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FORUM «TRADUIRE L’EUROPE»: LA TRADUCTION SOUS LA LOUPE (chap.1)

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Gaia Proiti

Bruxelles

La Direction générale de la traduction de la Commission européenne (DGT) a lancé le 18 et le 19 septembre à Bruxelles le Forum «Traduire l’Europe». Cet événement a permis de rassembler divers acteurs du milieu de la traduction. Bon nombre de sujets ont été passés en revue: cet article vous invite à faire le tour des questions qui animèrent ce jour là les différentes tables de discussions. 

Multilinguisme, qualité des traductions automatiques, droit d’auteur et manque de compétence des jeunes diplômés aux prises avec leurs premières expériences de travail… tels sont les sujets qui, entre autres, ont été discutés lors du Forum «Traduire l’Europe – Relier les acteurs de la traduction» qui a eu lieu à Bruxelles au centre A. Borschette, connecté en vidéoconférence avec l’unité de la DGT du Luxembourg. Cafébabel Bruxelles a assisté à cet événement et s’est plongé dans le monde charmant de la traduction, un métier apparemment peu créatif qui n’est pas souvent valorisé et dûment reconnu

AU COMMENCEMENT ÉTAIT LA TOUR DE BABEL MAIS DEPUIS…

Au commencement était la Tour de Babel. Puis certains articles des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de la Charte des droits fondamentaux des citoyens européens sont venus assurer la promotion de la diversité linguistique en Europe. Enfin, arrivent la célèbre Déclaration de Barcelone et le principe de la Langue maternelle+2 à travers lequel on encourage la formation d’une Europe plurilinguistique. Aujourd’hui, l’UE reconnaît 24 langues officielles, ainsi que d’autres langues régionales et minoritaires parlées en Europe et s'efforce, grâce à de nombreux programmes culturels, de protéger cette diversité linguistique en promouvant l'apprentissage des langues. Les citoyens européens ont tous le droit de s'adresser aux institutions et de recevoir une réponse dans leur propre langue, les documents législatifs sont publiés dans chacune des langues officielles et les élus du Parlement européen ont également le droit de prendre la parole dans n'importe quelle langue officielle. Dans un tel contexte, l’UE semble être un paradis des langues, l’incarnation de l’idéal babélien. Toutefois, comme le font remarquer certains intervenants aux débats du Forum, l'anglais est systématiquement privilégié aux autres idiomes, et sa prédominance est évidente: en 2013, sur un total de 2.024.481 pages traduites au sein des institutions européennes, 249.282 étaient écrites en anglais: plus de 77% de textes originaux ont été rédigés directement dans la langue de Shakespeare, 7 % dans celle de Molière, 2 % dans celle de Goethe et le 14 % restant dans les autres langues officielles. 

Au vu de ces données, la provocation lancée par C.Leclercq ne semble point dénuée de fondement, lorsqu’il affirme ironiquement que les institutions européennes ressemblent à une «île multilingue dans un océan anglophone». Le fondateur d’Euractiv propose, en effet, de défendre le multilinguisme avec l’aide d’outils technologiques et à travers la création et la diffusion de davantage de médias multilingues, facilitant ainsi la communication aussi bien entre les institutions et les citoyens européens qu’entre les citoyens eux-mêmes. Les articles numériques d’Euractiv ou bien d’EMM sont des exemples concrets de réseaux de médias en ligne, régulièrement mis à jour, qui publient des articles sur l’actualité européenne dans diverses langues, en donnant ainsi plus de visibilité à certaines informations. Il est dès lors trop tôt pour soupçonner le multilinguisme de s’être résigné face à l’anglais: il semble plutôt qu’il soit toujours en train de fourbir ses armes, sans lever encore le drapeau blanc. 

LA QUESTION OUVERTE DES DROITS DE PROPRIÉTÉ

Après avoir écouté le chœur de la multitude d’opinions, on entre dans le dédale d’une autre question qui reste encore ouverte: le lien entre droit d’auteur et traduction. Selon la Convention de Berne, l’auteur d’une œuvre protégée dispose du droit exclusif de la traduire et il peut même interdire aux tiers de la traduire sans autorisation préalable. Toutefois, cela limite l’usage de certains documents à des fins de traduction ainsi que leur inclusion dans des bases de données de traduction. 

Certains intervenants au débat, comme J-C Troussel du cabinet international d’avocats Bird&Bird qui travaille depuis des années dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle, affirment que cette problématique peut être résolue par la «mise en place d’accords contractuels, puisqu’on ne doit pas oublier que si le marché de la traduction est global, les lois sur le copyright ne le sont pas». En matière de droits de propriété intellectuelle, D. Rummel souligne que «la question centrale ne concerne pas la typologie du texte légal à traduire ni sa qualité, mais l’originalité de la traduction». 

Les questions qui se posent alors sont les suivantes: étant donné que l’originalité d’un document est la condition fondamentale pour obtenir le droit d’auteur, la traduction de ce document peut-elle elle-même répondre au critère d’originalité et être protégée, à son tour, par le droit d’auteur ? Et que dire du travail des interprètes? Leur service peut-il être soumis au copyright?  Les points d’interrogation se multiplient lors du déjeuner de réseautage autour des tables occupées par les traducteurs juridiques. Certains d’entre eux conviennent avec J-C Troussel que «la structure de la base de données peut être également protégée par le copyright», toutefois pour une traduction juridique «exacte et approfondie il faut être très compétent en droit car les outils d’aide à la traduction ne sont pas capables de reconnaître les nuances du langage juridique».

D’autres parlent de la directive 2010 selon laquelle des «pièces essentielles de l'affaire doivent être traduites»: mais qui est chargé de l'appréciation de l'importance des pièces? L'enquêteur, le juge d'instruction, l'avocat ou le prévenu? La plupart de ces juristes-linguistes pensent qu’un autre point mériterait d'être soulevé: l’inégalité des tarifs des traducteurs juridiques en fonction des États membres de l'UE. Comme on nous l’explique, «entre l'indemnisation du temps de déplacement, les tarifs plus ou moins chers pour la traduction et l'interprétation, la différence de prix pour les missions en semaine ou pendant le week-end, les traducteurs juridiques des différents États membres ne sont pas sur un pied d'égalité malgré le rôle équivalent au sein de la justice».

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