Fraude fiscale grecque en ligne de mire
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Le gouvernement grec est en guerre contre la fraude fiscale. Désignée comme l'une des causes du déficit budgétaire astronomique de l'Etat, celle-ci est traquée partout, et cette traque est relayée à l'envi par les journaux, qui ont ces dernières semaines rendu publiques des affaires fiscales dont les montants vertigineux ne peuvent que faire bondir le contribuable moyen.
Dans l'ordre chronologique, c'est d'abord, fin mars, l'affaire Google Earth qui a défrayé la chronique. On apprenait en effet (par exemple dans To Vima) que le ministère de l'Economie s'était adjoint l'aide de Google Earth pour vérifier la présence ou non de piscines dans les villas des quartiers riches de la capitale, ainsi que pour contrôler la taille des dites piscines, et croiser ces informations avec les déclarations d'impôts faites par leurs propriétaires. Le ministère soutient qu'il « est prêt à utiliser tous les moyens pour traquer la fraude fiscale, même Google ». Les propriétaires de piscines pas déclarées ou de maisons construites sans permis n'ont plus qu'à trembler.
Evidemment Big Brother n'est pas loin, d'autant moins loin que, selon le même journal, le ministère de l'Economie aurait aussi utilisé un autre moyen d'information: des appels téléphoniques aux voisins pour obtenir des renseignements sur des garages automobiles, des petites et moyennes entreprises, etc. et, là aussi, comparer ces données à celles fournies par les contribuables intéressés.
Après le recueil d'informations, vient l'exposition à la vindicte publique. La semaine dernière, la Une de la plupart des quotidiens était monopolisée par la publication de la liste de médecins athéniens accusés de fraude fiscale, ainsi que du montant des sommes par eux détournées. Selon le journal Ta Nea, 68 médecins sont ainsi exposés à des amendes élevées, voire des poursuites judiciaires. Un grand nombre sont des médecins installés dans le quartier chic d'Athènes, Kolonaki, dont certains sont des orthopédistes par ailleurs impliqués dans l'affaire DePuy International, qui a déjà vu son représentant condamné à une peine d'emprisonnement de 12 mois pour des affaires de dessous de table versés à des hôpitaux grecs. Les amendes demandées aux médecins fraudeurs, dont les comptes bancaires ont été ouverts et encore en cours d'analyse, s'élèvent à plusieurs millions d'euros. Des centres de santé convaincus de ne pas avoir délivré systématiquement de reçu à leurs clients, afin de minimiser le montant de leurs revenus, sont menacés de fermeture par le ministre de l'économie. L'article de Ta Nea continue par quelques exemples édifiants: certains cabinets médicaux auraient déclaré des revenus de 300 euros par mois, chiffre qui aurait dû étonné bien avant sur leur capacité à survivre avec de si faibles revenus. Les noms des médecins dont l'analyse des comptes était encore en cours n'ont pas été donnés. Mais pour la profession, c'est bien évidemment un coup un peu dur au moral (et à la morale).
Une autre exposition publique de coupables a eu lieu cette semaine: après la publication dans la presse de la dette (de 5,5 millions d'euros, tout de même) envers les impôts accumulée par le chanteur Tolis Voskopoulos, mari de la secrétaire d'Etat au Tourisme et à la Culture Angela Gerekou, tous les regards se sont tournés vers Yorgos Papandréou dans l'attente de sa réaction. Selon le journal To Ethnos, « son attitude stricte sur les questions de morale » ne laissait aucun doute sur la nature de la punition: la secrétaire d'Etat a été priée de démissionner. Lundi 16 mai à 21heures, le gouvernement grec annonçait officiellement avoir accepté cette démission même si, selon le communiqué, « la secrétaire d'Etat en question n'était en rien impliquée dans cette affaire », mais « pour ne pas offrir de prétexte à accuser le gouvernement ».
Pour en revenir au monde médical, un article paru dans Eleftherotypia alourdit encore l'accusation contre certains praticiens. Une enquête révèle que 3 Grecs sur 10 ont été obligés de verser de l'argent de façon illégale pour être soignés. Dans les hôpitaux publics, dans 32% des cas, les échanges d'argent se font sous la forme de pot-de-vin, « d'argent sale », que les patients versent à la demande du médecin pour que leur cas soit traité plus rapidement ou pour obtenir de meilleures conditions de séjour en hôpital, tandis que dans les petits centres de santé, l'absence de prix fixes et officiels laisse libre cours à tous les excès. Les cliniques privées ne sont pas en reste dans ces pratiques. L'article est volontiers accusateur, indiquant que les patients interrogés ayant eu à subir ces pratiques ne sont pas nécessairement très riches.
Avant d'être élu, Yorgos Papandréou avait bien dit qu'il y avait de l'argent en Grèce, ce qui a pu être analysé par: il faut simplement le chercher là où il se cache. À travers ces actions médiatisées, il semble montrer qu'il s'en tient encore à cette idée.