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« Faire une place » aux sans-abri de Rome avec l'association Sparwasser

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Clémence Berger

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À Rome, plusieurs milliers de personnes vivent au bord du seuil de pauvreté et risquent de perdre leur logement. C’est déjà le cas pour beaucoup d’entre elles. Le soutien des associations, des communautés et des volontaires est fondamental, malgré les difficultés liées aux restrictions et à la négligence des institutions. Certaines organisations ont su adapter leurs activités face à la crise sanitaire pour répondre aux besoins les plus urgents. C'est le cas de Sparwasser Roma.

Il y a juste un peu plus d’un an, au début de la pandémie, l'association Sparwasser de Rome a été contraint, comme tous les espaces ouverts au public, de fermer ses portes. Quelques jours avant la fermeture, l'organisation avait été victime d’un grave cambriolage. Pour réparer les dommages, les militants avaient organisé une soirée d’autofinancement à laquelle des dizaines de personnes avaient participé pour exprimer leur solidarité au projet.

Depuis sa création il y a 5 ans, Sparwasser a animé le quartier Pigneto situé dans le secteur Est de la capitale, à travers des initiatives culturelles, musicales, des présentations de livres, une école d’italien pour les migrants, un guichet pour l’emploi et d’autres activités solidaires.

Un an après, les nuits de Sparwasser ont complètement changé. Les espaces dédiés à la danse ont fait place aujourd'hui à un dortoir pour sept personnes sans domicile fixe. « Lorsque la pandémie a commencé, nous avons été forcés d’interrompre nos activités », explique Clara Mascia, membre du comité exécutif de Sparwasser. « Nous nous demandions comment être utiles et actifs dans le quartier. Nous avons donc lancé de nouveaux projets : porter les courses aux personnes âgées, aider les enfants à faire leurs devoirs à distance ou encore créer une plateforme de soutien psychologique », ajoute-t-elle.

Avec l’arrivée de l’hiver à Rome, comme dans de nombreuses autres villes, la prise en charge des personnes vivant dans la rue par les institutions s’est révélée insuffisante. Depuis le début de l’hiver, onze personnes sont mortes de froid dans la seule ville de Rome. « Quand nous avons décidé d’entreprendre ce projet, huit personnes étaient déjà mortes à Rome », poursuit Mascia. « Nos locaux étaient vides, inexploités, à quoi servait Sparwasser ? Il nous a semblé naturel d’accueillir ces personnes qui n'ont aucun endroit pour dormir. C’était le meilleur usage que nous pouvions faire de cet espace ».

La gentillesse engendre la gentillesse
La gentillesse engendre la gentillesse © Sparwasser

Le projet Qui c’è posto (Il y a de la place ici), qui a duré du 26 janvier au 31 mars 2021 est né de la collaboration avec Nonna Roma, une association de volontariat créée au sein de Sparwasser pour apporter des solutions à ceux qui vivent dans la pauvreté. « Tous les soirs à partir de 18h, les personnes arrivent, font un test de covid rapide et bénéficient d’un repas chaud préparé par les volontaires », explique Mascia. « Ils se lèvent tôt le matin, prennent un petit-déjeuner et emportent un panier-repas pour passer la journée dans la rue ».

La situation à Rome

Les données officielles les plus récentes remontent à 2014 et font état de 7 700 personnes sans-abri à Rome. Ce sont les chiffres publiés dans le rapport d’enquête sur les personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté, réalisé par l’Istat (Institut national de statistique italien) en collaboration avec le Ministère du Travail et des Politiques Sociales, la Fédération italienne des organismes pour les personnes sans-abri et Caritas Italie.

« Il est très difficile de savoir combien de personnes vivent dans la rue », souligne Elisa Manna, responsable du Centre d’études Caritas diocésaine de Rome. « Nous pouvons estimer une fourchette qui va de 8 000 à 16 000 personnes pour la ville de Rome, mais depuis le début de la pandémie, nous avons assisté à une augmentation remarquable, due à plusieurs facteurs, notamment en raison de la perte sèche de travail ».

D’après Manna, ces chiffres devraient augmenter de façon considérable dès que le blocage des expulsions et des licenciements sera levé. Une augmentation déjà visible de par les nombreuses demandes de nourriture parvenues à la Caritas pendant le confinement. « Nous avons vu beaucoup de jeunes familles, avec des enfants en bas âge qui ne nous avaient jamais contactés auparavant », précise Manna. « J’ai été touchée par l’histoire d’un couple : ils travaillaient tous les deux dans la restauration, ils ont perdu leur travail du jour au lendemain et ils ont dû faire appel à nous pour bénéficier d’un panier de courses ».

« Dans la ville de Rome, environ 200 000 personnes ont urgemment besoin d’un logement »

Fabio Gui, volontaire depuis les années 80 pour la Communauté de Sant’Egidio, un mouvement catholique qui s’occupe d’accueillir et d’aider les pauvres, souligne que les chiffres ne doivent pas prendre en compte uniquement les personnes qui vivent déjà dans la rue. « Dans la ville de Rome, environ 200 000 personnes ont urgemment besoin d’un logement, explique-t-il. Nous sommes en train de parler d’une ville dans la ville, et parmi ces gens nous ne savons pas combien risquent de se retrouver dans la rue. Ce sont des jeunes couples qui ont perdu leur emploi, des personnes âgées seules mais aussi des personnes qui ne peuvent plus payer leurs factures. Et parmi eux, il y a au moins 8 000 personnes qui vivent dans la rue de façon permanente ».

