Europe.com vs Europe.eu
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pauline kollerQui contrôle Internet? L’UE est-elle bien placée pour affronter les défis de ce siècle ? Si le tableau n’est pas désespérant, le retard européen sur la toile reste un écueil important pour notre développement.
L’UE compte actuellement 197 millions d’internautes qui représentent 25,1% du total mondial et une pénétration de 43,4% de la population. A première vue, ces indicateurs peuvent sembler bons, mais il suffit de les comparer avec ceux des Etats-Unis pour se rendre compte qu’ils ne sont pas si bons. Les Etats-Unis, avec 150 millions d’habitants de moins que l’UE, ont 10 millions d’internautes de plus qu’elle, ou ce qui revient au même, une pénétration de 70,4%, ce qui équivaut à 26,4% des connectés de la planète.
La Grèce en queue de peloton
Il est clair que l’UE est à la traîne sur cet aspect, mais le problème s’accentue lorsqu’on le regarde de plus près, découvrant les énormes inégalités internes qui nous divisent. On pourrait penser que suite à l’élargissement, les nouveaux pays membres font chuter les statistiques de l’UE, mais de toute évidence, il n’existe pas de schéma clair qui sépare les anciens membres des nouveaux. La Suède, avec76,8% d’internautes, est le seul pays membre ayant un degré de pénétration supérieur à celui des Etats-Unis. La Grèce campe à l’opposé, avec un taux préoccupant de 15,3%, suivie par la Hongrie, le Portugal et la Lituanie, comptant tous des pourcentages inférieurs à 20% de la population. Les statistiques des six grands pays ne sont pas non-plus homogènes et varient entre les taux acceptables du Royaume-Uni (60,6%), de l’Allemagne (54,9%) et de l’Italie (50,9%), les taux médiocres de la France (38%) et de l’Espagne (34,5%) ainsi que le maigre 23,5% polonais.
L’UE ne peut plus rester les bras croisés et doit immédiatement agir pour pallier ces énormes différences. Des pays comme la Corée du Sud (dont le niveau de développement est similaire à celui du Portugal) se sont rendu compte il y a déjà longtemps de l’importance d’Internet et ont mené des politiques destinées à faire baisser le coût des connections haut débit, à subventionner l’achat de matériel et à dispenser des cours d’alphabétisation informatique. En conséquence, 62% des Coréens ont accédé à Internet en quelques années.
Un organisme, quatorze cœurs… ouverts ?
Le retard européen va beaucoup plus loin que celui révélé par de simples statistiques. Si l’on comparait Internet à un appareil circulatoire, il aurait 14 cœurs qui le feraient fonctionner, pompant l’information jusqu’au modem le plus éloigné. Or, sur ces 14 cœurs ou Root Servers 10 se trouvent aux Etats-Unis et 3 seulement sont en Europe (Royaume-Uni, Suède et Espagne). Toute l’information qui circule sur la Toile passe par un de ces serveurs primaires, ce qui signifie que la grande majorité des données passe par les Etats-Unis. Est-ce un inconvénient ? Evidemment. Pas juste parce que qu’ils sont localisés aux Etats-Unis, mais à cause de l’existence de programmes appelés Carnivore et Echelon, développés par le FBI et la NSA américains. Au départ, ces deux projets sont nés avec de « bonnes intentions », le premier en conséquence de la guerre froide, le second pour lutter contre la criminalité ou le terrorisme international. Mais tous deux ont très vite commencé à être utilisés à d’autres fins. Ces programmes sont capables d’intercepter des millions de communication par seconde, que ce soit via Internet, le téléphone ou même la radio. Bien que leur existence ne soit pas reconnue par le gouvernement des Etats-Unis, le Parlement européen a considéré qu’ils étaient à l’origine de quelques cas d’espionnage industriel, dans lesquels des entreprises de l’UE avaient été « écoutées », livrant leurs idées ou leurs projets à d’autres entreprises telles que Boeing ou Lockheed, et en général pour les grandes compagnies des pays fondateurs du système : Royaume-Uni, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande, associé aux Etats-Unis au travers du pacte UKUSA… L’UE s’est rendu compte de la nécessité d’adopter des mesures permettant de réduire son retard sur les Etats-Unis, à commencer notamment par la création d’un nouveau système de cryptographie « hyper sûre » en réponse à Echelon.
EuroEchelon ou Big Brother
Devons-nous nous contenter de contre-mesures défensives ou au contraire, adopter un rôle plus actif et donner nous-même les coups au lieu de nous protéger le visage ? Le débat est ouvert, l’UE doit décider de créer ou non son propre Echelon. Certains projets sont déjà en train d’être examinés, mais nous ne devons pas pour autant oublier que ce type de systèmes violent généralement nos libertés individuelles avec une certaine facilité. Les associations d’Internautes ont déjà pris position contre tout « EuroEchelon » et ils sont loin d’avoir tort. C’est le moment d’agir. Il faut trouver le moyen de développer notre propre système espion sans devenir les pions d’un Big Brother. Nous devons contre-attaquer ceux qui nous attaquent avec leurs propres moyens sans renoncer à nos principes, ce qui est le point le plus difficile à accomplir mais sur lequel nous ne pouvons pas échouer. Sinon nous serions sur le point d’introduire au sein de notre société les défauts américains que nous critiquons tant de ce côté de l’Atlantique.
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