Européennes : chronique d'une soirée à Strasbourg
Published on
Le siège du Parlement européen à Strasbourg a ouvert ses portes pour une soirée électorale durant laquelle ses membres élus ont préféré Bruxelles, leurs circonscriptions respectives ou encore la capitale nationale et non pas européenne. Tour d'horizon avec les candidats en présence.
Au départ ouvert à la presse et à une liste d'invités triés sur le volet pour la soirée électorale, le Parlement avait élargi ses invitations à tous les Strasbourgeois à quelques jours du scrutin. L'institution a finalement enregistré quelques 300 inscrits et s'est attendue au total à accueillir 800 personnes. Le top départ a été donné dès 21h. Caméras, micros, flashs et carnets de notes ont été les premiers à peupler les lieux, à la recherche des candidats.
Catherine Trautmann est la première à apparaître, abasourdie par les résultats lui dérobant son siège en jeu, en tant que deuxième sur une liste PS-PRG menée dans la circonscription Est par l'ancien syndicaliste de Florange, Édouard Martin. Elle s'isole pour une conférence téléphonique et s'exprimera devant les médias une heure plus tard.
Puis vient le tour de Nathalie Griesbeck, tête de liste sortante pour l'UDI-Modem. Elle parle sous couvert de la confirmation des résultats. À 21h30, les chiffres restent de l'ordre des estimations. Elle conserve son siège mais sera la seule députée centriste à siéger dans l'assemblée européenne pour la circonscription Est avec 9,19 %. Son colistier Quentin Dickinson, le « Monsieur Europe » du service audiovisuel public, retrouvera donc sa place derrière les micros de Radio France. N. Griesbeck décrit « une campagne passionnante mais réduite car le temps des projets a été limité par la sortie des municipales. La circonscription Est est très grande, avec 8,5 millions d'habitants, cinq régions, 18 départements et placée stratégiquement au coeur de l'Europe avec 200 000 frontaliers sur trois pays européens voisins (Belgique, Luxembourg, Allemagne, ndlr) et la Suisse frontalière non membre de l'U.E ». La candidate centriste ne manque pas d'évaluer les résultats à l'aune des revers, en estimant perdre « deux collègues Catherine Trautmann (Choisir l'Europe / Liste PS-PRG) et Sandrine Bélier (EELV) qui ont marqué de leur travail la dernière mandature ».
La porte grande ouverte
Petit à petit, militants et citoyens, curieux de la drôle de noce qui se trame à l'intérieur du bâtiment Louise Weiss, se pressent de plus en plus nombreux aux abords de l'hémicycle. À tel point que les conférences de presse improvisées entre deux passerelles ou dans un couloir de 4 mètres de large sont occupées par des militants, récalcitrants pour certains, à laisser leur place à la presse, tendant les micros du bout des doigts.
Apparaît ainsi Anne Sander tout sourire, 3ème sur la liste UMP du Grand Est derrière le député européen sortant Arnaud Danjean. Son élection est quasi assurée au moment où ses soutiens entonnent sur un air sportif « on a gagné ». Pourtant, celle qui a été l'assistante parlementaire de Joseph Daul (député européen qui a présidé le Parti populaire européen de 2007 jusqu'à maintenant, ndlr) « l'enfant du pays » dans cette assemblée, et qui s'apprête à être la seule élue alsacienne de la circonscription se dit « déçue par un score qui laisse présager une grosse inquiétude et des difficultés au niveau national ».
Nadine Morano, quant à elle élue en tant que tête de liste UMP à 22,72 % (29,2 en 2009), estime que « la situation en France ce soir est triste derrière le sourire de Le Pen, la France est en colère ». Face aux résultats du PS (13,23 % contre 17,24% en 2009) qui ne s'assure qu'un siège à l'Est, celle-ci en vient même à appeler Édouard Martin à démissionner pour céder sa place à Catherine Trautmann.
Voici donc une toute nouvelle sortie médiatique de Nadine Morano que la principale concernée encaisse difficilement en doutant « de sa sincérité, trop bonne à mon égard. Je peux me débrouiller sans sa sollicitude, elle n'en a pas fait preuve pendant la campagne, elle a été d'une extrême agressivité et d'une grande vulgarité, donc qu'elle garde sa commisération et sa compassion, je n'en ai pas besoin. J'ai des amis avec moi et ça me suffit ». C'est en désignant les cadres socialistes locaux, présents à ses côtés au moment de sa venue vers les médias, que Catherine Trautmann a conclu son allocution prononcée d'une voie éteinte. L'eurodéputée aux quatre mandats, présidente du groupe des socialistes français au Parlement européen, emblème de l'engagement européen, se voit claquer les portes de « sa » maison. « Nous comptions sur cette élection pour la défense de la vocation européenne de Strasbourg, Catherine Trautmann, c'est le Parlement européen, c'est la task force fragilisée si celle-ci n'est pas élue », annonce Roland Ries, maire de Strasbourg PS réélu de justesse en mars dernier. Visiblement encore groggy par les résultats des élections européennes, celui-ci appelle également Édouard Martin à céder son siège à sa colistière deuxième sur la liste PS/PRG.
Les Verts perdent leur siège, le FN en gagne trois
Un temps annoncée à Strasbourg, Sandrine Bélier, tête de liste pour les écologistes dans le Grand Est, n'était pas présente. Alain Jund, adjoint vert à la mairie de Strasbourg, voit dans le score de sa famille politique (6,4 %) « une grande déception par rapport aux près de 15% de 2009 et au niveau européen, l'écologie politique ne trouve pas sa place ».
Florian Philippot, quant à lui, vice-président du Front national, candidat aux Municipales de Forbach, en Moselle, en mars dernier et tête de liste dans la circonsciption Est élu avec avec trois autres colistiers à 28,96 % (7,57 % en 2009), a commencé par déserter son futur lieu de travail, puisque invité sur un plateau parisien de télévision dimanche soir.
Pour les militants de tous bords et représentants du monde associatif européen à Strasbourg, la soirée s'est poursuivie dans une ambiance tout aussi feutrée qu'anesthésiée. À scruter sur un écran géant les projections des résultats chez les voisins européens et les tours de parole des différents présidents de groupes, à Bruxelles, où le mariage semblait déjà consommé.