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Europe : la liberté de la presse menacée

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Default profile picture nicolas baker

Dans l’UE, la liberté de la presse est respectée, mais pas garantie. Les disparités importantes entre Europe de l’Est et de l’Ouest menacent de fragiliser le droit à l’information.

Click ! « Votre message a bien été envoyé. » Envoyer un courriel est devenu aussi banal qu’anodin. Quoique… L’expéditeur doit savoir que des détails de ses communications (expéditeur, destinataire, date et heure d’envoi…) sont systématiquement enregistrées.

A l’origine de cette mesure, une directive sur la lutte contre le terrorisme votée par le Parlement européen en décembre 2005 et qui vise à harmoniser les législations européennes –très disparates– en matière de conservation des données personnelles liées aux télécommunications. Désormais, ces données devront être conservées par les opérateurs pour une durée pouvant aller de six à 24 mois. Les services de police pourront dès lors, pour les besoins d’une enquête, savoir qui communique, avec qui, et quand.

« Ces consignes mettent en péril la liberté de la presse, et la protection des sources l’information » déplore l’association des journalistes allemands, en ouvrant la voie à une surveillance massive des journalistes et de leurs contacts. « Si un informateur ne peut plus être assuré que ses correspondances avec les journalistes resteront secrètes, ajoutent-ils, ils réfléchiront à deux fois avant de contacter la presse. »

S’organiser à 25 ?

25 pays, 25 traditions, 25 cultures, et autant de législations nationales. L’Union européenne doit jongler avec les dispositions locales des différents Etats membres en matière de droit de la presse. La Commission européenne n’a pas les compétences nécessaires pour rédiger une loi européenne qui créerait un cadre uniforme et favorable à la liberté de la presse.

Selon l’article 11 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union, “la liberté des médias et leur pluralisme sont respectés » Respectés, mais pas garantis. « Nous avions peur que la souveraineté nationale soit menacée. Or la protection de la liberté de la presse est, aujourd’hui plus que jamais, sous pression » affirme Karin Junker. En plus d’être fonctionnaire européen, Karin est membre du comité exécutif du SPD [gauche] allemand, et siège au conseil de la radiodiffusion en Allemagne de l’Ouest, et au Comité consultatif de la programmation d’Arte. Les enjeux relatifs aux médias au niveau européen font partie de son quotidien. « Si je vivais et travaillais dans un autre pays, je serais soumise aux lois et régulations locales, que ça me plaise ou non » explique Junker, tout en critiquant la faiblesse de la Charte des Droits fondamentaux.

Dans certains Etats membres de l’Union, l’Association européenne des journalistes a pu observer des phénomènes de concentration inquiétants dans les médias. Par exemple, la société Independent Newspapers Ireland, qui propriétaire du plus gros quotidien irlandais, The Irish Independent détient par ailleurs 48% du marché des journaux.

Aux Pays-Bas, pourtant au sommet du classement mondial de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la presse, la question de la concentration des médias devient tout aussi problématique. Dans le secteur de l’audiovisuel, la télévision publique, NOS, et le Groupe Bertelsmann contrôlent ensemble 85 % du marché. Et trois entreprises, NV Holdingmaatschappij De Telegraaf, PCM Uitgevers NV et Wegener NV pèsent 83% du lectorat.

Des problèmes en Europe de l’Est ?

L’élargissement de l’Union européenne devrait voir la situation en la matière empirer, selon Marc Gruber, vice président de la Fédération européenne des journalistes. « Nous regrettons que les pays candidats n’aient pas été contraints, pour adhérer à l’Union, d’établir un solide système de diffusion télévisuel, ainsi que la protection de la liberté de la presse et son pluralisme. »

En Pologne, en République Tchèque et en Hongrie, environ 80% de la presse a été acquise par des groupes venus d’Europe de l’Ouest. Selon Gruber, la presse locale mène une bataille perdue d’avance, pour conserver sa part de marché. Pis, en Ukraine, les journalistes trop critiques sont encore victimes de violences. En Pologne, un éditeur s’est vu infliger une amende de 5 000 € pour un article jugé insultant envers le pape Jean-Paul II.

Les citoyens se demandent, à juste titre, si les fonctionnaires européens se penchent suffisamment sur la question de liberté de la presse. Karin Junker se défend en affirmant que l’Europe « ne peut pas tout faire. »

Premiers pas encourageants

Des progrès ont tout de même été faits. Grâce à l’UE, une loi protège la liberté d’informer dans tous les Etats membres. Les documents officiels doivent ainsi être compréhensibles, lisibles, et accessibles au public. Les autorités doivent distribuer l’information concernant tous les types d’activités, notamment les aspects délicats comme la finance.

Le domaine de la télévision montre lui aussi des signes d’amélioration. La directive « Télévision sans frontières » met en place des conditions pour la diffusion de programmes TV sur le marché européen. Quelques exemples : transmission gratuite d’émissions, protection de la diversité culturelle, protection des mineurs, droit de réponse, encadrement de la publicité, et financement de productions européennes.

Beaucoup de questions restent cependant en suspens. Pourquoi les règles sont-elles limitées à la télévision ? Que faire de la radio, la presse écrite, et la presse sur Internet ? Dans l’avenir, comment pourra-t-on garantir la position critique des journalistes, si les nouvelles directives mènent à une surveillance systématique des communications téléphoniques et électroniques ? Une seule chose est sûre : tant que la souveraineté de la culture et des médias est protégée par les Etats, il ne pourra pas y avoir de protection crédible de la liberté de la presse à un niveau européen.

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