Etrangers en Europe : Aux urnes !
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Le parlement italien examine un projet de loi de Gianfranco Fini visant à accorder le droit de vote aux étrangers extra communautaires lors des élections locales. Un cas d’école ? Réponse européenne.
Le monde à l’envers ? Le très conservateur Gianfranco Fini (Alliance Nationale) veut accorder le droit de vote aux étrangers. Son projet de loi s’adresse aux résidents en situation régulière en Italie et résidant depuis 6 ans sur le sol national. Il s’agirait de permettre à des ressortissants de pays non membres de l’Union européenne le droit de vote aux élections locales et européennes. Le Traité de Maastricht accorde déjà ce droit aux ressortissants de pays membres. En Italie, 750 000 personnes seraient concernées par l’extension proposée par ce texte.
Mais c’eut été trop beau pour être vrai : le texte de Gianfranco Fini précise que ces droits civiques seront soumis à la viabilité des revenus du résident.
L’Union divisée
L’Europe est divisée quant à la mise en place du droit de vote des étrangers, qui touche à la conception même de la notion de Citoyenneté. Une notion dont l’amplitude des interprétations s’avère être très large au sein même de l’UE.
Au-delà des clivages traditionnels entre la droite et la gauche, le débat sur l’octroi aux étrangers du droit de vote aux élections locales anime la classe politique européenne par intermittence. Mais pas partout en Europe. Les pays scandinaves, les Pays-Bas (où la réforme a été mise en place avant Maastricht), l’Irlande (pour les résidents depuis plus de 6 mois) n’ont plus à en discuter : être étranger n’est pas incompatible avec le droit de choisir son gouvernement local.
Le Portugal et le Royaume Uni ont, de leur côté, accordé le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de leurs anciennes colonies. L’Espagne a des accords de réciprocité avec certains pays. Dans cet environnement, et au moment où l’Italie et la Belgique examinent des textes sur le sujet, la France, l’Allemagne, et l’Autriche font figure de mauvais élèves.
L’économie, critère déterminant
Chaque homme politique va se positionner sur cette question qui concerne en Europe un électorat de presque 15 millions de personnes. Chiffre qui explique en partie cette prise de position au premier abord surprenante de la part de Fini : une volonté de séduction.
Pourtant, l’enjeu n’est pas tant électoral étant donné la transcendance du débat de la gauche à la droite, le taux d’abstention élevé chez les populations immigrées, ainsi que les taux de participation quasi-nuls des étrangers communautaires aux élections municipales et européennes. Eventuellement, le vote des étrangers permettrait de faire reculer l’extrême droite… si la mesure ne donne pas lieu à une surenchère extrémiste.
A moyen terme par contre, le vote des étrangers extra communautaires aura des conséquences sur la gouvernance. Sur le plan politique, le premier résultat escompté est une évolution des dynamiques d’intégration du moins au niveau local. La prise en compte d’une population ignorée par la classe politique et qui se retrouve catapultée au statut d’électorat ne sera pas sans effets. Il ne faut pas non plus s’attendre à des bouleversements dans un sens ou dans l’autre, des études démontrant que les nouveaux arrivants adoptent rapidement les mœurs du pays accueillant.
Les défenseurs de ce type de réforme insistent sur son importance en matière d’intégration. Tout revient à se demander si «l’intégration » passe par la participation politique. A priori, ce que l’on désigne sous le terme d’intégration relève plutôt d’une logique d’inclusion que d’exclusion. Le civisme étant un élément (comme un autre) d’incitation à la participation à la vie publique, et donc d’intégration.
C’est peut-être l’enjeu économique qui décidera de la mise en place de telles réformes dans les pays d’Europe les plus frileux : dans le texte de Fini, il s’agit de rendre le pays attrayant pour les immigrants utiles à l'économie italienne.
L’étranger, cet autre moi
Le débat reste biaisé par un certain nombre d’inexactitudes, de quiproquos sémantiques (la définition même « d’étranger ») et culturels, de certitudes qui s’avèrent être relatives à une tradition politique. L’assimilation de la citoyenneté à la nationalité reste le principal obstacle à l’acquisition du droit de vote par les étrangers. Il serait temps de revoir le sens du mot citoyenneté, en le rapprochant du mot participation.
Les discussions sur le droit de vote des étrangers occultent les questions de fond par lesquelles passe réellement l’intégration : la place des étrangers dans l’économie, leur accès au travail, les inégalités économiques et sociales, leur intégration dans la vie culturelle et dans les mentalités. Le droit de vote est peut-être un premier pas symbolique et indispensable dans ce sens.
Il est évident que les étrangers font partie de la vie locale, par leur simple présence, par leurs cotisations, et parfois par leur participation active à des instances telles que le milieu associatif ou les conseils de quartiers. Accepter ce fait, lui ouvrir la porte de l’officialité permet d’envisager une évolution sur le long terme. Par rapport à l’intégration ou sur l’acquisition du droit de vote au niveau national.