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Forum Réfugiés et la présidence française

Published on

Lyon

Par "Lutin Jovial" et Abdelwahid Djaballah

« Offrir l’accès au séjour, à un hébergement et à un accompagnement aux réfugiés pendant l’examen de leur demande, mettre en place un programme ambitieux de réinstallation, promouvoir le droit des réfugiés dans ses négociations avec les pays tiers… ces propositions font partie des 25 recommandations de Forum Réfugiés à la présidence française de

l’Union Européenne qui débutera le 1er juillet 2008 pour un mandat de six mois.

L'asile et, par extension, l'immigration, font partie intégrante des priorités de l'Etat français, qui souhaite contrôler ses flux migratoires et ceux de l'Union Européenne. Pour ce faire, le président Nicolas Sarkozy a chargé l'un de ses fidèles, Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration et de l’identité nationale, de trouver des solutions en vue d'une politique commune d'immigration. Celui même qui a fixé en France des quotas d'expulsion des sans-papiers. Celui, aussi, qui a ordonné aux collectivités et à des organisations locales, telles que les maisons familiales, les mairies, les organismes de santé ou l'Agence nationale de l'emploi (ANPE) de dresser des listings de personnes susceptibles d'être sans papiers ou d'en abriter. Celui, enfin, qui prônait la délation auprès du peuple français.

En avril dernier, Brice Hortefeux effectuait un tour des capitales européennes pour promouvoir son pacte de l'immigration. Les priorités : renforcer les moyens aux frontières, organiser une immigration légale et définir une politique commune du droit d'asile. Bien accueilli par la plupart des pays européens, dont l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne qui, avec la France, concentrent 80% des flux migratoires, le pacte sera discuté par le Conseil des ministres de l'UE dès le 1er juillet.

L’harmonisation des politiques d’immigration et de droit d’asile au sein de l’UE fut pour la première fois évoquée lors du sommet européen de Tampere (octobre 1999). Le programme de La Haye (pour la période 2004-2009) était censé réparer les insuffisances de Tampere. Pourtant, la situation des demandeurs d’asile dans l’Union Européenne s’est dégradée au cours des dernières années. Pour Forum Réfugiés et le Conseil Européen des Réfugiés et Exilés (ECRE), les accords de Dublin II (février 2003) ont échoué dans leur tentative de conciliation des règles de droit d’asile au sein de l’Union Européenne.

Les accords Dublin II, qui visaient à garantir au demandeur d’asile l’examen de sa demande par un seul Etat membre, ne garantissent pas l’équité dans le traitement des demandes d’asile en Europe. Les chances d’obtenir le droit d’asile varient fortement selon le pays dans lequel un réfugié fait sa demande. En 2007, 30% des demandeurs d’asile en France ont obtenu le statut de réfugié, soit 8 075 personnes. C’est le taux le plus élevé de l’UE. La Grèce, en revanche, n’a accordé le statut de réfugié qu’à 146 personnes ; soit 2% des demandeurs d’asile dan ce pays.

Des disparités existent également en matière de condition d’accueil, d’accès aux soins et de prise en charge des personnes vulnérables. C’est l’objet de la quatrième recommandation de Forum Réfugiés : « tous les demandeurs d’asile doivent avoir accès à des conditions d’accueil dignes. L’accès aux soins doit être garanti à tous. Les Etats membres doivent fournir des efforts importants pour la prise en charge des personnes vulnérables. »

L’enjeu réside également dans la nature du statut que le réfugié peut espérer obtenir. Le statut le plus protecteur (au titre de la Convetion de Genève de 1951) est de plus en plus délaissé par les pays européens. En février dernier, Franco Frattini (commissaire européen à la justice et la sécurité intérieure) proposait de renforcer la surveillance des frontières européennes et d’instaurer un système commun de contrôle des entrées et des sorties dans l’espace Schengen. Le risque d’une telle politique est d’aboutir à une situation où les réfugiés sont bloqués dans des camps, sans possibilité de s’intégrer dans un pays d’accueil, ni de retourner dans leur pays d’origine.

Forum Réfugiés préconise de ne pas se focaliser uniquement sur la gestion des flux migratoires mais de se lancer dans des opérations de réinstallation des réfugiés en allant les chercher avant qu’ils n’arrivent pas leurs propres moyens. En effet, les persécutions dont font l’objet les réfugiés dans leurs pays d’origine les forcent à rechercher l’asile (guerre, famine, etc.). La guerre en Irak aurait entraîné à elle seule 4 millions de déplacés. Par conséquent, le nombre de réfugiés fluctue selon les besoins de l’UE. C’est pourquoi Forum Réfugiés incite la France à « encourager l’UE à mettre en place un programme ambitieux de réinstallation » (proposition 17) ; l’idée étant de favoriser l’intégration des réfugiés dans le pays d’accueil (propositions 18 à 21).

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, c’est autour de valeurs de protection et de solidarité que c’est bâtie l’Union Européenne. De nos jours, l’envolée du prix matières premières, en partie due à la hausse du baril de pétrole, génèrent de fortes tensions et notamment l’accentuation de la famine en Afrique. La situation géopolitique au Moyen-Orient ne laisse pas présager d’une amélioration proche. L’Europe peut-elle refuser l’assistance à des personnes en danger de mort et n’envisager une politique commune d’asile qu’au travers de mesures de répression ? En enterrant peu à peu la Convention de Genève, ne se détourne-t-elle pas de ses fondements, de ses convictions et du droit international ? Avec la Carte Bleue, l’équivalent de la Green Card aux Etats-Unis, le durcissement de la politique d’immigration, la droitisation de l’Europe et l’accentuation des clivages entre Nord et Sud, l’idée d’une Union Européenne sociale, solidaire et ouverte à tous risque de rester au point mort.

Lisez aussi l'interview d'Olivier Brachet, directeur de Forum Réfugiés