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Entre journaliste informateur et décrypteur du jargon européen

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Bruxelles

Par Jan Nils Schubert Alors que le sommet européen vient de se clôturer, les décisions prises laissant à plus d’un journaliste un certain arrière-goût de déception quant à la progression de l’union bancaire. Un moment de réflexion sur un monde composé de termes et débats techniques s’impose.

Le langage européen : décryptage nécessaire et ouverture à un monde technique

« Bonne chance pour ton meeting de journalistes! ». C’est tout ce que mon ami, novice en matière européenne, a su répondre à la nouvelle que j’allais couvrir le sommet du Conseil européen. Alors, que je n’arguerai pas du fait que le dit Conseil ressemble en certains points à une  grande réunion de ces prédateurs de l’information, il est aussi – et avant tout – un lieu où des choix économiques et politiques décident du sort de ses États membres et plus largement du peuple européen. Comment expliquer que mon ami, ainsi que tant d’autres citoyens européens « lambda » ignorent totalement cet évènement, qu’une masse médiatique couvre cependant avec intérêt ?

Un élément de réponse est alors la langue, définie par le linguiste Ferdinand de Saussure comme une construction humaine rendant compte de « la relation constante entre le son et le sens » selon les termes de Bourdieu dans son ouvrage "Sur le pouvoir symbolique". Pas besoin de grandes réflexions pour comprendre, que la difficulté apparaît lorsque cette relation demeure un mystère pour une partie de la population, à laquelle pourtant elle s’applique. C’est ainsi que la « bulle européenne » se caractérise notamment par un lexique propre. Il s’agit de tout un ensemble de mots et expressions, de titres accrocheurs, créés généralement en réponse à une situation existante. Anglicismes à l’appui, je citerai dans le désordre le six-et le two-pack, la financial transaction tax (FTT et le single supervisor). Fort heureusement, il existe des sigles rendant le tout plus compréhensif, tel que ceux de la Banque Centrale Européenne (BCE ou ECB en anglais) ou alors l’European Banking Authority (EBA).

Le rôle du journaliste : rendre lisible le charabia technique

Techniciens européens et journalistes, tous prennent alors part à cet univers composé de termes prêts à l’emploi, qu’il s’agit de maîtriser à la perfection – et si possible en plusieurs langues. Chaque expression recèle alors des défis et débats à connaître, telle une porte intergalactique s'ouvrant sur un nouvel univers. Ainsi, suite à une préparation personnelle quelque peu maladroite d’un sommet technique, j’ai pu découvrir « sur le tas » un langage inconnu jusque là. Peut-on reprocher aux citoyens européens de ne pas comprendre totalement les enjeux qui se jouent dans l’Europe ?

D’où le défi principal pour les professionnels de la communication, celui de transmettre  au grand public, les idées formulées dans ce langage précis, voire élitiste. Le journaliste devient alors le lien entre l’univers technique de l’Union et son sujet. Le voici confronté au dilemme suivant : comment rapporter avec exactitude et de façon compréhensive les décisions prises, sans s'enfermer dans un charabia incompréhensible pour le lecteur non spécialisé. Peut-il alors réellement remplacer des termes ou expliquer tout les implications d’un débat économique complexe ? Une réelle difficulté assortie de béquilles peu solides telles que des résumés approximatifs, des choix dans les sujets traités sans vision globale, etc.

L’écart démocratique comme une réalité présente, un débat toujours nécessaire.

Qu’on reproche dès lors au citoyen européen de ne pas s’intéresser aux élections européennes. Qu’on gronde l’homme de la rue, parce qu’il a opté pour le « premier parti européen », je parle ici du parti des abstentionnistes. Un parti qui récoltait 56,9% des voix aux élections européennes de 2009, mettant par là même à mal la légitimité du Parlement européen. Bien sûr, le Conseil européen, tire une légitimité populaire tout aussi directe de par sa composition (chefs d’Etats et de gouvernement). Seul hic, l’intérêt, voire même la connaissance de son existence et de son importance semblent limitée parmi un échantillon de personnes interrogées ainsi que celles de mon entourage.

La faute à qui donc ? Difficile à dire. En attendant, une recherche conduite en amont du sommet, a permis à l’équipe de Cafebabel Bruxelles, de constater un silence quasi-généralisé sur la réunion imminente du Conseil, ainsi que sur les sujets qui y seront traités. Jugée moins important que celui de juin 2012, les citoyens de l’Eurozone ne sont-ils pas en droit d’être informés sur des enjeux aussi capitaux que les discussions autour de l’union bancaire possible, d’une monnaie qu’ils utilisent quotidiennement ?

Sans vouloir accuser une partie ou l’autre, ce sommet ne fut qu’un autre réveil à la réalité de l’Union Européenne. Une façon pour moi de me rendre compte que la réalité européenne ne se limitait pas à mes cours sur ses institutions, mais à une réalité économique technique, qui place souvent le citoyen au cœur de ses débats sans pourtant que celui-ci n’y participe.