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Fraude fiscale… avec la bénédiction des moines

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Lorelei

Presse à la grecque

Au risque de blesser les fidèles de l’Eglise grecque orthodoxe, ou des admirateurs de ses moines retirés sur le mont Athos, je me vois dans l’obligation de leur consacrer un billet peu amène, mais dicté par l’énorme dimension qu’a prise récemment une affaire de transactions immobilières douteuses dont l’épicentre se trouve sur les pentes abruptes de la péninsule sacrée.

Prenons le problème dans un ordre chronologique, pour comprendre comment les monastères se retrouvent aujourd’hui au centre de cet incroyable scandale fiscal et financier. “Des dizaines de taxes instituées depuis 1945 et jusqu’à aujourd’hui sont imposées sur les biens immobiliers et les transactions opérées par les simples mortels.

cathédrale athènes Mais l’Eglise et les monastères en ont toujours été exclus”, explique un article paru dans Kathimerini le 21 septembre. En fait, continue l’auteur de cet article édifiant, “l’Eglise tient à jour deux livres de comptes et elle paie des impôts sur 10% de leurs biens, tandis que 90% de leurs revenus, qualifiés de ‘dons’, apparaissent dans le second livre de comptes”, celui qu’on ne montre pas. On lit encore qu’ “aucun organisme d’Etat compétent n’a jamais vérifié la véracité des éléments fournis par l’Eglise”. En fait, il semble que tous les gouvernements aient plus ou moins favorisé l’énorme exonération d’impôts dont bénéficient l’Eglise et les religieux. Il semble que le premier gouvernement Karamanlis (début des années 2000) ait particulièrement protégé l’Eglise, une sorte d’arrangement avec feu l’archiépiscope Christodoulos (voir Ta Nea), sans que ses aînés socialistes et le gouvernement Simitis ne soient mis hors de cause. Cela en dit long sur les rapports entre l’Eglise et l’Etat…

Ces exonérations généreuses ne seraient d’aucun profit si les possessions de l’Eglise n’étaient aussi étendues. Selon le journal Ta Nea, on estime à 12 millions d’euros les revenus qu’elle met dans son ‘tronc’ chaque année, en particulier grâce à la location de certains bâtiments dont elle est propriétaire. Un exemple à Athènes, où le ministère de l’Education a siégé jusque 2006 rue Mitropoleos dans un bâtiment loué à 791.592 euros par an.

D’où vient alors cette étonnante richesse immobilière? En fait, d’une longue tradition dont il est difficile de démêler le vrai du faux. Des documents d’époque byzantine puis ottomane sont avancés par les religieux comme titres de propriété. Sauf qu’une partie de ces documents, d’après ce que nous apprend le To Vima du 22 septembre, serait en réalité des faux. Dans certains cas, l’Eglise s’appuie sur des jugements rendus pendant la période trouble de la dictature militaire des années 60. Et même quand l’ authenticité des titres est avérée, leur imprécision quant aux limites des propriétés les rendent impropres à rendre un jugement sûr dans les conflits qui éclatent parfois entre les collectivités territoriales et l’Eglise. En effet, celle-ci est souvent conduite à revendiquer des terrains utilisés pourtant comme terres agricoles, zones industrielles, ou encore logements et même terrains de jeux pour enfants. Ainsi à Ormylia, en Chalcidique (non loin du Mont Athos), où un monastère revendique la propriété d’un terrain en bord de mer occupé par un centre de loisirs pour enfants et adolescents handicapés. La mairie est actuellement en procédure judiciaire contre le monastère pour récupérer ce lot.

C’est bien ce que craignent les religieux. Afin d’éviter les contrôles fiscaux, beaucoup de leurs propriétés ne sont pas déclarées. Or, un article daté du 3 septembre (Eleftheros Typos) dévoile le dilemme dans lequel les religieux sont placés: déclarer les biens et s’acquitter de la taxe foncière, ou ne rien déclarer mais risquer de perdre le titre de ces propriétés – et partant, les revenus qu’elles rapportent.

En quelques mots, évoquons l’affaire par où le scandale est arrivé. Depuis cette année, il avait été décidé que toutes les propriétés seraient taxées, celles de l’Eglise comprises. La taxe s’élève à 0,1% de la valeur du bien mais les habitants du Mont Athos en refusent le principe (à lire dans Ta Nea). Parallèlement, il a été établi (voir Ethnos) qu’une grande étendue de terrain appartenant à l’Etat sur les bords du lac Vistonida aurait été vendue à un prix dérisoire au monastère chypriote de Vatopédie, lequel voulait le revendre en effectuant au passage un bénéfice de 47 millions d’euros. L’higoumène Ephrem, à la tête du monastère en question, semble avoir en tête des projets de développement économique “à faire pâlir les meilleurs économistes”, reconnaît un journaliste d’Aggelioforos] dans l’édition du 14 septembre: construction d’un palais des congrès, diverses structures d’accueil dont un institut d’études théologiques, et même une maquette du Mont Athos ouverte au public…

Tous les journaux insistent sur la colère qui commence à animer l’opinion publique à l’endroit des religieux et de leurs combines fiscales qui, même dans un pays où la religion prend une place prépondérante, ne sont pas du meilleur effet en cette période de crise économique et d’augmentation générale des impôts.

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