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[fre] Si il y avait la mer à Milan : l'histoire d'un port de terre

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Annick Eiselé

Bien que cela paraisse surprenant, il y a un port à Milan. Voici l'histoire des canaux perdus de la ville en honneur de la réouverture de la darse. 

S'il y avait la mer à Milan, ce serait une très belle ville.  

Un grand nombre de personnes en rêvent, en particulier celles qui vivent à Milan mais qui sont nées et ont grandi à deux pas de l'eau salée. Nous aurions un climat agréable, des hivers tempérés et la peau bronzée toute l'année. Les palmiers et les pins maritimes offriraient de l'ombre dans les parcs et dans les rues. Le parfum du sel dans l'air embellirait nos journées et nous attirerait tous vers la mer. Là-bas, l'étau de la ville se desserrerait et l'eau nous bercerait, nous faisant sentir minuscule en face de son étendue immense, avec les vagues qui se brisent sur les rochers au milieu du bruit des moteurs. Nous emporterions guitares et bières à la plage. Le Milanais moyen serait cetainement d'humeur plus solaire et aurait probablement moins envie de passer ses journées entre travail et rendez-vous.  

Ceci n'est malheureusement qu'un rêve. Toutefois, il y avait vraiment quelque chose de maritime à Milan : un port, et sutout cette darse qui reverra la lumière le 26 avril suite à sa restauration à l'occasion de Expo. Cela semble incroyable quand on voit le port aujourd'hui : il s'agit d'un lieu central situé au cœur de la ville en ébullition. Autrefois pourtant, il s'agissait d'un des ports commerciaux les plus importants d'Italie. Les seules données fiables dont nous disposons, à partir de 1870, évoquent un trafic de plus de huit milles péniches marchandes par an, trafic qui s'est maintenu de façon constante jusqu'à la fermeture du port en 1939. 

La structure, que les Milanais ont vu pendant presque un demi millénaire date de 1603 : c'est le gouverneur espagnol Pedro Enriquéz de Acevedo qui décida de construire un  port fluvial à l'extérieur des murs de la cité afin de relier  le réseau dense de canaux qui encerclait alors Milan pour ensuite se diriger dans le centre-ville jusqu'au Dôme. 

Durant des siècles, les canaux de Milan furent une ressources très importantes pour la ville : depuis l'antiquité, ce lieu a toujours été riche en ressources hydriques naturelles. Les Romain ont créé le premier canal artificiel après la conquête de la ville en 222 et les restes de ce qui semble être une embarcadère portuaire de l'époque romaine ont été retrouvés dans les environs de la place Fontana. Le réseau fluvial s'est développé petit à petit au cours des siècles suivants, de manière à relier Milan aux cours d'eau qui l'entourent (la ville était par exemple reliée au lac Majeur et à la mer par le fleuve) et pour créer une barrière défensive contre les invasion, en particulier à partir de 1152 et de la guerre entre Barbarossa et les communes du nord de l'Italie. Les canaux furent aggrandis et élargis, principalement durant la Renaissance : Leonardo da Vinci a travaillé comme ingénieur sur quelques projets, comme le perfectionnement du Naviglio Grande, mais dans un rôle moindre que ce que l'on a cru. 

Au cours des premières décenies du Xe siècle, Milan changea subitement de visage  : les industries étaient désormais établies de façon permanente dans la ville et une grande partie des eaux se trouvant dans les alentours de la ville étaient désormais insalubres. Par ailleurs, seules les embarcations de taille moyenne pouvaient naviguer sur le canal et le moyen de locomotion du futur, l’automobile, avait besoin d'un espace cimenté et bien à elle:  ainsi, presque tous les canaux de la ville furent fermés entre 1890 et 1930 afin de laisser place à des routes goudronnées. Le bombardement de la ville durant la Deuxième guerre mondiale fit le reste, et la reconstruction après la guerre bouleversa à nouveau la physionomie de la ville, en privilégiant un agencement encore plus productif. 

La darse, contrairement aux autres surfaces naviguables qui entouraient Milan autrefois, ne fut pas comblée et a conservé sa fonction de port pendant encore quelques décénies. Les bastions espagnols qui divisaient la cuvette du canal disparurent au début du XXe siècl, et, à partir de 1939, ela darse a cessé son d'être une aire portuaire. Toutefois, durant les deux guerres, le trafic le long des canaux augmenta de manière indirecte. Le transport des marchandises étant impossible par voie terrestre ou aérienne, le transport fluvial était alors la seule alternative pour approvisionner la cité. Par ailleurs, la darse a encore vécu quelques décénies après 1945. Cependant la zone était désormais destinée aux loisirs et très vite, les navires servirent de point de repère aux grands noms du jazz international. Le port avait ainsi perdu son rôle pour toujours. En 1979, la dernière embarcation fendit l'eau de la darse. Entre cette date et la fin de l'année 2003, le bassin a été abandonné à la dégradation et à la négligence. 

En septembre 2004, Milan a faillu perdre pour toujours la trace de ce qui fut autrefois son port : la ville avait en effet signé un contrat pour la construction d'un parking souterrain,  projet  qui prévoyait essentiellement de supprimer le bassin. Cependant, au milieu des travaux d'excavation, sont apparus les vestiges du mur des bastions espagnols : le secteur fut alors considéré d'intérêt archéologique et les travaux furent suspendus, puis annulés. Les trouvailles furent réenterrées afin de les préserver dans l'attente d'une évalution future. Néanmoins, le reste du bassin est resté pendant dix ans exactement comme les bulldozers l'avaient laissé, permettant à la nature de former au cours des ans une petite oasis naturel fleurie et avifaunistique.

La situation de la darse, en équilibre instable entre le ciment, la nature indomptée et le réaménagement, semblait s'être débloquée grâce à Expo. Dans le cadre du projet de réaménagement, la darse devait devenir le point d'ancrage dans la ville des voies d'eau, un canal navigable long de vingt kilomètres creusé entre Rho et le centre-ville : un des nombreux projets jamais réalisés par Expo. La seule partie du projet qui a survécu est la réaménagement de la place du 24 maggio et de la darse, un projet qui a subit de nombreuses modifications. Ce qui est resté du projet gigantesque est la réouverture du canal du ticinello et la mise en valeur du pont romain retrouvé sous la place : c'est loin d'être assez pour entrevoir à nouveau la darse qu'ont connue nos grands-parents et que nous ne reverrons que sur des cartes postales anciennes.  

Translated from Se Milano avesse il mare: storia di un porto di terra