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Etudiants contre politiques : l’Europe s’embrase !

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Emmanuel Haddad

SociétéPolitique

Londres, Athènes, Rome : l’Europe est en ébullition. Frais d'inscriptions multipliés par trois en Angleterre, crise de régime en Italie, régime sec en Grèce... Les réactions violentes de la jeunesse inquiètent les politiques. Même Roberto Saviano moralise les casseurs à Rome.

Les écarts violents des manifestations font débat : Nichi Vendola, espoir du changement politique en Italie, n'hésite pas au contraire à soutenir le ras-le-bol de la génération sacrifiée

Il y a une semaine, alors qu’ils se rendaient au théâtre, le Prince Charles et Camilla ont tremblé dans leur Rolls Royce quand des étudiants qui fuyaient les affrontements avec la police ont croisé leur route. Les manifestations contre la hausse des frais universitaires n’ont pas empêché le vote de l loi, mais elles auront marqué les esprits. Deux ans après la mort d’un ado de quinze ans, Alexandros Grigoropoulos, la Grèce vit de nouveaux moments de panique, Athènes est bloquée, les routes sont désertes et l’ont craint de nouveaux débordements. Rome est redevenue calme à présent, mais les images des incendies et des jets de pierres de mardi 14 décembre rappellent la violence anarchique qui, durant les « années de plombs », voulait se faire justice elle-même.

« Idiots, imbéciles, ingénus ! »

L’Italie est dans le plus complet des chaos. « Ce sont les habituelles et vieilles réactions insupportables qui n’ont rien à faire avec la multiplicité des mouvements qui défilent à Rome », commente le prince des jeunes italiens, Roberto Saviano, dans une lettre écrite à ses pairs. Cette violence contre les estafettes de la police, les voitures, les poubelles, ce n’est pas de la vrai rage, écrit l’écrivain, c’est une rage « d’idiots, d’imbéciles, d’ingénus ». La vrai rage, suggère t-il, « c’est une chaudière pleine qui te fait avancer, qui te tient éveillé, qui ne te fait pas faire des choses stupides mais t’encourage à faire des choses sérieuses, des choix importants ». Le risque est que ces 100 000 jeunes qui défilaient à Rome ce mardi pour défendre leur futur soient caractérisés par cette violence, et donc stigmatisés comme les suiveurs d’une drôle d’anarchie qui ne génère que la peur. C’est l’objectif du gouvernement, qui a désormais mis la réforme de l’université in cassa forte et qui maintenant survit avec les quelques votes glanés lors du vote de confiance de mardi. Le 14 décembre a été le jour du chaos, des affrontements violents entre étudiants et forces de l’ordre, de la dernière victoire de Berlusconi qui se prépare pour de nouvelles élections, probablement en mars.

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Mercredi, un troisième pôle est né, fils de la confusion politique de la classe dirigeante italienne. Ce groupe est conduit par trois personnes nées « politiquement » en 1994, l’année de l’entrée en politique de Berlusconi. Francesco Rutelli, le leader d’Alleanza per l’Italia, qui est devenue maire de Rome cette année-là. Il a d’abord été un candidat du centre gauche mais a aujourd’hui quitté le Parti Démocratique pour se repositionner au centre. Pier Ferdinando Casini, depuis toujours leader de l’Udc, le partie héritier de la vieille démocratie chrétienne, a gouverné avec Berlusconi de 2001 à 2006. Alors que le président du Conseil le courtise, il fait aujourd’hui partie de l’opposition. Enfin Gianfranco Fini, le président de la Chambre des députés, leader des postfascistes du Mouvement Social, puis fidèle allié de Berlusconi depuis 1994 avec l’Alliance nationale. Il a participé à la fondation du Peuple de la Liberté avant de devenir un traître, chassé du même parti par un décret du Cavaliere. Il est aujourd’hui leader du nouveau parti Futur et Liberté. La nouvelle Italie Tricéphale (centre gauche, centre et droite) n’a plus de majorité, mais ne peut pas non plus en former une nouvelle. Silvio Berlusconi voulait quelques voix en plus pour préparer de prochaines élections. C’est chose faite grâce à un « recrutement » digne de ceux de son Milan AC : députés qui changent de parti au dernier moment en échange de promesses, de soutiens, et peut-être de bien d’autres choses...

Les espoirs des précaires

Le vote de confiance a fonctionné comme un détonateur de violence pour les manifestants. Ils voulaient crier devant les sièges du pouvoir mais tout les accès avaient été bloqués dans ce qu’on appelle désormais la zone rouge. Voilà comment ont commencé les affrontements. Ils y avaient des infiltrés, des groupes d’anarchistes étrangers au mouvement pacifique des étudiants, mais ce n’est pas tout. Devant le tribunal de Rome, où s’est déroulé jeudi 16 décembre le procès en comparution immédiate des 23 jeunes arrêtés, une importante garnison d’étudiants a déroulé une banderole « réprimer et condamner ceux qui vous ne pourrez jamais arrêter. Liberté pour tous ». Les accusations contre les détenus - qui ont tous été emprisonnés – vont de la résistance à un représentant de l’ordre public à des blessures et des dommages aggravés. La rage était vraie et authentique, la violence pourrait grandir dans les prochains jours (une manifestation est prévue mercredi 22 décembre), même si la proximité des vacances de Noël laisse prévoir un apaisement de la situation.

« J'ai un poids politique inversement proportionnel aux moyen dont je dispose", a avoué Nichi Vendola à cafebabel.comLa génération des précaires est dépourvue de réponses et fait reposer ses espérances sur un seul homme politique : Nichi Vendola, le gouverneur des Pouilles, le leader de Gauche et Liberté qui, même s’il n’est pas présent au Parlement, jouit d’un « poids politique inversement proportionnel aux moyens dont je dispose », admettait-il vendredi dernier à cafebabel.com. Nous l’avons rencontré, seul et sans escorte, à l’aéroport de Rome Ciampino alors qu’il prenait un vol low cost pour Berlin pour recevoir le prix Eurosolar 2010 pour l’engagement de la région des Pouilles à promouvoir les énergies renouvelables.

Au milieu de tant de partis apeurés par le chaos actuel, il est le seul à espérer un vote anticipé : « Je veux dire aux professionnels de la défaite que ça suffit », écrivait-il le 16 décembre, sûr d’emporter haut la main les primaires au Parti Démocrate (qui pourraient se dérouler fin janvier) comme il l’a fait par deux fois dans sa région, « je veux que les gens aillent voter car le pays est dans le chaos ». Homosexuel, écologiste, moderne, mais aussi catholique. Dans l'émission « In mezz'ora » (« Dans une demi-heure »), il a soutenu le mouvement étudiant romain, malgré la violence : « Les jeunes qu'on a vu dans la rue à Rome le 14 font partie de la génération qui n'a rien a perdre... On l'a vu à Londre, à Paris à Athènes... C'est une génération détruite par le chômage. Elle a le droit de protester, elle a le droit de rebellion... la politique doit écouter la demande sociale de changement !»

Photo: (cc)Giampaolo Macorig/flickr; (cc)ScorciDemocratici Torino 2010/flickr; video: YouTube

Translated from Studenti vs politici: l'Europa a ferro e fuoco!