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Fortune : aux enfants de la chance

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BrunchCultureGarage à beats

Pas sûr que 2013 soit la meilleure année pour assumer un nom pareil. Pourtant dans les bacs comme sur scène, le groupe français compte bien faire disjoncter les idées reçues et prouver avec leur deuxième album intitulé Blackboard qu’un tableau noir sert avant tout à réécrire une carrière. Rencontre avec Lionel Pierres, chanteur-chanceux.

Si­lence au Si­len­cio. Tirés par un cadre doré, les ri­deaux rouges du bar pa­ri­sien mi figue mi clan­des­tin s’ouvre sur For­tune qui com­mence son set sur une boucle au syn­thé. Le chan­teur s’avance, s’ap­prête à em­bras­ser le micro mais fi­na­le­ment non. Il somme le groupe de tout ar­rê­ter alors que le ri­deau reste ou­vert sur un léger ma­laise et que quelques proches nour­rissent le qua­tor de fra­giles en­cou­ra­ge­ments. « Pff, c’était à cause d’un truc à la con, confie Lio­nel Pierres – le mal­heu­reux front­man - une se­maine plus tard de­vant son thé à la menthe. On n’avait pas vu qu’il y avait eu une panne d’élec­tri­cité dans tout le Si­len­cio juste après la ba­lance. Et une MPC a lâché. » Rien de grave, le concert a re­pris comme si de rien n’était mais, en touillant, Lio­nel tient quand même à ajou­ter qu’ils ont « un peu col­lec­tionné les plan­tages tech­niques sur les trois der­nières dates ». 

La chance sou­rit aux au­da­cieux

C’est con, sur­tout quand on s’ap­pelle For­tune. Ce « mot fran­çais et an­glais qui si­gni­fie à la fois la chance et la ri­chesse », selon le dos­sier de presse. Cela dit, le chan­teur mal rasé semble faire peu de cas de son in­for­tune sur scène. En 2013, For­tune est un pro­jet qui se dé­fend avant tout dans les bacs. Le groupe qui n’a an­noncé qu’une date à Paris pré­vue pour jan­vier 2014, a sorti son deuxième album in­ti­tulé Black­board le 4 no­vembre der­nier et ré­pète en­core à quel point l’ex­pé­rience du stu­dio a été sa­lu­taire, trois ans après leur pre­mier disque. « On vou­lait faire un truc plus joué, dé­taille Lio­nel. Il y a des choses qu’on n’au­rait pas été ca­pables de faire sur le pre­mier. Des choses qu’on n’au­rait pas osées faire. » Nor­mal pour le coup que notre homme hausse un sour­cil quand on lui sort que cet album est peut-être celui de la conti­nuité. « Je ne le vois pas comme ça, il y a plein de mor­ceaux qui n’au­raient ja­mais pu se trou­ver sur le pre­mier. »

Pour­tant, For­tune a conti­nué à s’en­tou­rer des mêmes per­sonnes qu’au­tour de Sta­ring At The Ice Melt (sorti en 2010, ndlr). En­re­gis­tré à Rome, Black­board a été pro­duit par Pier­rick Devin et mixé par Sté­phane « Alf » Briat. Des proches donc, qu’est venue re­joindre Eva Tau­lois la « bonne co­pine » et ar­tiste bre­tonne qui signe la po­chette « ta­bleau noir » de l’al­bum. « On a voulu bos­ser avec notre plus proche en­tou­rage sur ce disque. C’est pour ça qu’il sonne plus in­ti­miste que le pre­mier », ex­plique Lio­nel. Dif­fi­cile de le pres­sen­tir comme ça, à l’oreille, mais une chose est claire : dans le fond comme dans la forme, For­tune est plus trans­pa­rent. Quand les mor­ceaux sont écrits comme des confes­sions et in­carnent des sen­ti­ments plus per­son­nels  - « la nos­tal­gie, le voyage, le fait d’avoir fran­chi un cap » - l’en­ve­loppe est pen­sée comme une ex­po­si­tion au grand jour, his­toire de ne plus être in­com­pris. « Au début, la presse pen­sait qu’on était un duo elec­tro, un peu comme The Shoes. C’est pour ça qu’on a voulu mettre nos gueules en avant sur la po­chette, pour dire qu’on était un vrai groupe. »

