ESPAGNE VS ALLEMAGNE OU ITALIE ?
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Vincente MorletSi le Conseil européen était une cour de récréation, pour quelle équipe jouerait l’Espagne ? Le choix n’est pas si simple : Angela Merkel ou Matteo Renzi ? Allemagne ou Italie ? Austérité ou investissement ? Et enfin : loyauté envers la famille politique de centre-droit ou premiers pas vers les revendications du centre-gauche ?
Depuis la réforme de la Constitution espagnole, approuvée en 2011 par le Parti socialiste (PSOE) au pouvoir à l’époque et le parti de centre-droit (PP), l’Espagne s’est engagée dans une série de mesures d’austérité dans la lignée de celles adoptées dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Les dernières coupes budgétaires concernent les hôpitaux. D'ailleurs, selon le syndicat des infirmières SATSE, entre 14 000 et 15 000 lits dans les hôpitaux deviendraient « hors-service » en raison du manque de professionnels embauchés au cours de l’été.
Ces mesures d’austérité ont mis à mal la côte de popularité du Premier ministre Mariano Rajoy. Ainsi, selon des statistiques officielles du Centre des statistiques (CIS), 59,7 % des Espagnols ne lui font absolument pas confiance. Ils étaient 27,2% deux ans auparavant.
Après l’arrivée au Conseil européen du président socialiste François Hollande, beaucoup avaient cru que le régime d'austérité imposé par l’Allemagne toucherait à sa fin. Cependant, c’est vraisemblalement l’entrée de Matteo Renzi dans le club des 28 qui pourrait faire pencher la balance. À l’ouverture du dernier sommet européen le 16 juillet, le jeune Premier ministre italien a déclaré : « Nous demandons à être respectés. »La semaine précédant le sommet, il avait énoncé un discours dans lequel il réitérait sa position contre l’austérité.
La question est désormais de savoir si l’Espagne va rejoindre l’équipe de l’Italie ou rester dans celle de l’Allemagne. Toutefois, s’opposer à l’Allemagne n’est pas sans risque étant donné qu’il s’agit du pays qui compte le plus de voix. En outre, Angela Merkel et Mariano Rajoy appartiennent à la même famille politique. Cela dit, un changement de position de la part de Rajoy serait favorable au centre-droit dans l’optique des élections législatives de 2015.
Le Premier ministre n’a jamais été très clair sur sa position entre l’austérité de l’Allemagne et la flexibilité de l’Italie.
JOUER SA CARTE AU CONSEIL
Le Conseil européen est l’institution suprême de l’Union européenne. Il réunit les 28 chefs d’État et de gouvernement. Cette institution serait celle qui reflète le moins l’esprit communautaire, car c’est là que chaque État membre défend sa propre position. Néanmoins, aucun État ne peut agir individuellement, d’où la nécessiter de faire des alliances. Nous voilà donc immergé dans le « Game of Thrones » version Union européenne.
Le Conseil décide, en commun avec le Parlement européen, d’approuver ou de rejeter les lois. Cependant, la tâche principale du Conseil au cours de l’été (depuis les élections européennes du 25 mai) sera de procéder à la nomination des postes clés. Alors, laissons tomber les lois qui concernent les citoyens, il est temps de faire de la politique.
Parvenir à un accord peut s’avérer être une tâche herculéenne, mais aucun signe d’un Hercule ou d’un Zeus au Conseil européen. À la place, ce sont Angela Merkel et Matteo Renzi. La chancelière allemande insiste sur la nécessité de conserver les mesures d’austérité dans le cadre du Pacte de stabilité, alors que le Premier ministre italien fraîchement élu réclame de son côté que les cordons de la bourse soient desserrés pour favoriser l’investissement et la flexibilité. Voici donc les deux extrêmes.
Toutefois, les négociations se compliquent encore à 28 joueurs, puisque les affaires intérieures, les compromis entre partis et les revendications des électorats nationaux rentrent alors en ligne de compte.
UN TRÔNE POUR L’ESPAGNE
Loin des mesures qui touchent la population espagnole, Rajoy est actuellement occupé par les discussions institutionnelles au sujet des « trônes européens ». Jean-Claude Juncker a déjà obtenu la présidence de la Commission européenne, l’Italie lutte afin d'obtenir le poste de Haut-Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour Federica Mogherini et le Danemark pourrait se voir attribuer la présidence du Conseil européen. L’autre poste restant est la présidence de l’Eurogroupe, qui réunit les ministres des Finances de la zone euro. Juncker en était le président entre 2005, date de création de l’Eurogroupe, et 2013, année qui a vu le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem succéder au Luxembourgeois, ce dernier ne souhaitant d'ailleurs pas céder sa place pour le moment. Or, ce ne serait pas étonnant que tous les États membres, à l’exception des Pays-Bas, viennent apporter leur soutien à Luis de Guindos, l’actuel ministre espagnol des Finances.
Le problème se dessine lorsqu’il s’agit du commissaire proposé par l’Espagne. Miguel Ángel Arias Cañete, qui a été le ministre de l’Agriculture avant de présenter sa démission pour mener la liste du Parti populaire pour les élections européennes, voulait obtenir la commission de l’Agriculture depuis le début. Mariano Rajoy essaie de l’obtenir, mais M. Juncker a déjà demandé au Premier ministre espagnol de proposer une femme comme candidate pour la Commission européenne. Coïncidence amusante : Cañete a déclaré après un débat électoral télévisé qu’il était difficile de débattre avec une femme, car un homme ne montrerait pas sa supériorité. Aujourd’hui, la parité dans les institutions européennes pourrait empêcher l’Espagnol de de se voir attribuer ce poste.
En espagnol, on utilise l’expression « bailar con la más fea » (danser avec les plus laids) lorsque l’on tire le pire de quelque chose. Est-ce que, cette fois-ci, l’Espagne dansera avec les plus beaux ?
Translated from I WANNA PLAY WITH YOUR TEAM