Extrême droite en Allemagne : la Twitter surprise
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Considérée comme aussi ennuyantes qu’un mois d’automne, les élections allemandes pourraient toutefois accouché d’un fait historique. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite devrait entrer au Parlement. Et comme pour le Brexit, comme pour Trump, les gazouillis de Twitter n’y sont pas étrangers.
C’est tout de suite moins fun lorsque l’on connaît la fin. S’agissant des élections allemandes, Angela Merkel va rempiler pour un quatrième mandat, l’Allemagne va continuer à aller bien, et les gens vont continuer à s’ennuyer. La CDU d’Angela Merkel devrait vraisemblablement être le parti le mieux représenté au Bundestag, puisque les sondages créditent le parti entre 36% et 37% des votes, au moins 15 points devant le SPD de Martin Schulz. Cependant, dans la mesure où l’Allemagne a un système proportionnel, la CDU ne sera probablement pas en mesure de gouverner toute seule. Les regards se tournent donc vers le parti qui bénéficiera de la troisième place. Les résultats auront un effet sur le parti avec lequel Merkel pourra former une coalition. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), avec son programme eurosceptique et anti-immigration, devrait bénéficier de sièges parlementaires pour la première fois. De quoi donner à cette campagne un peu morne, des allures de thriller scandinave.
La tactique, c'est l'attaque
De plus, selon les derniers sondages, l’AfD mène « la course dans la course » pour la troisième place, avec 11 à 12% des suffrages, maintenant ainsi une courte avance sur ses concurrents – la Gauche (Die Linke), les Démocrates Libéraux (FDP) et le Parti Vert (Die Grünen), tous entre 7 et 10%. L’Europe a récemment été témoin d’une forte percée des partis populistes, en même temps que d’une vague d’innovation en matière de communication politique, particulièrement pendant les campagnes électorales. Lorsque de nouveaux acteurs politiques entrent en scène, ils déploient souvent des stratégies de communication innovantes, comme l’usage extensif des chaînes en ligne, s’appuient sur des réseaux de partisans très engagés, et – parce que c’est le jeu - ont fortement tendance à tirer dans les pattes de leurs concurrents.
EuVisions a récemment suivi deux semaines de campagne électorale allemande sur Twitter, recueillant plus de 200 000 tweets. L’observatoire spécialisé dans la collecte de données en Europe a suivi l’activité numérique des six partis principaux, suivi tous les candidats et recueilli les réactions des sympathisants aux tweets des candidats, sous la forme de leurs messages en 140 caractères et de leurs réponses. Une attention particulière a été accordée à la campagne électorale du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD). Comme c’est souvent le cas avec les acteurs politiques non traditionnels, l’AfD s’appuie largement sur un activisme numérique important.
Force de frappe
Comme le montre le graphique ci-dessus (graphique 1), les candidats de l’AfD sont, de loin, les plus bavards sur Twitter : les candidats de l’AfD twittent en moyenne six fois par jour, près de deux fois plus que les autres candidats. Ils sont aussi les plus en mesure de mobiliser leur base électorale : en moyenne, les tweets de l’AfD sont retweetés sept fois, alors que les tweets des autres candidats ne résonnent (en moyenne) que 1,66 fois (voir graphique 2).
À l’autre extrémité, nos résultats montrent que les candidats de la CDU de Merkel sont, en moyenne, retweetés moins d’une fois par tweet. Des résultats similaires émergent d’une analyse précédente d’EuVisions, qui compare le comportement en ligne des partisans de UKIP et des partis traditionnels britanniques pendant la période du référendum sur le Brexit.
Un second aspect important de la campagne numérique de l’AfD concerne la forte personnalisation de la campagne numérique, un élément partagé avec la campagne du SPD qui s’est concentré autour de Martin Schulz. (voir graphique 3).
Si la plupart des tweets liés au SPD évoquent l’ancien président du Parlement européen, mentionné dans un tweet sur trois, ce n’est pas le cas pour l’AfD, dont les tweets sont peu centrés sur les leaders, Alice Weidel et Alexander Gauland. Le parti et ses partisans n’hésitent pas à tirer à vue sur leurs concurrents. Leur cible préférée ? Sans nul doute, Angela Merkel.
Ces résultats préliminaires montrent aussi que le champ de bataille électoral des réseaux sociaux s’écarte des sondages traditionnels. En raison d’une mobilisation efficace des stratégies de communication, et de l’implication active de ses partisans, l’AfD semble largement dominer Twitter. Quant à savoir si une élection se gagne sur la Toile, la question reste ouverte mais les mêmes phénomènes sont apparus lors du Brexit et lors de la victoire de Donald Trump aux présidentielles américaines.
Quoi qu’il en soit, l’expertise et l’efficacité des partis populistes sur les réseaux sociaux ne sont plus à démontrer. FN, AfD, UKIP ou Alt-Right... tous paraissent mieux organisés et beaucoup plus avance que les partis traditionnels quand il s’agit de faire du bruit sur le Net. Inquiétant ?
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Traduction : Hélène Caune
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