Facebook, polars, RDA : les «balances» sont partout
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En France, trois employés s'en donnent à cœur joie contre leur hiérarchie sur leur mur facebook. Peu après, ils sont licenciés. Entre ces deux évènements, un connecteur logique, le « cafardeur » qui était pourtant leur « ami » sur facebook. Les balances... Sans eux, pas de bon scénario...
Dans tout bon polar, la « balance » n’est jamais celui qu’on croit. De l’ami proche à l’ennemi inconnu, on pourrait faire une histoire du cinéma à travers le profil (bas) du « mouchard », celui qui va vous vendre sans vous le dire… Et prendre les intérêts qui vont avec. Les Amants de la nuit de Nicholas Ray ne savent pas encore qu’ils seront retrouvés à cause d’une « infame » (le « traître » en italien). En attendant, ils dansent.
Le « soplón » (la « balance » en espagnol), c’est toujours celui qui met fin à la fête. Tout va bien, on a volé et on pense s’en être tiré, mais une « bocaza » (la « grande bouche » en espagnol) vient vous remettre les pieds sur terre. L’histoire de l’humanité est écrite avec la sueur des « petze » (le « rapporteur » en allemand); ils l’influencent beaucoup plus que n’importe quel héros pour peu qu’on sache les soudoyer un peu. La « poucave » (mot français originaire du romani, ndlr) la plus tragique de l’histoire du cinéma est à voir dans le film de John Ford, The Informer, où les Anglais se paient les services d’un pauvre « telltale » (« rapporteur » en anglais)pour venir à bout de la résistance de l’IRA.
Mais la fiction ne va jamais aussi loin que la réalité. Qui aurait pu ficeler un scénario où trois employés se font virer parce qu’un « pettegolo » (le « rapporteur » en argot italien) a « rapporté » à son patron ce qu’ils écrivaient contre l’entreprise sur leur mur facebook ? C’est ce qui est dans la société française Alten. Croyant être lus par leurs « amis » facebook, ils se déclarent « club des néfastes » et promettent de « rendre impossible la vie de leur DRH pendant plusieurs mois ». Heureusement pour elle qu’un « chivato » (le « rapporteur » en argot espagnol) a pu mettre hors d’état de nuire ces trois « incitateurs à la rébellion », comme l’a jugé la justice. Qui remerciera ce justicier masqué pour son acte d’allégeance envers l’autorité ? Personne. Vous le savez bien, un « cafeteur » ne sort jamais vainqueur. Ses remords le rongent, sa culpabilité est insoutenable. Sauf si, comme l’agent Wiesler dans La vie des autres, il se rend compte tout seul des ravages potentiels de son « infamata » (le substantif d'« infame » en italien) sur la vie des autres.
Illustration : Henning Studte/http://www.studte-cartoon.de/