[fre] Projet d'aide aux réfugiés: exemple d'intégration réussie grâce à l'obtention de onze hectares de terre agricole
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Yveline Le DonLe Piémont (Italie). Il est six heures du matin. Le soleil se lève. Six hommes parcourent les routes étroites des vignobles à vélo. Ils ont presque atteint leur objectif: l'obtention d'une terre agricole de onze hectares pour cultiver le vin, les légumes et les céréales. Ils viennent tous d'Afrique et sont partis, il y a deux ans, pour l'Europe. Ils ont trouvé leur voie dans l'agriculture.
C'est l'association Crescere insieme [en français: Grandir ensemble], dont le siège social se trouve à Acqui Terme (près d'Alexandrie), qui permet à ces hommes de travailler. Les membres s'engagent en faveur des minorités: les seniors, les handicapés, les personnes en difficulté, mais aussi les réfugiés. Le projet agricole fait partie de ceux entrepris par l'association pour aider les réfugiés. Davide Colleoni, 42 ans, est chargé de ce projet. Il raconte: "Depuis un an et demi, je travaille pour cette association sociale. Auparavant, j'avais un métier totalement différent." Il y a huit mois, il lui a été proposé de mettre en place un projet agricole avec des réfugiés. "J'ai fait des études d'agriculture, mais ensuite je n'ai jamais acquis d'expérience dans ce domaine," reconnaît-il. Cependant, Davide Colleoni a accepté le défi, il a ressorti ses manuels pour rafraîchir ses connaissances. Il s'agit d'aider les réfugiés à s'intégrer, non seulement pour qu'ils apprennent l'italien, mais aussi pour qu'ils puissent trouver du travail.
En collaboration avec le SPRAR, qui est l'organisation italienne d'aide aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, le projet a commencé en décembre, l'année dernière. Davide Colleoni s'en souvient: "L'organisation SPRAR a été très intéressée par ce projet et nous a aidés financièrement." L'association dispose de onze hectares de terre agricole. Des riverains ont cédé gratuitement leurs champs non utilisés. "Nous leur avons parlé pour leur présenter ce projet. Ils étaient tous enthousiastes et nous ont dit qu'ils étaient d'accord pour nous donner leurs champs pour un projet social," explique le chargé de ce projet. La plupart de ces champs étaient en jachère. Les paysans sont désormais trop âgés pour les cultiver. Cette région souffre du départ de ses jeunes. Personne ne reprend les champs familiaux. La surface comprend cinq hectares de vignes, et deux hectares pour cultiver des légumes. Par ailleurs, l'on y trouve des noyers et des champs de céréales. "Tous les produits cultivés ici sont biologiques," souligne Davide Colleoni.
D'abord l'apprentissage d'une langue, ensuite l'obtention d'un travail
Ces terrains ont été cédés gratuitement par leurs propriétaires pour une dizaine d'années. Pourtant, au début de ce projet il y a huit mois, des frais sont apparus. "Bien sûr, l'association a donné un peu d'argent," raconte cet agriculteur de formation, "mais nous avons également reçu d'autres soutiens." Une fondation, l'association de l'agriculture biologique ainsi qu'une banque ont, elles aussi, apporté leur aide financière. Dans un premier temps, l'association s'est procuré les outils et machines nécessaires, parmi lesquels un tracteur et une moissonneuse-batteuse. Ensuite, ils ont cherché des réfugiés qui aimaient le travail agricole. Cette association s'occupe d'une centaine de personnes. "Six d'entre elles ont vraiment montré de l'intérêt," dit Davide Colleoni. Ces personnes, dans leur pays, avaient déjà travaillé dans les champs avec leurs parents. Elles sont originaires du Mali, de Gambie, de l'Erythrée, du Sénégal et de Côte d'Ivoire. La plus jeune a 17 ans, la plus âgée, 30.
"Lorsque ces personnes sont arrivées en Italie, il y a deux ans, elles ne parlaient pas encore notre langue," se souvient Davide Colleoni. Les hommes ont pris des cours d'italien, car ils comprenaient le rôle important joué par l'apprentissage de la langue pour trouver du travail. "Au début, ils voulaient seulement travailler dès que possible." Davide Colleoni communiquait avec eux en anglais, en français ou par gestes. "Maintenant, nous ne nous parlons plus qu'en italien," dit-il, fier des progrès rapides de ces jeunes gens. Même huit mois après, ils vont encore à l'école. Cependant, deux d'entre eux ont déjà obtenu leur certificat de fin d'études et préparent maintenant l'examen du permis de conduire. A côté de l'apprentissage de la langue, les réfugiés ont commencé à étudier les bases de l'agriculture. Des professeurs d'université leur ont enseigné l'agriculture biologique pendant 320 heures au total. En hiver, les cours théoriques ont commencé et, depuis février, ces hommes travaillent dans les vignobles, en apprenant les gestes pratiques. "Ils ont rapidement tout compris. Ces jeunes sont vraiment doués," commente Davide Colleoni, content de ses protégés. "Ils sont géniaux, je les aime."
