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Et vive la concurrence !

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Default profile picture yann daujeard

Hier avait lieu à Berlin le sommet triangulaire entre Schröder, Chirac et Blair. Au grand dam des autres pays, qui craignent –à tort– l’institution d’un « directoire ».

La tension est à son comble. Berlusconi, faisant montre de son tact et de sa retenue habituels, a qualifié de « mascarade » la rencontre au sommet organisée entre l’Allemagne, la France et l’Angleterre. Sa diatribe se poursuit ainsi : « L’Europe n’a pas besoin d’un directoire ». L’Espagne n’a pas tardé à emboiter le pas, déclarant par la voie de sa Ministre des Affaires Etrangères, Ana de Palacio, qu’aucun pays n’avait le droit de détourner « l’intérêt général de l’UE » à son profit.

L’Europe à la pointe de l’innovation

Les trois poids-lourds de l’Europe ont pourtant de bonnes raisons d’organiser une telle rencontre. Après l’échec du projet de Constitution et les divergences de points de vue autour de la guerre en Irak, mais surtout au vu du marasme économique dans lequel elle est plongée actuellement, l’Europe a plus que jamais besoin d’un bon coup de fouet. Sur l’ensemble de ces points, le fameux « triumvirat » évoqué précédemment a élaboré des pistes de réflexion : relancer l’économie en donnant à la Commission un rôle clair et moteur, assurer l’avenir de la Constitution européenne et enfin construire une politique européenne de défense. L’arrivée du Royaume-Uni au sein du couple traditionnel qui fut le moteur de l’UE, à savoir l’Allemagne et la France, est un fait important : dans une Europe à 25, l’axe franco-allemand ne pèse plus assez lourd. Si l’Angleterre s’y adjoint, alors les eurosceptiques et les tenants du transatlantisme peuvent être amenés à changer d’avis. On ne peut imaginer une politique étrangère se passant de l’Angleterre ; les succès de cette dernière en matière de politique de défense le confirment. Et on sait depuis belle lurette que, pour établir des liens clairs et durables avec les investisseurs et relancer la croissance, la Commission doit se doter d’un « supercommissaire » afin de pouvoir mener une politique économique cohérente, qui ne s’embourbe pas dans sa bureaucratie.

Il est clair que de tels progrès ne peuvent être imaginés que par un petit groupe avant-gardiste. 25 chefs d’Etat n’ont pas la même souplesse imaginative que trois. Et seuls ceux qui ont une conception très naïve de la démocratie peuvent y voir un danger. Toutes les démocraties bien portantes prévoient ce genre de laboratoires politiques. La plupart des résolutions ne sont bien souvent soumises aux Parlements qu’une fois élaborées, et la démocratie n’en souffre pas pour autant.

Proposer, plutôt que de se braquer

La rencontre des trois poids lourds de l’Europe doit être considérée comme une opportunité pour faire revivre l’idée d’une constitution fondée sur le compromis, et par-là renforcer la démocratisation de l’Europe. Tant que Schröder, Chirac et Blair ne font pas sécession, pourquoi faudrait-il leur reprocher de se réunir ? Ils ne peuvent aboutir qu’à des propositions, dont l’éventuelle approbation n’interviendrait de toute façon qu’a posteriori. Et il ne peut être question de l’institution d’un « directoire » que si les autres pays restent sur la défensive et laissent moisir le projet de Constitution européenne. Ne nous laissons pas flouer par le soudain engouement de l’Italie et de l’Espagne pour « l’intérêt général de l’UE ». Berlusconi, cet incapable, et Ana de Palacio, dont le dogmatisme est bien connu à Bruxelles, portent beaucoup plus de responsabilité dans la mauvaise situation actuelle de l’Europe, que Chirac, Schröder ou Blair.

Plutôt que de se lamenter de la puissance des autres, il vaudrait mieux pour eux qu’ils se mettent à travailler sur leurs propres faiblesses, cesser de freiner des quatre fers et s’inscrire dans une logique de propositions constructives pour l’Europe. Ils devraient en cela relever le défi lancé par Berlin. Un peu de concurrence, ça ne peut pas faire de mal.

Translated from Belebende Konkurrenz