Europe : David Cameron, seul pour de bon
Published on
Translation by:
Chloé ThibauxObserver l'attitude de David Cameron face à l'Europe, c'est un peu comme regarder un enfant salir son t-shirt et frotter la tâche, ne parvenant qu'à l'étaler encore plus. La diplomatie du Premier ministre britannique a dramatiquement empiré ces dernières semaines, et sa déçevante performance lors de l'épisode Juncker n'a fait que réveler son échec aux yeux de tous.
[Opinion] Il y a moins d'un mois, Cameron était pris en photo à bord d'une barque aux côtés de ses homologues Angela Merkel, Mark Rutte (Premier ministre des Pays-Bas, ndlr) et Fredrik Reinfeldt (Premier ministre de la Suède, ndlr). Très peu de temps après, il se retrouvait seul à ramer à contre-courant. Force est de constater que les leaders européens en ont assez de leur homologue britannique. Car il semblerait qu'en diplomatie, les menaces en l'air et l'arrogance ne soient pas la meilleure des tactiques pour obtenir des résultats satisfaisants.
« Il n'y comprend rien »
David Cameron s'était déjà tiré une balle dans le pied 5 ans plus tôt, avant qu'il ne devienne Premier ministre du Royaume-Uni. À la tête du Parti conservateur, il avait promis aux eurosceptiques de son parti que les conservateurs quitteraient le groupe de centre-droit réunissant le Parti populaire européen et les Démocrates européens au Parlement européen. Cette décision s'est retournée contre lui 9 ans plus tard (serait-ce le karma ?), alors que les Tories auraient pu mettre leur véto à la nomination de Juncker s'ils avaient encore fait partie de ce qui est devenu le PPE.
Mais le premier véritabe dérapage du PM anglais en matière de politique européenne s'est produit en janvier 2013, au moment où il propose un référendum sur une sortie du Royaume-Unie de l'Union européenne. S'il s'auto-surnomme « Direct Democracy Dave », il n'est un secret pour personne que le but premier de cette proposition est d'apaiser les députés de base du parti. Le ministre polonais des Affaires étrangères Radosław Sikorski a récemment fait remarquer que Cameron avait, de manière répétée, démontré son incompétence en matière d'affaires européennes : « il n'y comprend rien, il croit en la propagande absurde, il essaie naïvement de tirer profit du système ». Le leader britannique aurait mieux fait de tenter de convaincre les citoyens plutôt que de donner un os à ronger aux eurosceptiques.
Des eurosceptiques qui ne se sont pas calmés pour autant. En témoigne la réaction du Premier ministre écossais, Alex Salmond, tout en proverbe : « You can never out swivel-eye the swivel-eyed » (que l'on pourrait traduire par, « on ne prêche pas les convaincus », ndlr). Il ne faut pas oublier que Cameron a refusé l'idée d'un référendum sur la sortie de l'Union européenne en 2011, et aurait dû conserver cette position lorsque les eurosceptiques ont appelé à un retrait de l'UE. Au lieu de quoi, il a choisi de se plier à la volonté d'une minorité au sein de son propre parti. Suivre les quelques personnes qu'il considère comme les siens au lieu de protéger les intérêts du plus grand nombre, voilà finalement, ce qui résume son comportement à la tête du gouvernement.
Seuls two
Cameron, s'il est réélu en 2015, devra donc organiser un référendum dont il n'a jamais voulu. Un sens politique qui montre bien à ses homogues européens qu'il n'a pas d'esprit d'équipe et qu'il ne cherche pas à améliorer le fonctionnement de l'UE mais essaie simplement de sauver sa peau. Première erreur.
Plus récemment, Cameron a décidé de s'opposer férocement à la nomination de Jean-Claude Juncker au poste de président de la Commission européenne. « Parfois, il faut savoir perdre une bataille pour pouvoir gagner la guerre », a déclaré le chef du gouvernement britannique peu de temps après la nomination du Luxembourgeois. C'est peut-être vrai, mais un commandant digne de ce nom choisit ses batailles avec plus de soin. La présidence de la Commission est certes un poste de grande importance, mais ce ce n'est pas une raison suffisante pour saboter sa flotte.
De plus, le Luxembourgeois n'aurait pas été nommé si Cameron avait fait preuve de la même perspicacité diplomatique que ses prédécesseurs, Tony Blair et Gordon Brown. Les anciens leaders du Parti travailliste avaient par le passé empêché avec succès que Guy Verhofstadt et Jean Lemierre n'accèdent à des postes clés dans les domaines politiques et financiers.
Face à ses adversaire, Cameron a commencé par émettre des menaces en l'air, arguant qu' « il ne pourrait plus garantir que le Royaume-Uni reste membre de l'UE si les leaders européens élisaient Juncker ». En oubliant une chose : il n'est absolument pas en position de menacer qui que ce soit. Tout d'abord, il a besoin d'être réélu avant de pouvoir organiser un référendum sur une éventuelle sortie de l'UE. Ensuite, le fonctionnement habituel d'un référendum consiste à remettre directement au peuple un pouvoir de décision, et jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons jamais connu son issue à l'avance. En d'autres termes, Cameron ne peut strictement rien garantir.
Juncker et tremblement
La politique et la diplomatie européenne du leader du Parti conservateur déçoivent à tous les niveaux. Avant le fiasco de l'épisode Juncker, Cameron n'avait déjà pas assez de poids pour peser dans les négociations à Bruxelles. Aujourd'hui, ses tentatives obstinées d'écarter le Luxembourgeois ont fait disparaître tout ce qu'il lui restait de soutien.
Ce qu'il y a de tragique, c'est que Cameron n'était pas seul dans l'affaire Juncker, du moins au départ. L'ancien président de l'Eurogroupe n'était le favori de personne puisque même les barons de sa famille au sein du PPE ne lui ont offert qu'un tiède soutien. Mais à force de lancer une série d'absurdes attaques personnelles contre M. Euro, de diatribes contre le processus, et de menaces au sujet d'un retrait britannique, il est parvenu à perdre des amis, et s'est retrouvé tout seul en l'espace de quelques semaines. Erreur numéro deux.
Cameron aurait pu sauver les meubles, si au moins il s'était montré désavoué. Au contraire, la conférence de presse qui a suivi la nomination de Juncker a été l'occasion d'étaler toute son arrogance : « j'ai dit aux leaders de l'UE qu'ils regretteraient le nouveau processus quand ils ont choisi le Président de la Commission ». Une attitude moralisatrice qui a réduit à néant son dernier espoir de réconciliation avec ses pairs européens, qui sont désormais plus à même de l'escorter vers la sortie que de répondre à ses requêtes. Erreur numéro trois. Tu sors, Cameron.
Translated from How to lose friends and alienate people, or Cameron’s EU policy