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[fre] Le documentaire comme outil de changement / Le festival du film documentaire des droits de l'homme Verzio

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Story by

Anna Orosz

Translation by:

Stéphanie Laguë

Le 13e festival du film documentaire des droits de l'homme Verzio débute ce soir . Le public pourra choisir parmi plusieurs discussions, séances de questions, concerts et projections : 62 films de 36 pays. Nous avons parlé à la directrice du festival Oksana Sarkisova concernant la structure, les différentes thématiques et l'importance des documentaires sur les droits de l'homme. 

Pouvez-vous me dire comment le programme est conçu cette année?

Bien que le festival soit différent chaque année, certains piliers sont plus ou moins stables, deux d'entre eux sont les panoramas international et hongrois qui présentent un aperçu des récents films documentaires novateurs au pays et ailleurs dans le monde. Certains de ces films sont déjà bien connus, ayant été diffusés à travers le monde. Ils ont aussi été présentés dans plusieurs festivals et ont gagné un grand nombre de prix, tandis que d'autres sont parus récemment. Nous avons même des premières à Verzio.

Y a-t-il un thème particulier au festival?

Les films au panorama international n'ont pas qu'un seul thème. Nous mettons l'accent sur les droits de l'homme au sens large, nous présentons notamment des films qui abordent le problème directement, mais aussi des films de nature anthropologique traitant du contexte culturel ou d'un phénomène économique particulier. Certains croient qu'un festival sur les droits de l'homme ne porte que sur des sujets pénibles, qu'on y montre des films déprimants qui enlève le goût de vivre. En fait, ce n'est pas le cas, nous avons maintenant quelques films dans le panorama international qui traitent de sujets délicats, mais qui donnent aussi de l'espoir et qui montrent des solutions. Le documentaire  Mallory de Helena Třeštíková en est un exemple. La directrice travaille de façon longitudinale avec ses protagonistes. Dans ce cas, elle a suivi Mallory pendant 13 ans alors que celle-ci tentait de se sortir de sa dépendance à la drogue, puis elle décroche un emploi stable après la naissance de son enfant. En plus de montrer les difficultés auxquelles elle est confrontée tout au long de son parcours, le film fait aussi passer un message très positif puisqu'elle réussit finalement à surmonter les épreuves. 

Nous avons aussi des films de recherche par observation, par exemple, le film chinois The Road dans lequel le directeur Zhang Zanbo suit la construction d'une route dans une des provinces où le gouvernement chinois investit beaucoup. C'est la province où est né Chairman Mao, donc le sens et l'importance sont symboliques dans les conditions. Qu'est-ce que la construction de cette route signifie pour les habitants de la région, pour ceux qui travaillent et ceux qui dirigent sa construction? L'histoire est très complexe, elle comporte plusieurs aspects et il n'y a pas qu'un seul protagoniste. On nous donne un aperçu du fonctionnement de l'économie et nous pouvons aussi observer les différents sujets enchevêtrés dans cette histoire. 

Dans notre programmation, il y a beaucoup d'histoires axées sur les personnages qui racontent de captivants récits du début à la fin, que ce soit le passage à l'âge adulte ou bien un combat dans une situation difficile. Il peut aussi s'agir d'une étude sur les fonctions de la société, par exemple, le film Democracy, qui traite de la façon dont les lois ont été négociées et adoptées au Parlement européen. C'est quelque chose de très difficile à imaginer comme sujets de documentaire, car il s'agit des coulisses des négociations. Ça demande beaucoup d'attention et de patience autant de la part du réalisateur que du spectateur. Mais au final, on réalise que même un thème aussi abstrait que les lois adoptées touche chacun de nous étant donné que nos données personnelles et privées sont recueillies, enregistrées, vendues et récupérées. C'est donc aussi quelque chose que nous trouvons très important en tant que thème récurrent présenté et discuté au festival : ce qui arrive à nos vies et la façon dont un film documentaire peut agir en tant que moyen de connaissance. 

Nous pouvons aussi voir, dans le film d'ouverture Sonita, que la réalisatrice Rokhsareh Ghaem Maghami ne joue pas seulement le rôle d'observatrice passive dans l'histoire, mais plutôt de participante active qui change le cours des événements par ses interventions durant le tournage et ultérieurement, lorsque le film devient partie intégrante d'une campagne pour les droits de la femme. C'est aussi un élément important de la mission de l'ensemble du festival, de montrer en quoi les documentaires peuvent servir d'outil de changement.

Le panorama hongrois a été sélectionné par le cinéaste érudit György Báron qui a insisté sur le fait que plusieurs des documentaires hongrois de cette année se concentrent sur le passé et apportent une leçon pour le présent. Le documentaire My Mother’s Letters to Stalin de Márta Mészáros en est un exemple. Malgré qu'il évoque l'époque traumatisante des purges staliniennes, ce film est aussi une histoire d'amour et d'espoir, à propos d'une femme qui reste fidèle à son mari.

Les thématiques cette année sont : En mouvement – Récits de migrants, Les tenants et les aboutissants de l'Arctique, L'accent sur l'Ukraine, Révolution des médias 1956 – La révolution hongroise dans les actualités socialistes. Pouvez-vous m'en dire quelques mots?

