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Flotille de la liberté : deux journalistes, l'une turque, l'autre israélienne, débattent

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Deux journalistes. Taly Gerber est israélienne, Zeynep Tanitkan est turque. Au MICS, le Media in Conflicts Seminar, elles ont débattu sur l'attaque israélienne de la flottille humanitaire à destination de la bande de Gaza. Cafebabel.com était là pour vous faire découvrir leurs positions respectives sur la flottille de la liberté.

Deux points de vue, une flottille

Taly Gerber (Israël) : Une provocation et non une véritable opération destinée à apporter de l’aide humanitaire à Gaza, dont le but est de soutenir le Hamas. Preuve en est, la déclaration de la flotte du bateau irlandais « Rachel Cornie », selon laquelle le seul moyen de mettre fin aux tentatives de traverser la bande de Gaza serait un vide de couverture médiatique.

Zeynep Tanitkan (Turquie) : Une flottille composée de bateaux turcs, irlandais, anglais et grecs avec à leur bord 600 activistes de nationalités et d’âges variés. Des bateaux transportant non pas des armes ou un chargement dangereux, mais de l’aide humanitaire, c’est un fait avéré. De même qu’il est avéré qu’il y avait 40 activistes de la Foundation for Human Rights and Freedoms and Humanitarian Relief (IHH) à bord du Blue Marmara. Propagande ou pure action humanitaire, nul ne le sait. L’opinion unamime cependant est que l’action israélienne était illégitime.

Après le lancé d'une roquette par le Hamas

Pacifistes ou non?

Taly Gerber : Sur 6 embarcations, seul le Blue Marmara a subi des affrontements. Très clairement, les personnes dont l’action agressive avait pour but de salir la réputation israélienne ne peuvent pas être considérées comme des pacifistes. L’armée avait le droit de se défendre et d’inspecter le chargement, un droit admis dans les Principes du Traité de Helsinki qui réglementent la neutralité maritime.

Zeynep Tanitkan : Mais pas le droit de tuer des civils. Le problème réside dans l’usage disproportionné de la force de la part des soldats israéliens. Les civils pourraient avoir agit violemment pour se défendre des soldats, comme ils pourraient avoir provoqué l’affrontement. Je n’étais pas à bord, je ne peux pas dire lequel des deux scénarios est la vérité. En revanche, plutôt que d’utiliser la violence, n’aurait-il pas été suffisant de les faire accoster avant de les contrôler?

Taly Gerber : Il n’y avait pas d’autre moyen d’arrêter l’avancée des bateaux, à cause de leur taille. Seuls quinze soldats sont montés à bord d’un bateau abritant 600 personnes, les renforts ne sont intervenus qu’après avoir constaté la violence de l’attaque. Les soldats portaient des pistolets personnels car cela est obligatoire pour l’unité dont ils font partie, mais il n’était pour sûr pas prévu qu’ils l’utilisent. Il s’agissait d’un bataillon spécial ayant une préparation spécifique pour les opérations en mer, non pas pour les cas de révolte massive de civils. Ils ont été pris par surprise et, en conséquence, ils n’avaient d’autre solution que de se défendre.

Qui est le pire ennemi d’Israël, aujourd’hui ?

Il n'a pas hésité à soutenir l'action de l'armée israélienneZeynep Tanitkan : Précisément le gouvernement israélien actuel, si l’on en croit cette affaire. La Turquie a toujours été un pays ami fiable pour Israël. Les gouvernements passent, les gens restent. Comment une alliance de soixante ans peut-elle finir ainsi ?

Taly Gerber : Israël a toujours été prête à aider la Turquie, comme à l’occasion du séisme de 1999. Nous voulons croire que la Turquie mettra fin au soutien apporté au Hamas avec le Blue Marmara. La Turquie est pour nous un ami crucial au Moyen Orient, qui peut être décisif dans la résolution du conflit. Depuis les temps de Atatürk jusqu’au gouvernement Erdoğan actuel, elle a prouvé qu’elle est une nation occidentale dotée de grandes valeurs. D’autant plus que la Turquie est une des destinations touristiques principales des Israéliens.

Zeynep Tanitkan : Je ne veux faire aucune propagande pour le gouvernement turc, mais si Israël accuse la Turquie de soutenir le Hamas, elle doit apporter des preuves. Aider Gaza et soutenir le Hamas sont deux choses différentes. Le Premier Ministre Erdoğan et son gouvernement sont au pouvoir depuis huit ans, aux cours desquels la Turquie a modifié pas à pas sa politique étrangère. Vu ce qui vient d’arriver, il semble aujourd’hui improbable que la population pousse Erdoğan à aider Israël et à promouvoir la paix.

Les réactions de la population

Un groupe de turcs proteste contre l'attaque israélienne contre la "flottille de la Liberté"

Zeynep Tanitkan : Juste après l’incident, les réactions de la population étaient assez fortes et frappantes. D’autre part, mettez-vous dans la peau d’un Turc ! J’insiste, l’attaque israélienne était illégale, ce qui ne justifie pas pour autant les slogans extrémistes. On a cherché à en faire une affaire religieuse, en faisant ressurgir les sentiments antisémites. Comme Erdoğan, Gül et Davutoglu ont mis en avant, dans tous leurs discours, le fait que le problème ne vient pas des Israéliens eux-mêmes mais de leur gouvernement et de sa politique agressive. Ainsi que l’a déclaré le Président de la République Gül, l’incident a laissé une cicatrice profonde dans les relations turco-israéliennes.

Taly Gerber : Il y a un sentiment général de frustration. Depuis le début, l’opinion publique et les médias pointent du doigt Israël sans évaluer toutes les facettes. Les arabes israéliens étaient très énervés au début mais, à mesure qu’ils découvraient les détails des événements, la colère s’est calmée. Nos troupes bénéficient, en tout état de cause, d’un fort soutient moral.

La réaction des médias

Le Premier ministre turc (AKP) a condamné "la politique agressive d'Israël"

Taly Gerber : Les médias essayent de donner tous les détails possibles sur les évènements. D’un côté, il y a les critiques internes, comme dans tout pays démocratique qui se respecte, de l’autre il y a un toujours un gros effort de communication pour faire connaître notre version des faits, en diffusant toujours plus d’informations.

Zeynep Tanitkan : Toutes les gros titres ont épinglé Israël pour l’illégitimité de l’action. Aucun ne s’est rangé du côté d’Israël, mais certains ont assuré que le gouvernement était coupable de n’avoir pas fourni au bateau une protection diplomatique adéquate, tandis que d’autres ont accusé la Fondation IHH d’être une cellule islamiste. Presque tous les journaux ont souligné l’importance de ne pas laisser les juifs turcs devenir des bouc émissaires en cas de réactions contre Israël. À l’heure actuelle, l’attention se porte surtout sur les relations entre le Hamas et l’IHH, sur la politique du gouvernement et sur les futures relations internationales. Les images de manifestants en burqa scandant des slogans de guerre sont fortement critiquées.

Le débat est donc ouvert, mais le ton de nos deux interlocutrices laisse espérer une possible réconciliation. Toutes deux assurent qu’il “n’y a pas besoin d’amener les deux États à la limite de la guerre.

Photo: Ciaron/flickr - chrisjohnbeckett/flickr; Amir Farshad Ebrahimi/flickr; Petteri Sulonen/flickr; World Economic Forum/flickr; United Nations/flickr.

Translated from Israele e Turchia, due versioni contrapposte: giornaliste a confronto