Le théâtre, outil pour l'intégration
Parallèlement à cela, ces six futurs agriculteurs ont suivi une formation théâtrale. "Le but était de les mettre en contact avec des personnes de la région," raconte Davide Colleoni. Il ajoute que ces hommes ont d'abord été intimidés: "Comme ils ont tous la peau noire, ils pensent toujours qu'ils sont plus mauvais que les Italiens se trouvant près d'eux." Grâce au chargé de ce projet, ils comprennent qu'ils ont autant de talent, que la couleur de peau ne change rien: "Tu es comme moi, ici, personne n'est supérieur aux autres, nous réalisons un projet ensemble," leur a répété Davide Colleoni. Il explique que la peur ressentie par les réfugiés les a empêchés de s'intégrer dans la société. Quelle solution a été apportée ? La Commedia dell’arte, genre théâtral d'improvisation où les acteurs portent des masques. "Ils se sont davantage ouverts aux autres," commente Davide Colleoni avec certitude.
Il y a eu les préparatifs, les formations. Maintenant, le travail quotidien a pris son rythme normal. Ces hommes travaillent trente heures par semaine, soit six heures par jour. Davide Colleoni explique: "En été, nous commençons le travail tôt le matin, à six heures, parce qu'il fait tout simplement trop chaud dans la journée." Leur pause déjeuner incluse, ils travaillent jusqu'en début d'après-midi. "Le matin, ils arrivent à vélo. Quand il pleut, je vais les chercher." En ce moment, c'est l'époque des vendanges et, en plus, de la culture des légumes. Certains soirs, les réfugiés travaillent encore, en suivant des cours. Même le week-end, le travail ne s'arrête pas. "Nous vendons nos produits sur un marché local tous les samedis. Nous commençons à nous constituer une clientèle." De cette façon, ces hommes apprennent aussi à vendre, à émettre des factures et à faire des affaires. "Mais ce n'est pas vendre qui nous intéresse. Nous voulons parler beaucoup plus aux gens de ce projet," explique Davide Colleoni. Les Italiens doivent être sensibilisés à l'immigration. Il ajoute: "Les réfugiés ne sont pas ici pour nous voler nos emplois. Le monde est en plein changement, et nous devons aborder cela ensemble."
Un projet qui peut prendre de l'ampleur
Pour l'instant, ce projet agricole est un succès total pour Davide Colleoni: "Cela montre que les choses bougent. Des surfaces non-utilisées sont remises en valeur et nous réalisons des choses positives pour des gens qui ont besoin d'aide." Les organisations de coordination sont, elles aussi, satisfaites. Elles sont sûres qu'il s'agit d'un projet qui peut prendre de l'ampleur et qui ne se terminera pas au bout d'un an. Cependant, les choses viennent d'elles-mêmes, selon Davide Colleoni. De plus en plus de riverains sont d'ores et déjà disposés à mettre leurs champs à disposition pour ce projet. "Si, un jour, nous obtenons plus d'argent, nous pourrons peut-être aussi employer des réfugiés à plein temps," telle est la vision des choses de Davide Colleoni. "Mais le projet a commencé il y a huit mois seulement. Nous générons un peu d'argent, mais nous ne sommes pas encore créditeurs." Il arrive également à s'imaginer que les réfugiés dirigeront un jour ce projet de façon autonome.
Ce projet séduit, et pas seulement dans la région du Piémont. "Beaucoup de gens nous contactent pour nous demander comment nous avons fait." Selon Davide Colleoni, une telle idée peut également être mise en oeuvre à l'étranger: "Bien sûr, il faut un capital de départ, mais des personnes qui veulent faire cela, on en trouve partout." Ce qui est le plus difficile, c'est d'expliquer ce projet aux citoyens pour qu'ils puissent accueillir les réfugiés sans avoir de préjugés. Cependant, le projet italien montre que cela n'est pas impossible.
Translated from Flüchtlingshilfe: Integration auf elf Hektar Land