Emploi des jeunes : aux origines de la génération sacrifiée
Published on
L’espace médiatique est saturé par la sortie du livre de V. Trierweiler, l’iPhone 6 et les fesses de Kim Kardashian. Loin de nous la prétention de rivaliser médiatiquement avec l’arrière-train de la femme de Kanye West, nous souhaitions simplement remettre sur la table un dossier brûlant : le chômage des jeunes.
Avec une situation économique qui ne cesse de se dégrader depuis la crise de 2007, nos modèles de sociétés s’essoufflent. Cette crise financière, qui s’est transformée en crise économique pour ensuite se traduire en crise de la dette, a broyé par son opulence et par son avidité la nouvelle génération. Aujourd’hui, avec un chômage de masse, une croissance atone pour les plus chanceux et la récession pour les autres, une pression déflationniste grandissante et un risque de défaut toujours palpable, les économies européennes sont paralysées. Qui sont ceux qui subissent directement les politiques d'austérité ? En première ligne, on trouve les plus vulnérables ne bénéficiant pas de filet de sécurité, dont les jeunes diplômés en incapacité d’intégrer le marché de l’emploi de façon durable.
L’actualité people a toutefois l’avantage de nous faire oublier la difficulté d’un quotidien oscillant entre la désespérance et la colère. Tu es jeune, diplômé, plein d’envie mais tu fais partie du quart des jeunes européens au chômage ! Aucune réponse concrète n’est apportée par une classe politique déconnectée de son époque. Comment s’intégrer dans un pays qui ne croit pas en son avenir : sa jeunesse ? Le déficit de représentativité politique est manifeste. Les jeunes subissent de plein fouet les réajustements dus à la crise de la dette, sans offre ni réponse politique adéquate.
D’où vient cette génération sacrifiée ?
La chute de Lehman Brothers en 2007, au delà d’une institution bancaire mondiale, a marqué la chute d’une idéologie néolibérale. Cette crise, qui prend racine dans la dérégulation financière des années 90 aux États-Unis sous Bill Clinton, impacte encore notre quotidien. Il faut à ce titre citer l’abrogation du Glass-Steagall Act en 1999. En vigueur depuis 1933 sous la présidence Roosevelt, celui-ci interdisait la spéculation et imposait la séparation des activités bancaires. Les verrous législatifs ayant sauté, la finance spéculative a pu refaire surface. « La scission des banques commerciales et d’investissement a été quasiment totalement ignorée à la fois par les historiens de la finance et les économistes , nous disait Perkins en 1971.
La crise financière a donc entrainé un phénomène de crainte généralisé vis-à-vis des défauts de paiement. Les nations n’ont pas été épargnées. L’intégration des économies et leur interdépendance ont particulièrement affecté nos économies européennes qui, rappelons-le, ont soutenu financièrement les institutions bancaires. La crise financière a entrainé une première crainte, celle du défaut de remboursement, et la crise économique celle de la récession. La crise de la dette souveraine a éclaté à ce moment précis. Les créanciers des États, échaudés par l’effondrement des subprimes, sont devenus plus regardant quant aux conditions et à la capacité des États à rembourser leurs emprunts. Cette situation a mis en évidence l’ampleur des dettes publiques, ainsi que la vulnérabilité des États vis-à-vis des marchés financiers.
Depuis, la crise financière a engendré la crise de la dette, elle-même introductrice de la crise économique. Les politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique ont été justifiées par le besoin de remboursement de la dette étatique. En parallèle, le sauvetage des différentes institutions financières et les garanties apportées par les États sonnaient déjà comme une incohérence intellectuelle. En effet, l’un des principes de base de l’investissement est le suivant : plus le risque est élevé, plus le rendement l’est également. Théoriquement, dans une logique purement libérale, aucun sauvetage public ne devrait « piper » les dés du jeu économique.
Entre obsolescence des modèles sociaux et frilosité politique
S’en sont suivi des courants protestataires populaires trop éclatés, trop ponctuels et peut-être sous-médiatisés qui n’ont pas véritablement pu galvaniser l’opinion publique. On peut citer le mouvement des Indignés (occupy wall street), Podemos ou bien encore l’appel d’Éric Cantona aux ménages pour qu’ils retirent leurs épargnes du système financier. Le sauvetage des banques par les États, justifié par le risque systémique que font peser les institutions financières sur les acteurs économiques, a été vécu comme une injustice par l’ensemble des peuples européens. La célèbre formule du « Too big to fail » apparaissait comme une évidence à mesure que le risque de faillite des institutions financières paralysait la classe politique. La contraction de l’activité économique et la compression de la dépense publique entretiennent un climat économique dépressionniste (cf. La gauche française un ambidextre bien maladroit). L’obsolescence de nos mécanismes économiques, conjuguée à l’incapacité des décideurs politiques à apporter une réponse efficace, provoque ainsi le scepticisme, le rejet, voire la colère des peuples européens.
Il est primordial de retrouver un équilibre afin que la finance puisse servir la société et l’économie réelle. La stabilité économique doit avoir un prix: celui de la démocratie. De nombreux relais de croissance durable sont à portée de main, tels que les énergies renouvelables, des nouveaux circuits économiques, les projets de sociétés européennes (santé, éducation, transport, bâtiment). Ces derniers ont simplement besoin de bénéficier de l’envie de cette nouvelle génération.