Eufor Tchad-RCA : neutralité avant tout
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Après des mois de négociations laborieuses, les ministres des Affaires étrangères des 27, ont enfin approuvé, lundi 28 janvier, l’envoi d’une force européenne dans l’Est du Tchad et de la République centrafricaine. Nom officiel : « Eufor Tchad-RCA ».
Cela faisait six mois qu’on en parlait : envoyer des soldats européens au Tchad pour aider les réfugiés en provenance du Darfour. 400 000 au total. La proposition venait de la France qui a déjà déployé dans l’est du pays ses troupes (600 hommes), présentes en permanence dans le pays.
La mission des 3700 soldats de l’Union européenne (provenant de 14 pays différents) sera d’assurer la sécurité des réfugiés.
Mission très délicate car en plus des incursions des milices arabes de Khartoum, l’est du Tchad est aussi une zone rebelle. Pour faire simple : des anciens amis du président tchadien, Idriss Deby Itno, qui voudraient prendre sa place.
Au Darfour même, est déjà présente une force hybride composée de 20 000 soldats et 6 000 policiers de l'ONU et de l'Union africaine. En place depuis plusieurs mois et formée de soldats sous équipés et sous payés, son efficacité est largement critiquée.
Problème de cohabitation
La lenteur de la prise de décision des gouvernements des 27 est en partie du à cette instabilité chronique de la région. Les troupes européennes ayant peur de servir de cible et surtout d’être confondues avec les troupes françaises, qui sont cordialement détestées par les rebelles, les accusant d’aider les troupes gouvernementales à chaque fois qu'elles progressent un peu trop.
A l’annonce de l’envoi officiel de l'Eufor, les rebelles ont déclaré que s’il ne s’agissait que d’aider les réfugiés, il n’y aurait aucun problème de cohabitation, même si les troupes européennes sont en grande partie fournies par la France (2100 hommes, dont l'ancien contingent permanent du Tchad).
Mandat de protection
Le commandant de l’opération, le général irlandais, Patrick Nash a bien souligné la différence entre l’opération de l’Union européenne et la présence militaire au Tchad : « l’Eufor occupera des camps séparés et sera indépendance sur le terrain ». « Si les rebelles n’interfèrent pas avec notre mission, cela ne nous regarde pas, » a-t-il ajouté, tout en précisant : « en cas d’attaque, l’Eufor est habilitée à faire feu ».
La force européenne dispose d’un mandat de l’ONU, lui conférant normalement une protection et une neutralité, qu’elle devrait utiliser pour aider les réfugiés, qui continuent d’affluer par à-coup du Darfour. Une partie de la mission sera stationnée en Centrafrique, pays frontalier connaissant la même situation.
Une autre partie de la mission européenne consiste dans la protection de 300 policiers de l'ONU, chargés de former 850 policiers locaux pour la sécurité dans les camps.
Mauvaise période
Il va falloir aux soldats de l’Eufor une bonne dose de sang froid pour tenir cette neutralité. Car depuis plusieurs jours, les combats ont repris entre les troupes gouvernementales et les rebelles. Ces derniers, selon les dernières informations, progressent rapidement et ne seraient plus qu’à 400km de la capitale N’Djamena.
Imaginons par exemple que les rebelles prennent la base arrière de l’Eufor, Abéché, une des villes importantes de l’Est du pays. Et que comme il arrive souvent dans ces cas là, aient lieu des exactions…Que devront faire les soldats de l’Eufor, car cela ne concernera pas les réfugiés du Darfour, mais des violences internes à la politique tchadienne ? Car dans leur mandat, il est dit qu’ils ne doivent protéger que les réfugiés, les personnels de l’ONU et les humanitaires. Un tel dilemme peut rappeler celui auquel était confronté les soldats de l'ONU en Bosnie dans les années 90 : aide humanitaire aux réfugiés, mais pas d'intervention dans les épurations ethniques...
Et que va faire la France ? Engagée dans le déployement "neutre" de l'UE, elle est aussi liée avec le Tchad par des accords de défense. Et elle a lors des dernières progressions rebelles, largement aidé (non officiellement), les troupes du gouvernement (soutien aérien, renseignement).
La question qui se pose donc est de savoir si l’on peut réellement être neutre dans une telle région, en particulier quand on envoie une force européenne à 60% française…
A suivre dans les prochains jours l’épisode II : Eurfor Tchad-RCA : opération française ou européenne ?