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En attendant Godot : la vanité américaine sur le climat

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Translation by:

Laurent Pechamat

Bruxelles

[OPINION] Le Secrétaire d'Etat Américain voit le changement climatique comme "l'une des plus grandes opportunités économiques que le Monde ait jamais connu". Mais pour qui exactement ?

" En attendant Godot "

Dans un étalage à peine croyable de vanité américaine, le Secrétaire d'Etat John Kerry n'a fait nulle mention de réparations pour les pays en voie de développement subissant le changement climatique (ce qu'on appelle les "les pertes et les dommages"), sujet pourtant récurrent lors de la COP21, sommet international pour le climat se déroulant cette semaine. Applaudissant la Citibank, la Bank of America, Goldman Sachs et le secteur privé pour leur investissement dans les "projets pour le climat", Kerry a prié l'audience de ne pas s'asseoir "en attendant Godot", et a soutenu que les soi-disants énergies propres étaient "l'une des plus grandes opportunités économiques que le Monde ait connu". 

Son message était clair. S'adressant exclusivement au monde de la grande finance, et ce malgré le fait qu'il se trouvait en conférence internationale dans la banlieue nord-est de la capitale française, Kerry a insisté sur la responsabilité qu'ont les pays en voie de développement dans la pollution de l'atmosphère, tout en atténuant celle des pays les plus riches dans le changement climatique. Invoquant Bill Gates et la main invisible du capitalisme, il a sans cesse mis en avant le rôle des entreprises privées ainsi que " le marché" dans la sauvegarde de l'environnement. Terminant sur un quelconque - mais qui lui apporta tout de même une vague d'applaudissements - plan à 800 millions de dollars "d'investissements d'adaptation basés sur des subventions", Kerry a conclu que le reste du monde devait adhérer au programme. 

"Le fait est que même si chaque citoyen Américain se rendait au travail à vélo, à l'école en covoiturage, et utilisait seulement des panneaux solaires pour électriser sa maison - devinez quoi ? - cela ne serait toujours pas suffisant pour compenser la pollution au carbone provenant du reste du monde... pas lorsque plus de 65 % de la pollution au carbone mondiale provient des pays en développement... Peu importe combien la moitié du monde prend sa part de responsabilité, si un chemin similaire n'est pas pris par le reste du Monde, la Terre aura toujours un problème ". 

Une priorité donnée aux affaires

Mais ces 65 %, ou 57 % selon l'Institut des Ressources Mondiales (WRI), incluent la Chine et l'Inde. La Chine est le plus grand émetteur mondial de gaz à effets de serre, mais les Etats-Unis (en seconde place) ne sont pas bien loin derrière, suivis par l'Union Européenne. Et ni l'EPA (Agence de Protection de l'Environnement) ni le WRI ne font de distinction entre les émissions d'entreprises nationales et transnationales, comme celles résultant des extracteurs de matières fossiles, qui opèrent dans les pays en développement certes, mais dont le siège social se situe aux Etats-Unis !

Cette priorité donnée au secteur financier a été lancé par le président du Club Sierra, Michael Brune, lors de son intervention, la veille. Félicitant les Etats-Unis de leur réduction de gaz à effets de serre de 200 millions de tonnes entre 2007 et 2014, Mr Brune en est arrivé à parler de potentielle transition au charbon par le pays. Une décision assez curieuse pour une organisation connue pour la préservation de la forêt et l'escalade en montagne, dont la devise est "explore, apprécie et protège la planète". Brune a déclaré que deux choses sont essentielles pour la transition : 1) "Qu'y aura-t-il après le charbon ? Nous devons nous assurer que ce soit de l'énergie propre" et 2) "Nous devons nous assurer que la transition soit gage d'emploi". 

Un discours centré sur le mécanisme de "Pertes et Dommages"

Le mécanisme de Pertes et Dommages (P&D) a été d'abord incorporé dans la Convention-Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) lors de la COP19 à Varsovie, en novembre 2013. Selon la CCNUCC, " le but du mécanisme de Pertes et Dommages est d'aborder le problème des pertes et dommages relatives aux impacts du changement climatique, incluant des événements extrêmes (ouragans, vagues de chaleur etc) et des événements plus lents (comme la désertification, l'augmentation du niveau de la mer, l'acidification océanique etc) dans les pays en développement qui sont particulièrement vulnérables aux effets négatifs du changement climatique ". 

En supplément de "réduction" et d'"adaptation ", le mécanisme de pertes et dommages est un troisième concept introduit dans les négociations sur le climat pour couvrir les effets du changement climatique ne pouvaient être rectifiés ou remplacés, comme lorsque les vies, qu'elles soient animales ou humaines, sont perdues et que leurs habitats sont endommagés sans pouvoir être restaurés. Les pertes et dommages ont affecté de façon disproportionnée les petits Etats péninsulaires en développement ainsi que les pays les moins développés, alors que ce sont précisément ceux qui, n'ayant pas ou que très peu d'industrie, y ont le moins contribué. Les 650 milliards de dollars potentiels en investissements dans le secteur privé que Kerry salue "seraient une opportunité pour le projet actuel lui-même" mais pas pour les pertes et dommages, où le fonds serait offert sans aucune contrepartie.

Le Dr. Michael Dorsey, co-fondateur et membre du Conseil de Islands First, une organisation de capacité de construction sans but lucratif pour les nations des petites îles, s'est moqué de " l'offre d'un billet de 20 ans lié à la production d'électricité. Les gens pauvres n'ont, par définition, pas de crédit". 

Dorsey affirme que "personne ne s'agite sérieusement pour l'accès à bas coût à l'énergie solaire, mais qu'on répond par contre aux clients riches. Les conversations sur l'énergies sont faibles au sein du Conseil. La plupart ne s'appliquent nulle part, et évitent le monopole des renouvelables". 

Déjà, le discours de pertes et dommages a été dilué dans le texte d'esquisse de la COP21 sorti tard dans la nuit du jeudi, principalement à cause d'objections faites par les USA et d'autres pays sur une implication et un investissement quelconques.

Lors de son speech, Kerry a exprimé son peu de confiance dans le respect de la limite des deux degrés de température qui apparaît dans l'ébauche du 10 décembre, un chiffre minimum voire inutile selon de trop nombreux experts. "L'une des choses à laquelle nous nous attendons ici et qui rend Paris si important, ce n'est pas que nous allons sortir d'ici en sachant que tout ce que nous allons faire va réduire la marge des deux degrés. Mais que ce que nous faisons envoie un extraordinaire signal au marché ". Comme si l'opiniâtre course au profit n'était pas citée par tout le monde, de Naomi Klein au Pape, comme la principale responsable de notre destruction environnementale.

Translated from Waiting for Godot: U.S. Conceit at Climate Talks