L’architecte Enrico Puccini, qui tient le blog Observatoire Logements Rome, s’occupe depuis des années d'apporter des données et des solutions afin d’analyser et d’expliquer les politiques du logement de la capitale. « À Rome, le problème du logement est considérable mais il nous manque une perspective d’ensemble et la volonté de résoudre le problème avec sérieux et de manière structurelle », déclare Puccini. « Nous devrions partir des chiffres : si les chiffres ne sont pas systématisés, étudiés et analysés, nous ne pouvons pas avoir une représentation fidèle de la situation de la ville, ajoute-t-il. Par exemple, nous ne construisons pas de nouveaux logements sociaux et ceux qui existent déjà ne sont plus adaptés à accueillir les personnes qui en ont besoin. Autrefois, les familles étaient nombreuses et les habitations de l’époque sont aujourd’hui trop grandes, parce que la composition de la famille a changé. Le ménage est désormais souvent composé d’une seule personne ».

L’une des choses les plus importantes pour ceux qui n’ont pas de logement, c’est d’avoir une adresse. Il s’agit d’un domicile fictif sur les documents, une rue qui n’existe pas mais qui constitue l’équivalent juridique d’une vraie adresse. « Avoir un domicile fictif, explique Gui, c’est accéder à un certain nombre de droits essentiels, comme le droit d’avoir un médecin traitant par exemple, ou le droit d’avoir une carte d’identité et la carte d’assurance maladie. Cela signifie le droit d’exister officiellement, la capacité à accéder à des droits ».

À Rome cette adresse est via Modesta Valenti, une rue qui n’existe pas mais qui raconte l’histoire d’une femme sans domicile, une histoire d’abandon et d’échec. Modesta Valenti vivait dans la rue et dormait devant la gare de Termini lorsque le 31 janvier 1983, après avoir fait un malaise, une ambulance a refusé de la secourir à cause de son manque d’hygiène. C’est ainsi qu’elle est décédée, toute seule au milieu d’une centaine de personnes. Dès lors, Modesta Valenti est devenue le symbole de ce qui ne pouvait plus être toléré : l’abandon des personnes vivant dans la rue.

L’hospitalité pendant la pandémie

En plus de la gestion quotidienne de l’accueil des personnes sans domicile fixe, il faut faire face chaque année à deux situations d'urgence, celle liée à la chaleur estivale et celle liée au froid hivernal.

Comme le fait remarquer Fabio Gui, à Rome une partie des personnes sans domicile fixe vit dans les quartiers du centre de la ville, près des gares pour s’y réfugier pendant la nuit, et à proximité des marchés, des restaurants et des cafés pour trouver à manger pendant la journée. Tous ces endroits ont été fermés pendant le confinement. « Ils ne pouvaient plus se laver dans les toilettes des cafés. C’était une Rome déserte tandis que ces personnes erraient à la recherche de nourriture, raconte-t-il. Notre communauté de Sant’Egidio a transformé la cantine en un lieu de distribution de nourriture et a organisé des dîners itinérants en livrant des repas aux personnes vivant dans toute la ville. Mais Rome n’était pas préparée à une telle situation ».

Chaleur humaine
Chaleur humaine © Sparwasser

Les centres d’hébergement de la Caritas ont dû réduire leur nombre de places pour maintenir les mesures de distanciation, comme l’explique Elisa Manna : « Il n’était pas possible de garder autant de personnes dans un même espace, nous avons tout fait pour trouver de la place à de nombreuses personnes dans des endroits équipés, notamment dans les paroisses, mais cela n’a pas été suffisant pour répondre aux besoins ».

Pas seulement des lits

Moins d’espace et plus de demandes, mais une grande réaction de la part de nouveaux volontaires, des citoyens qui se sont engagés pour apporter leur aide. L’expérience de Sparwasser a été significative. « Quand nous avons décidé de lancer le projet _Qui c’è posto, nous avons fait appel aux volontaires du quartier et leur soutien fut énorme. Une coopérative nous a donné des matelas et des couvertures, les volontaires ont préparé des repas, un médecin s’est proposé pour effectuer des tests covid, plusieurs commerçants du quartier ont offert des petits-déjeuners et la collecte de fonds a été au-delà de nos attentes », raconte Mascia.

« Nous avons tout de suite appris à connaître nos hôtes, conclut Mascia. Ils nous ont raconté leurs difficultés. Certains ont perdu leur travail, d’autres n’arrivent pas à en trouver, et nous nous sommes demandés comment nous pouvions les aider. Nous avons pensé créer un accompagnement psychologique, les guider dans la recherche d’emploi ou encore les aider à rédiger leur CV. Ce sont des personnes qui connaissent des difficultés et qui veulent s’en sortir. À présent, ils nous aident le samedi à livrer les paniers de courses de Nonna Roma aux personnes dans le besoin, nous les préparons et nous les distribuons avec eux. Notre objectif est de les accompagner dans un parcours allant au-delà de l’urgence, parce qu’il n’y a pas que l’urgence, c’est tout un parcours qu’ils doivent affronter ».


Photo de couverture : Sparwasser

Translated from A Roma si prova a far “posto” per i senza dimora: il progetto del circolo Sparwasser