Les blocs sont différents chaque année. La raison pour laquelle nous continuons d'aborder le sujet des réfugiés et de l'intégration, c'est que ça reste encore un sérieux problème. Nous ne pourrions sans doute pas épuiser le thème qu'avec la sélection de l'année dernière, puis, il y a de nouveaux films qui méritent qu'on s'y intéresse et qu'on en discute. Le problème des réfugiés n'est pas local, ni même européen, c'est un problème mondial. Nous coopérons sur ce programme avec le Comité Helsinki hongrois pour organiser des discussions supplémentaires et apporter plus d'attention aux questions soulevées dans les films plutôt que seulement sur les films en tant que tels.En plus des projections, il y aura trois groupes de discussion

Les films documentaires dans ce bloc thématique proposent une solution de rechange équilibrée aux reportages conventionnels qui ne traitent pas en profondeur des récits personnels et ne laisse pas le temps de comprendre qui sont les gens qui sont filmés, quelles sont leur personnalité, leur histoire et de quel milieu ils viennent. Le film documentaire est un outil puissant qui fournit des informations et aide à développer de l'empathie, ce qui manque aux courts reportages. Ils ne disposent pas d'une capacité suffisante à entrer dans les détails. 

L'autre bloc thématique cette année, Les tenants et les aboutissants de l'Arctique, a été mis au point en collaboration avec les cinéastes érudits Scott Mackenzie et Anna Westerståhl dans le but de s'adresser autant à la communauté professionnelle qu'à un public plus vaste. Nous projetons des films sur les peuples autochtones et sur le changement climatique visant le grand public. Nous organisons aussi un groupe de discussion portant sur les enjeux des représentations ainsi que sur la façon dont les documentaires et les médias visuels définissent notre compréhension et nos croyances à propos du changement climatique et des peuples autochtones. 

Nous combinons aussi les projections aux discussions pour le bloc thématique sur la révolution hongroise de 1956 et ce qu'elle représente dans les actualités socialistes. Ce programme a été élaboré par le cinéaste érudit Balázs Varga. Il inclut des séquences vidéo peu connues assemblées à partir de cinq différentes archives cinématographiques dont quelques-unes ont été numérisées pour la première fois et n'avaient pas été projetées publiquement après l'année de leur sortie. Les films d'actualité occidentale sur la révolution de 1956 sont plus connus, plusieurs sont accessibles en ligne et leur récit est clair et direct.  Dans le bloc socialiste, la censure a été imposée à l'interprétation des événements qui ne peuvent être appelés révolution. Tous les éditeurs ont dû trouver un moyen de s'adapter au cadre officiel de l'idéologie socialiste, mais en même temps, les différences entre eux permettent une meilleure exposition des rouages de la propagande, ce qui fait de la lecture attentive et de la comparaison un exercice stimulant qui en vaut la peine. 

Un autre bloc thématique met l'accent sur l'Ukraine et montre la vie quotidienne et les cheminements des gens dans la zone de guerre et les autres régions du pays. Comment la vie poursuit-elle son cours dans un pays qui est aux prises avec différents conflits. Ça soulève des questions d'identité ainsi qu'un questionnement sur les futures directions à prendre, ça conteste aussi les propagandes qui circulent sur  les chaînes télévisées.  

Le programme de Verzio est varié, il ne s'agit pas seulement de projections, mais aussi de beaucoup de possibilités pour les étudiants et les réalisateurs de documentaires. 

Oui, nous avons un concours étudiant cette année et je crois qu'il est très important de prendre conscience de la direction que prend la réalisation de documentaires. Il y a un nouveau phénomène : le cinéma devient aussi une sorte d'activité interdisciplinaire. Des gens de différents domaines utilisent maintenant le film comme moyen de recherche et d'expression. Cette année, nous avons reçu plus de 80 films provenant de différentes écoles cinématographiques et d'étudiants. Notre comité de sélection a passé en revue toutes les propositions et a sélectionné les films en tentant de préserver la thématique ainsi que la variété visuelle et géographique.  Je pense que nous avons 11 différents et solides travaux d'étudiants dont plusieurs sont au même niveau que les films de cinéastes reconnus. 

Nous avons aussi un atelier de production DocLab, axé sur l'intégration et ses défis. Sous la supervision de tuteurs internationaux, les jeunes réalisateurs et toutes les personnes intéressées par la réalisation cinématographique ont la possibilité de travailler sur leurs séquences en faisant des courts-métrages qui seront présentés et discutés au festival. Nous avons aussi DunaDock Pitching Forum et Masterclasses. Cette année, l'atelier organisé pour les professionnels est axé principalement sur les bandes-annonces. Il y a en plus, trois cours de maître et un forum de "pitching" ouvert au public. Enfin, nous avons des projections avec des discussions complémentaires pour les élèves du lycée. Cette année est très intéressante puisque plus de 700 étudiants sont attendus aux cinémas pour regarder des films documentaires et en discuter. 

Finalement, nous somme très heureux de présenter pour la première fois cette année, une sélection de films Verzio dans trois autres villes hongroises dans le cadre de la diffusion Verzio+. Nous avons déjà eu une collaboration productive avec Apolló cinema à Pécs dans le passé et cette année nous allons aussi présenter les films Verzio au Barátság cinema à Székesfehérvár et au Grand Café à Szeged.

Anna Orosz 

Story by

Translated from Documentary as a tool of change / VERZIO - International Human Rights Documentary Film Festival