Face à Ahmadinejad, Mars et Vénus se donnent la main
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Alors qu’un pays prônant la destruction d’Israël, volontairement provocateur et anti-américain s’apprête à franchir le pas du nucléaire, le principe de l’intervention militaire est loin de faire l’unanimité.
De provocations en ultimatums, la crise iranienne dure. L’Iran, sous le contrôle du populiste et populaire Mahmoud Ahmadinejad, est accusé de développer un programme nucléaire clandestin non conforme au traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), que l’Iran a signé en 1970 sans toutefois l’avoir ratifié. Selon le Washington Post, le pays sera en mesure de produire l’arme nucléaire dans un délai compris entre « une décennie et quinze ans ».
L’Europe médiatrice
Mais c’est surtout la détermination du régime iranien qui inquiète l’Occident, soucieux de mettre fin à la prolifération anarchique des armes de destruction massive. L’offre de collaboration technologique lancée par la Troïka –France, Allemagne et Grande Bretagne- a été rejetée. Depuis le début de la crise, les Européens ont également multiplié les propositions commerciales et économiques à l'Iran, afin d'inciter le gouvernement à renoncer pour de bon à ses ambitions nucléaires et à suspendre le processus de conversion de l'uranium dans l'usine d'Ispahan. Face au refus de l’Iran, les négociations sont depuis dans l’impasse. Le projet européen de coopération en matière de nucléaire civil n’a pas convaincu les officiels iraniens qui revendiquent le droit à l’avancée technologique. Ahmadinejad n’hésite pas à s’afficher en prophète des opprimés, gardien de l’insoumission à un Occident qui « veut empêcher d’autres nations d’atteindre le sommet de la science et de la technologie ». Tandis que l’Europe s’efforce de faire revenir Téhéran à la table des négociations, on ne peut que constater l’échec des efforts diplomatiques. Et déplorer l’inefficacité des menaces de sanctions, discréditées par un report permanent des ultimatums et les divergences au sein du Conseil de Sécurité. La Russie et la Chine sont ainsi opposées à d’éventuelles sanctions.
Des doutes à Washington ?
Pour l’administration Bush, l’intervention armée est une option à ne pas écarter. Les Etats-Unis, comme leur allié Israël, par ailleurs puissance nucléaire, n’accepteront pas l’accès de l’Iran à la bombe atomique. Le vice-Président Dick Cheney a d’ailleurs averti de «conséquences sérieuses » si la situation venait à s’enliser davantage. Pourtant dès août 2005, le très néo conservateur ‘Projet pour un nouveau siècle américain’ (PNAC), l’un des think-tanks les plus influents à Washington, se montrait prudent à l'égard d'une éventuelle attaque américaine. En cause, les difficultés des forces anglo-américaines en Irak et l’instabilité générale au Moyen-Orient. La chaîne de télévision du Qatar Al-Jazeera n’a pas manqué d’observer que l’Iran se trouve « dans une bien meilleure position que celle de l’ancien président irakien Saddam Hussein et son gouvernement avant la guerre », en raison de l’impopularité croissante de George W. Bush et Tony Blair dans leurs pays respectifs.
En outre, la puissance militaire de l’Iran est bien plus significative que celle de l’armée irakienne. Malgré l’existence d'une majorité chiite au sein des deux pays, la comparaison Iran-Irak de Saddam s’arrête là. C’est pourquoi les Américains se voient contraints de négocier à la recherche d’un consensus diplomatique. Le temps n’est pas à la surenchère qui pourrait radicaliser l’opinion et faire basculer une région déjà fragile dans le chaos. Lors d’une rencontre avec la Chancelière allemande Angela Merkel en mai dernier, George W. Bush a par ailleurs déclaré que l’on visait « une solution diplomatique » à la crise.
L’union fait la force
L’emphase d'un renouveau de la théorie du « soft power » s'appuie sur des décisions symboliques, à l’instar de la réouverture des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Libye. A son propos, Condoleeza Rice a déclaré qu’elle était « un important modèle et les nations autour du monde exigent un changement d’attitude de la part des régimes iranien et nord-coréen ». Washington soutient donc les efforts de médiation d'une Europe qui craint d’être la cible d’éventuels missiles et s’intéresse de très près aux ressources en gaz du sol iranien. Les intérêts occidentaux sont donc bel et bien convergents. L’administration Bush essaie ainsi de corriger ses erreurs et démontrer que des leçons ont été tirées du bourbier irakien. L’Europe s’affirme comme principal négociateur et y gagne à la fois en assurance et en unité. Face à l’urgence du problème, les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont pas d’autre choix que celui d’agir main dans la main… Ne pas régler la question définitivement serait ridiculiser le pouvoir de la première puissance mondiale et ouvrir la voie à d’autres programmes irréguliers de part le monde. L’Occident s’apprête à décider en équilibriste. Des deux côtés, le vide.