For­tune - «Black­board

Des Kiss Cool, un moon­walk et Ma­thieu Amal­ric

Quelque part, ce n’était pas for­cé­ment évident. Au dé­part, For­tune est le pro­jet solo de Lio­nel qui vient d’aban­don­ner son groupe d’Abs­tract hip-hop avec le­quel il a sorti 4 disques. « L’en­vie de chan­ter, l’en­vie d’as­su­mer les in­fluences du passé », dit-il quand il faut ex­pli­quer le vi­rage à né­go­cier entre le monde du hip-hop noisy et celui de la pop. Ce passé, c’est Mi­chael Jack­son – « j’ai passé une bonne par­tie de ma jeu­nesse à soi­gner mon moon­walk » - Sonic Youth et « Smells Like Teen Spi­rit » de Nir­vana –« à ce jour, je ne com­prends tou­jours pas com­ment un riff m’a filé un claque pa­reille ». Bref, pour se rap­pro­cher des idoles, Lio­nel com­mence par com­po­ser « des trucs dance », seul, à Mor­laix (en Bre­tagne, ndlr) et finit par em­bar­quer deux potes, Pierre (cla­vier) et Hervé (bat­te­rie) dans le pro­jet. Très vite, en 2007 le groupe - qui choi­sit « For­tune » à cause du ma­ga­zine posé sur une table basse - sort un maxi et ren­contre son pu­blic. Pas la presse. « Le re­tour cri­tique était bon mais on s’est vite rendu compte qu’on nous com­pa­rait à des trucs qu’on n’ai­mait pas trop genre Joy Di­vi­sion. On s’est dit si on res­semble à ça, c’est la merde », com­mente l’ar­tiste. Les mecs s’in­ter­rogent, re­partent bos­ser à l’ombre et co­gitent. Trois ans. « Tant et si bien que je suis tombé sur des blogs où les types écri­vaient que For­tune, c’était fini », af­firme-t-il. Avant d’ex­pli­quer : « on vou­lait sor­tir l’al­bum en 2009 mais ni­veau image on ne se sen­tait pas prêts. Puis bon, on n’était pas très bon en live non plus. »

C’est pour­tant à la suite d’un concert au Nou­veau Ca­sino que le groupe ob­tient un fan aussi cé­lèbre qu’in­at­tendu : Ma­thieu Amal­ric. « Il nous a filmé avec son por­table je crois. On s’est ren­con­tré après le concert, il était super en­thou­siaste. » Au mo­ment de clip­per leur mor­ceau « Under The Sun », Lio­nel tente le coup et ap­pelle le co­mé­dien pour qu'il réa­lise la vidéo. « Il était super ho­noré ! Et voilà qu’on se re­trouve quelque temps après sur le tour­nage avec lui. Bon après, il est un peu fou­fou comme gar­çon, il a fallu le dri­ver. La veille au soir, on ne sa­vait même pas si on al­lait être dans le clip », ra­conte Lio­nel. Une jolie pe­tite his­toire qui tien­dra pour mo­rale le fait que c’est par la scène que For­tune a eu du bol. C’est bien connu, la chance sou­rit au mo­ment où l’on s’y at­tend le moins. Pour le reste, Lio­nel ne sou­haite qu’une chose : « res­ter dans le temps avec ce qu’on ap­pelle l’ef­fet kiss cool ». Cette fois, es­pé­rons que per­sonne ne fasse péter le dis­jonc­teur.

For­tune - «Under the Sun

À écou­ter : For­tune - Black­board (Disque Pri­meur/2013)

For­tune jouera en concert le 22 jan­vier 2014, à Paris, à La Ma­ro­qui­ne­rie. Plus d'in­fos sur la tour­née ici.

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.