François Hollande : chichement vôtre
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C’est important d’avoir du cran. Encore faut-il pouvoir passer de la parole aux actes. La semaine dernière, pendant sa conférence de presse, François Hollande a empiété sur le programme libéral de la droite, en proposant des mesures en faveur des entreprises, mais surtout afin de réduire l’argumentaire de l’opposition à un seul mot : « Chiche ».
Il a fallu attendre 2 ans pour voir François Hollande prendre des risques. Pourtant dès son entrée à l’Élysée, le nouveau président français – réputé pour sa prudence – demandait d’emblée à ses conseillers : « comment je sors sans que l’on me voie ? ». Vous connaissez la suite : c’est sur un scooter aussi charismatique que lui que le chef de l’État rendait visite à Julie Gayet, cette actrice française dont il s’est entiché.
L’acte de bravoure s’arrête là. Hollande s’est fait pincer par un paparazzi mandaté par Closer et d’aucuns pensent que ses frasques font plus appel à la bêtise qu’au courage. Non, sa véritable fermeté était contenue dans la tant attendue conférence de presse de la semaine dernière où, évitant d’un revers de langue les allusions à sa vie privée, le Président de la République a annoncé des mesures en faveur des entreprises. En bref : une diminution des taxes et notamment la fin des cotisations familiales. Comprendre : un virage libéral extrêmement surprenant de la part d’un homme de gauche qui a martelé qu’il était (toujours) un « social démocrate ».
L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy et député des français à l'étranger, Frédéric Lefèbvre, dit « Chiche » à François Hollande.
Pour le coup, Hollande a coupé la chique à l’opposition, étonnée de voir son rival jouer dans son camp et qui au lieu de pérorer sur le contenu de cette conférence présidentielle a réduit son argumentaire à un seul mot : « Chiche ! ». À tel point que tous les dirigeants de l’UMP ont repris l’expression et que Le Monde se fend d’un article pour expliquer qu’elle fait référence à « une exclamation de défi lancé ou accepté ». Synonyme ? « T’es pas cap ! » que l’on utilise beaucoup à la récré.
Les Anglais, qui ont montré tout au long de la semaine qu’ils adoraient savoir ce passe sous la ceinture du French president, diraient clairement « Mr Hollande, do you have the balls to do this? ». À la limite, ils rendraient au défi son caractère sportif en utilisant le slogan latin des fans de Tottenham « audere est facere » (« Oser, c’est faire »). Mais c’est bien connu, l’amour comme la politique est une affaire de tripes. Aussi, l’opposition britannique demanderait plutôt : « do you have the guts to do this? » (« avoir les tripes »). En Pologne aussi, on a tendance à montrer ce qu’on a dans le ventre. « Mieć jaja coś zrobić » c’est aussi « avoir les tripes pour… ». En Espagne devant un challenge, on apostrophe et l’expression tient en trois mots : « ¡ A que no ! ». Il n’y a finalement qu’en Italie où le mot « chiche » est quasiment intraduisible. La jurisprudence Berlusconi a sûrement montré que ça ne servait à rien de défier un Italien. Par contre, il y a un proverbe pour dire ô combien la distance est parfois longue entre les paroles et les actes : « tra il dire il fare c'è di mezzo il mare » (« Entre dire et faire, il y a la mer »). Soit un chemin difficile à emprunter, même avec le plus beau des scooters.