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Eté indien en montagne

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Politique

L’hiver 2007 ressemble dangereusement aux précédents : doux, humide et sans neige. Provoquant les sueurs froides de l’industrie du ski.

'Pas de neige'. Le refrain est identique des Alpes aux Vosges en passant par le Jura. Annulation d’épreuves de la Coupe du monde de ski, fermeture de stations de ski en janvier et des vacanciers qui partent à la montagne munis de leur maillot de bain...Alors que le réchauffement climatique est sous le feu de l’actualité, l’industrie des sports d’hiver s’inquiète.

En janvier dernier, l’OCDE dévoilait un rapport sur les effets des changements climatiques affectant les Alpes européennes. Eloquent. L’OCDE affirme que « la neige, qui est à la base de ce secteur, va se faire de plus en plus rare. » Si 90% des domaines skiables des Alpes [ 609 domaines sur 666] bénéficient d’un enneigement naturel suffisant pendant au moins 100 jours, une hausse de température de 1°C suffirait à réduirait leur nombre à 500.

Selon la même étude, le mois de novembre 2006 dans les Alpes a été le plus chaud depuis 140 ans, date à laquelle on a commencé à relever les températures. Les années 2000, 2002 et 2003 y ont été les plus chaudes depuis 500 ans. Même son de cloche du côté du Centre d’études de la neige (CEN) de Météo France à Grenoble, pour qui le réchauffement climatique induit inéluctablement une « saison d’enneigement plus tardive et surtout plus courte. »

Mais tous les pays ne sont pas égaux devant cette menace. Si la Suisse pourrait voir 10% de ses stations fermer suite à une augmentation de la température de 1°C, en Allemagne, la proportion pourrait atteindre 60 %. Logiquement, ce sont les stations de ski à l’altitude la plus faible qui seront les plus affectées. La fiabilité de l’enneigement remet donc en question l’économie des territoires de l’Arc Alpin, déjà fortement tributaire de l’or blanc.

Des solutions à court terme

Le défi est de taille pour les régions alpines européennes qui dépendent souvent à plus de 50% du tourisme. En Savoie par exemple le tourisme génère 1,8 milliards d’euros de revenus annuels, plus de la moitié de la richesse du département et 28% des emplois en sont directement dépendants. Les Alpes, attirent chaque années entre 60 et 80 millions de touristes, ainsi que 160 millions de skieurs quotidiens sur les domaines cumulés de la France, la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne.

Alors que faire ? Depuis une vingtaine d’années, des efforts financiers colossaux ont été réalisés en faveur de solutions « à court terme », comme la production de neige artificielle. Certaines stations n’ont pas hésité à s’endetter pour équiper leur domaine de canons à neige.

Une solution qui comporte toutefois ses limites. Produire de la neige artificielle requiert des températures de l’ordre de -2 à -4°C et la formule reste très gourmande en eau : fabriquer 1 hectare de neige nécessite 3000 m3 d’eau.

Dans un milieu montagnard fragile, la question des ressources naturelles est d’autant plus délicate. Pour résoudre les problèmes d’eau, les stations ont construit des réserves d’eau ou ‘retenues collinaires’ à flan de montagne, mais leur impact sur la faune et la flore et les risques de glissement de terrain ne font qu’ajouter au problème existant.

Diversifier

Autre méthode pronée par les gérants de stations : le développement des domaines skiables à des altitudes de plus en plus élevées et la multiplication des jonctions entre les différentes stations. Cette stratégie endommage néanmoins encore un peu plus l’environnement. Quant à l’augmentation du nombre de kilomètres de pistes, elle n’entrave pas l’inévitable réchauffement du climat.

Mais les politiques insistent désormais sur la nécessité de traiter le problème dans sa globalité. Pour Thierry Combaz, de l’office du tourisme de Villard-de-Lans dans le Vercors, une « clientèle composée à 40% de non-skieurs ainsi qu’une une perpétuelle incertitude concernant le manteau neigeux incite à la diversification des activités d’hiver. » Ainsi, dans les stations de moyenne montagne, les espaces loisirs, piscines, éco-musées, patinoires et autres sentiers raquette se sont multipliés.

Autre tendance, celle qui consiste à se positionner sur le tourisme vert. En janvier 2007, Avoriaz accueillait ainsi la première édition du forum ‘Winter sport resorts for a better world’ : les acteurs de l’industrie mondiale du ski sont venus discuter des enjeux du changement climatique et ont tenté d’imaginer la station écologique de demain.

Pionnière, la station autrichienne de Werfenweng, au sud de Salzbourg, a décidé de miser sur les « déplacements doux ». Dans cette station, les estivants échangent leurs clés de voitures contre un accès gratuit à des vélos, bus et voitures électriques.

Si ces mesures relèvent plus du marketing, il est plus que temps de concevoir une véritable politique publique coordonnée au niveau européen. Les sports d’hiver dépendent de la loi du marché et sans l’intervention des pouvoirs publics, l’adaptation durable des stations aux effets du réchauffement climatiques aura toujours tendance à se faire par le biais des solutions à court terme.