translated from Fredo Viola: la musica, il cinema e... i carciofi