Envoyez les droits de l’Homme sur la lune !
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yann daujeardLe gouvernement chinois fête succès sur succès : il fait désormais jeu égal avec le club fermé des puissances ayant envoyé un homme dans l’espace. Et l’Union Européenne d’applaudir…
21 heures durant, Yang Liwei a pu expérimenter une totale –mais éphémère– liberté. Il a fait 13 fois le tour de la planète bleue dans cet intervalle de temps, tandis qu’en bas les puissants dictateurs du PC chinois se frottaient les mains, en attendant son retour médiatique.
C’est un fait : en ce moment le gouvernement de Pékin vit comme qui dirait sur un petit nuage. Deux jours seulement avant le décollage de Yang Liwei, il publiait une proclamation qui traçait pour la première fois les grandes lignes des relations bilatérales Chine-UE. Avec des promesses tonitruantes à la clé. S’il n’en tenait qu’au gouvernement chinois, l’UE devrait bientôt devenir le partenaire commercial principal de la Chine. Déjà les préparatifs de cette idylle battent leur plein : pour les jeux olympiques de Pékin à l’horizon 2008, des groupes de travail communs ont été mis en place –c’est une première–, et l’industrie automobile européenne est déjà sur place, prête à conquérir le marché le plus prometteur de la terre. Enfin, le 30 octobre aura lieu un grand sommet Chine-UE, à l’occasion duquel la politique de coopération économique sino-européenne devrait se voir intensifiée.
Une dictature au 21ème siècle ?
On comprend mieux pourquoi Busquin, le commissaire européen à la Recherche, a eu du mal à contenir sa joie en apprenant le succès du vaisseau spatial chinois : « Ce vaisseau spatial peut unir les nations ». Il semblerait néanmoins que ce genre d’envolées célestes fasse quelque peu oublier aux responsables de l’UE la véritable nature du pouvoir en Chine. Les opposants au régime sont arrêtés, les groupements religieux opprimés, les cybercafés fermés. Cela n’empêche pas l’UE, dans un rapport de trois pages du « Conseil des Affaires extérieures », de ne consacrer en tout et pour tout que 6 lignes aux droits de l’Homme.
Quel est donc le but d’une politique étrangère commune qui fonctionne si bien dès que les enjeux sont financiers ? Qu’un « taikonaute » et un « euronaute » se serrent la main dans l’espace, pour symboliser l’amitié entre les peuples, tandis qu’au-dessous d’eux des hommes sont torturés et emprisonnés ? Quel est donc le but d’une politique qui tend à renforcer la position de la Chine dans le monde ? Avons-nous intérêt à ce qu’une puissance mondiale dirigée par des dictateurs soit économiquement forte ? Veut-on vraiment courir le risque de soutenir par des moyens capitalistes la forme la plus hégémonique de la dictature et la rendre présentable aux yeux du 21ème siècle ? Ou est-on assez naïf pour croire que l’on peut exporter les droits de l’Homme au même titre que les jolies voitures et les belles machines à laver, vers un pays dont les racines culturelles ne reposent en rien sur les valeurs des Lumières ?
Il faut que l’Europe cesse de décider de ces questions à huis-clos ; il faut se saisir d’elles et interroger ouvertement la politique de l’UE. Car tant que la Chine continuera d’être ce qu’elle est, il est à prévoir que les Chinois seront contraints de retourner dans l’espace, s’ils veulent pouvoir à nouveau sentir le vent de la liberté.
Translated from Schießt die Menschenrechte auf den Mond!