Exportation bulgare n°1 : la main d’œuvre
Published on
Translation by:
stéphanie soudaisPlus de 800 000 Bulgares travaillent à l’étranger et la plupart d’entre eux envoient ce qu'ils gagnent à leur famille restée au pays.
Emil Koev travaille sur le chantier d’une villa de la banlieue de Bergisch Gladbach en Allemagne. Trois fois par an, il envoie 400 euros à ses parents qui résident en Bulgarie. « Mes parents sont gênés d’avoir à me demander de l’aide », glisse t-il. Mais à l'instar de leurs compatriotes, ceux-ci n’ont pas d’autre choix : leur retraite de 70 euros mensuels chacun ne leur permet de vivre que les quinze premiers jours du mois, même en n’achetant que du pain, du lait et parfois un peu de viande. Pommes de terre, fruits et légumes proviennent de leur petit potager. Koev explique que ses parents « ont passé l’hiver en manteau et bonnet : on leur avait coupé le chauffage ». Travaillant au noir, l’argent qu’il leur avait fait parvenir par l’intermédiaire d’un collègue était arrivé trop tard.
Fuite bulgare
Selon Krassen Stanchev, directeur de l’Institut d’économie de marché (IEM) de Sofia, environ 820 000 Bulgares ont quitté leur pays depuis 1991. 40 % d’entre eux investiraient en Bulgarie ce qu'il gagnent à l’étranger. Krassen Stanchev estime que l’argent que les émigrés renvoient dans leur pays natal représente plus de la moitié des investissements étrangers réalisés ces quatre dernières années en Bulgarie. Le rapport d’activité 2005 de la Banque nationale bulgare montre que les émigrés ont ainsi injecté 1,1 milliard d’euros dans l’économie de leur pays. Une étude menée l’année dernière par l’IEM souligne que cette manne pourrait représenter entre 1,5 % et 3,5 % du PIB de ces dernières années. Une « proportion saine » selon les conclusions de l’étude.
En Bulgarie, partir chercher du travail ailleurs ne date pas d’hier. Aux 18è et 19èmes siècles, beaucoup de villes et de villages n’étaient peuplés que de femmes, d’enfants et de personnes âgées. Les hommes partaient dans les pays voisins pour devenir artisans ou jardiniers. Au début du 20ème siècle, ceux-ci ont commencé à se rendre de plus en plus souvent aux Etats-Unis. Aujourd’hui, la plus grande partie des candidats au départ choisissent la Grèce et l’Allemagne. L’étude de l'IEM montre par ailleurs que les émigrés bulgares sont le plus souvent âgés de 30 à 45 ans et qu'ils détiennent un bagage éducatif de niveau secondaire. La moitié d’entre eux travaille illégalement -dans le bâtiment, la restauration ou l’agriculture- et gagne en moyenne six euros de l’heure. Ils ne bénéficient généralement d’aucune protection sociale et ne paient pas d’impôt dans le pays d’accueil. Plus de 70 % d’entre eux prévoit de ne rester à l’étranger que le temps de gagner suffisamment d’argent, ce qui leur prend environ en moyenne quatre ans.
Logements et petits commerces
Tous osent prendre le risque de partir car ce qu’ils gagnent en Bulgarie ne leur permet pas de subvenir aux besoins de leur famille. À l’heure actuelle, le salaire mensuel brut est 10 fois moins élevé en Bulgarie qu’en Grèce et entre 22 et 24 fois moins élevé qu’en Allemagne. Les Bulgares partent plus souvent chercher du travail à l’étranger que leurs voisins roumains, qui vivent pourtant dans les mêmes conditions de précarité. Selon des informations de la CIA, le taux d’émigration est quatre fois plus élevé en Bulgarie qu’en Roumanie.
Les Bulgares qui rentrent chez eux après un séjour à l’étranger apportent de nouvelles connaissances par rapport à leur métier et une expérience du monde du travail occidental. C’est dans l’immobilier et les petits commerces qu’ils investissent d’abord ce qu’ils ont gagné. Emil Koev souhaite d’ailleurs faire comme ses collègues : souscrire un crédit auprès d’une banque allemande, où les taux d’intérêts sont plus faibles qu’en Bulgarie, y rajouter ses économies et acheter une maison sur le littoral de la mer Noire, qu’il louera ensuite aux touristes occidentaux venant de pays à monnaie forte. C’est de cette manière qu’il compte subvenir aux besoins de sa famille. D’autres travailleurs expatriés investissent dans un terrain ou dans l’immobilier. Nombreux sont ceux qui créent un petit commerce de type boulangerie, quincaillerie ou magasin de produits naturels. En Bulgarie, l’administration fiscale veille très attentivement à ce qu’aucune recette fiscale ne lui échappe. Koev raconte même une blague qui circule parmi ses collègues de Bergisch Gladbach : « l’expatrié bulgare trime pour sa famille et une armée de fonctionnaires. »
Translated from Arbeitskraft: Exportware Nr.1