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Fils d’immigrés : Européens comme les autres ?

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Jane Mery

Société

Etre né dans un pays d’Europe n'est pas toujours suffisant pour faire partie intégrante de l’eurogénération. Car les problèmes d'intégration s'en mêlent. Rencontre avec Mahdi et Ali.

Discriminations à l’emploi, exclusion géographique dans des quartiers éloignés du centre-ville… Pour les jeunes Européens de « seconde génération », souvent confrontés aux problèmes d’intégration à travers le Vieux Continent, l’Europe peut-elle être à portée de mains ?

« Pour les Français de souche, c’est facile de partir avec Erasmus »

Mahdi a 20 ans. Marocain par son père et Algérien par sa mère, il est né en France, a grandi en France et en Allemagne, dans un lycée français. Il poursuit aujourd’hui ses études à l’Institut de Sciences politiques de Paris. Pour lui, c’est clair, il faut pouvoir être vraiment reconnu en tant que Français avant d’envisager l’identité européenne : « Pour les Français de souche, c’est facile de partir avec Erasmus. Ils se sentent bien dans leurs baskets et sont prêts à faire des rencontres et avoir une identité européenne, explique-t-il. Mais tout une partie de la population est exclue de cette eurogénération, justement. Pour se sentir européen, il faut d’abord pouvoir se sentir français ! Et si on rappelle sans cesse à un jeune ses origines maghrébines, comment peut-il se sentir Français ? »

Elles ont déjà trois ans : les images des banlieues françaises ont fait le tour du monde, à l’automne 2005. A l’époque, les jeunes des cités défavorisées explosent de colère, affrontent la police, incendient des voitures : « La presse internationale a montré du doigt l'échec du modèle d'intégration à la française et s'est inquiétée de possibles répercussions hors des frontières de l'Hexagone », récapitule à ce propos l’hebdomadaire Courrier International, citant des chroniqueurs européens. Des journalistes et des commentateurs qui ont souvent le même constat au bout de la plume : « La devise ‘Liberté, égalité, fraternité’ masque (…) la réalité de la vie des Français de couleur : répression, discrimination, ségrégation. Nous sommes tous concernés », écrit notamment Trevor Phillips, président de la Commission britannique pour l’égalité raciale, dans les pages de The Observer.

« C’est écrit sur ma carte d’identité. Mais je ne suis Allemand pour personne. »

Car résoudre les problèmes d’intégration est l’affaire de l’Europe. Toutes les sociétés, mosaïques culturelles du Vieux continent sont confrontées aux discriminations et à la violence. Ali a grandi dans la région de la Ruhr, un agglomérat de villes industrielles, du Nord-Ouest de l’Allemagne. Il a 29 ans et partage avec sa femme autrichienne, des origines turques, kurdes et alévi. Il a sûrement suivi à la télévision, comme tout le monde début 2006, les événements au collège professionnel Rütli à Berlin. Les profs sonnaient alors l’alarme face à un trop-plein de violence, dans une école où plus de 80 % des élèves sont d’origine étrangère. L’établissement est devenu le symbole de l’échec de la mixité sociale et de l’intégration des jeunes issus de l’immigration.

Pour Ali, seule la tolérance pourra résoudre ces problèmes : « Le racisme existe bien-sûr, mais moi je crois au multiculturalisme. Les gens devraient voir les opportunités qu’offre la diversité culturelle. La tolérance est la clé de tout. » A ses yeux, l’Europe rassemble, sous une seule et même identité, la diversité de ses origines : « Mes parents ont immigré en Allemagne dans les années 1960. Ma mère a appris l’allemand ici. Je pense que je suis quelqu’un de cosmopolite car j’ai grandi baigné dans de nombreuses cultures. Je suis d’abord un enfant de la Ruhr et ensuite, Européen. Mais si je ressens les choses comme cela, c’est qu’en Allemagne, je ne suis Allemand pour personne ! Même si c’est écrit sur ma carte d’identité. »

« Le couscous, un plat français pour les Estoniens ! »

Dans un dossier intitulé « La deuxième génération bouscule l’Europe », le journaliste Yann Mens du magazine Alternatives Internationales, interpelle les leaders du Vieux continent : « Devenu multiculturel, il doit inventer un nouveau contrat social. D’urgence ». Ecrites en mars 2006, ces quelques lignes restent largement d'actualité : « Il faudrait une prise de conscience de la population », enchaîne Mahdi. « La France doit accepter son multiculturalisme, poursuit-il. Les Estoniens, par exemple, comprendront ensuite que dans les cantines en France, le vendredi, c’est poisson et couscous. A leurs yeux, le couscous sera un plat français ! »

Une fois le multiculturalisme adopté, c’est l’identité européenne – eurogénérationnelle - qui pourra émerger naturellement, explique en substance Mahdi qui espère faire un stage en Allemagne l’année prochaine : « Quand un jeune Français ne verra pas dans le regard d’un autre qu’il est seulement Marocain, alors il arrêtera peut-être de dire ‘ L’Europe ? C’est autre part ’ ou ‘ C’est bien, qu’est-ce-que c’est ? ’ » C'est quoi l’Europe ? A cette question, Ali a une réponse à rallonge : « C’est la diversité des cultures, la liberté d’opinion, la possibilité de voyager, de s’éduquer, de critiquer aussi et de débattre de l’histoire et du passé… »

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